Le CCS, une technologie indispensable ?

Le captage et le stockage du CO2 semblent désormais incontournables pour parvenir à réduire de moitié les émissions mondiales de GES d'ici 2050. C'est en tout cas l'avis de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui estime par ailleurs que sans cette mis en œuvre, les coûts de réduction des émissions pourraient augmenter de 70%.

De nombreux pays s'engouffrent dans la brèche. Technologie évoquée par une poignée de spécialistes au début des années 2000, le CCS fait aujourd'hui l'objet de près de 150 projets démonstrateurs aux quatre coins du globe. Un engouement encouragé par le G20, qui appelle à un déploiement massif des démonstrateurs de recherche, ultime étape de validation avant l'industrialisation. D'après l'AIE, une centaine de sites CCS devraient donc être opérationnels d'ici 2020, et plus de 3000 à l'horizon 2050. Pour un investissement total de 5 à 6 milliards de dollars annuels sur ces quatre prochaines décennies.

Si pour l'heure, seuls sept démonstrateurs sont opérationnels dans le monde (au Canada, en Norvège, au Japon, en Algérie et aux Pays-Bas), nombreuses sont les annonces de projets et d'investissements. En marge du sommet de Copenhague, la Chine a d'ailleurs inauguré la plus grande installation-pilote de captage à Shanghai, d'une capacité de 100 000 tonnes de CO2 par an. Le Canada a de son côté annoncé le financement de deux projets d'envergure, dont l'un devrait permettre le captage de plus d'un million de tonnes de CO2 par an, pour 2 milliards de dollars canadiens. Les États-Unis, grands consommateurs de charbon, comptent attribuer aux projets CCS une enveloppe de 3,4 milliards de dollars dans le cadre de leur plan de relance économique. Quant à l’UE, elle vient de débloquer plus d'un milliard d'euros pour le financement de six projets sur son territoire. La France n’est pas en reste, avec un projet porté par Total, à Lacq (64), qui ambitionne de capturer et de stocker près de 150 000 tonnes de CO2. On dénombre aujourd’hui trois projets en Allemagne et en Pologne, cinq aux Etats-Unis, neuf au Royaume-Uni, deux en Australie, en Chine, au Japon... Et la liste ne cesse de s'allonger.

Une technologie très coûteuse

Pour autant, le déploiement à grande échelle du CCS ne pourra se faire sans une réduction des coûts afférents. D’après Sophie Galharret, chargée de recherche Energie et Climat à l’Institut du développement durable et des relations internationales, « la moyenne des coûts d’abattement varie aujourd’hui autour de 80 € la tonne de CO2. Mais sur certains projets, où la configuration géographique est la plus compliquée, on peut monte parfois à 100 € par tonne. Tout l’enjeu est d’atteindre 30 à 50 € d’ici 2020. » D’autant qu’une centrale à charbon dotée d’un dispositif CCS voit son rendement diminuer, du fait de la pénalité énergétique, et passer globalement de 30% à 25%. Et d’après une récente étude du cabinet américain Pike Research, ajouter un tel dispositif sur une centrale existante ou en projet génèrerait 50 à 70% de coûts de production d’électricité supplémentaires. Mais, d’après cette même étude, l’avenir est prometteur : le marché du CCS pourrait peser jusqu’à 220 milliards de dollars en 2030.

Cette opportunité, industriels et pouvoirs publics français comptent bien la saisir. Le gouvernement a ainsi confié à l’Ademe la gestion d’un fonds « démonstrateurs de recherche", doté de 450 millions d’euros sur quatre ans, pour développer l’expertise française. Pour Mathieu Orphelin, directeur de cabinet de la présidence de l’Ademe, « il faut préparer l’arriver de nos industriels français sur ce marché, et ce fonds est justement un outil puissant pour parvenir à cette nécessaire rupture technologique. »

Les experts en analyses géologiques ont également de beaux jours devant eux. Le Bureau de recherches géologiques et minières compte ainsi apporter son expertise et valoriser les données géologiques, pour éviter de coûteux forages. De son côté, Alstom a signé un accord avec l’allemand Schlumberger pour vendre des études de faisabilité aux centrales susceptibles d’installer un dispositif CCS. Patrick Fragman, Vice Président Environmental Control Systems & CO² Capture Systems d'Alstom Power, y voit un fort potentiel économique : « les industriels vont devoir montrer patte blanche, vis-à-vis notamment de l’opinion publique. Donc, d’ici 5 à 10 ans, la demande de ce type d’analyses techniques va exploser. »

Reste cependant une inconnue, liée à l’expansion de ce marché émergent : l’évolution du prix du carbone. Car la réduction des coûts afférents au CCS et l’augmentation du prix du carbone forment deux courbes qui finiront bien par se croiser. De là à ce qu’il soit plus intéressant pour les industriels qui possèdent de gros stocks de CO2 de se lancer dans le CCS plutôt que d’intégrer le marché du carbone, il n’y a qu’un pas. Or, ce scénario ne va clairement pas dans le sens d’une société de moins en moins « carbonée ».

L’acceptabilité sociale à acquérir

Pour Olivier Appart, président de l’IFP, « le pétrole a été stocké depuis 200 millions d’années dans nos sols, donc si on y met du CO2 pendant quelques milliers d’années, en gros, on le retourne à l’envoyeur. » Cet argument pourra-t-il convaincre les plus sceptiques ? Rien n’est moins sûr. Car les risques de réactions chimiques entre le CO2 et les composants présents dans les cavités de stockage sont encore à l’étude… Les risques sont loin d’être maîtrisés.

Enfin, le CCS pourrait également éclipser des solutions énergétiques alternatives. Pour Sophie Galharret, « il faut voir le CCS comme une transition vers un mix énergétique complet, fondé sur les énergies renouvelables. Et éviter d’inciter la production d’électricité grâce aux énergies fossiles. Or, le CCS présente ce risque. » Quant à l’opinion publique, trop rarement consultée sur le sujet, elle reste à l’écart d’un débat… inexistant. Or, pour Sophie Galharret, « ce débat est primordial pour sortir de la simple opposition locale. »

Quand aux ONG, beaucoup s’accordent pour dire que les fournisseurs d’énergie s’emparent du CCS pour « pouvoir émettre autant de CO2 qu’actuellement » et réfutent l’argument selon lequel cette technologie serait une solution de transition. Elles craignent que le CCS ne permette au contraire de poursuivre la production d’énergie au charbon et retarde encore l’expansion des énergies renouvelables.

Auteur : Anne Farthouat, Novethic

Pour en savoir plus :

Réactions...

MM'S le :

Quelque chose m'intrigue, cependant....
Je crains que cette affaire de capteur de CO² ne soit encore une histoire de gros sous, à coup de lobbies qui vont s'affronter voire s'engouffrer dans la brèche...
Six milliard et demi de paires de poumons en rejettent aussi, de ce CO²... Y trouverait-on quelque chose à redire ?

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