Considéré comme un matériau aux propriétés “miracles”, l'amiante a longtemps été massivement utilisé dans la construction. Bien que son utilisation soit aujourd'hui interdite, on en trouve encore dans de nombreux bâtiments.
Retrouvez dans ce guide complet les obligations de l'employeur pour protéger ses travailleurs contre les risques liés à l'amiante.
Prévention des risques liés à l'amiante : définition et enjeux
Qu'est-ce que l'amiante ?
L'amiante est un produit minéral fibreux de la famille des silicates, des minéraux présents naturellement dans certaines roches. En raison de ses propriétés “miracles” (résistance au feu, faible conductivité thermique, acoustique et électrique, faible coût), il a été massivement utilisé pendant plus de 130 ans notamment en tant qu'isolant thermique dans la construction de bâtiments.
L'amiante était employé sous différentes formes en fonction des usages auxquels il était destiné. En voici quelques exemples :
- amiante brut en vrac pour l'isolation thermique en bourrage ou flocage ;
- amiante sous forme de poudre, incorporée dans des mortiers, colles ou enduits de finition ;
- amiante mélangé à du ciment pour la fabrication de composés pour la construction (plaque ondulées, gaines de ventilation, canalisations, etc.).
Quels sont les risques liés à l'amiante ?
L'emploi de l'amiante a été définitivement interdit en 1997 en raison de ses effets graves sur la santé. En effet, des études ont montré que l'exposition aux fibres d'amiante pouvait générer de graves maladies respiratoires, notamment l'asbestose, mais aussi des cancers.
L'inhalation de fibres d'amiante, invisibles à lœil nu, entraîne des risques plus ou moins importants en fonction de la durée et de l'intensité de l'exposition. Les effets ne sont pas immédiats et se manifestent plusieurs années après le début de l'exposition.
Ainsi, en 2023, selon le rapport annuel 2024 de la CNAMTS, 1895 maladies professionnelles liées à l'amiante ont été déclarées, dont 753 cancers. Les maladies liées à l'amiante représentent la deuxième cause de maladies professionnelles et la première cause de décès liés au travail (hors accidents du travail).
Quels sont les principaux métiers concernés ?
Bien que l'amiante ne soit aujourd'hui plus extraite, transformée ou utilisée de façon primaire, il subsiste encore de nombreux matériaux amiantés dans des bâtiments (cloisons, faux-plafonds, dalles de sol, etc.) construits ou équipements fabriqués avant 1997.
Toute intervention sur ces matériaux peut émettre des poussières dangereuses et expose donc les travailleurs concernés au risque amiante. Parmi les principales professions concernées on retrouve notamment :
- les travailleurs des entreprises de désamiantage ;
- les travailleurs du BTP ;
- les professionnels du second œuvre du BTP : plombiers-chauffagistes, maçons, carreleurs, peintres, électriciens, etc. ;
- les professionnels de l'entretien et de la maintenance : nettoyage des sols, vérification des ascenseurs ou systèmes de protection incendie, etc. ;
- les salariés travaillant dans le secteur du traitement des déchets.
Comment protéger les travailleurs des risques liés à l'amiante ?
Constituer et tenir à jour un Dossier Technique Amiante (DTA)
Tout chef d'entreprise propriétaire d'un bâtiment dont le permis de construire a été délivré avant le 1er juillet 1997 doit faire réaliser et tenir à jour un Dossier Technique Amiante (DTA) (article R1334-16 CSP).
Le DTA est à la charge du propriétaire de l'immeuble et doit être réalisé par un opérateur de repérage certifié. Il vise à protéger les occupants du bâtiment, dont les travailleurs, du risque d'exposition accidentelle aux fibres d'amiante grâce à l'identification et la localisation des matériaux et produits amiantés et une évaluation de leur état de conservation (article R1334-20 CSP).
Le DTA doit être tenu à la disposition des employeurs, du comité social et économique (CSE) et du médecin du travail lorsque l'immeuble comporte des locaux de travail (article R1334-29-5 CSP). Il doit être mis à jour lors de chaque nouvelle opération dans l'immeuble concernant des matériaux ou produits contenant de l'amiante.
Réaliser un repérage avant toute opération comportant des risques d'exposition à l'amiante
La réglementation oblige par ailleurs tout propriétaire d'un bâtiment construit avant 1997 qui envisage une opération comportant des risques d'exposition à l'amiante de faire effectuer un Repérage Amiante Avant Travaux (RAAT) (article L4412-2 C. trav.).
Focus: Le RAAT s'applique pour toutes les interventions sur le bâtiment, qu'il s'agisse d'opérations courantes de maintenance (petites réparations, passage de câbles, entretien ou remplacements d'installations techniques, etc.) ou de travaux plus importants (rénovation, réhabilitation, réaménagement d'espaces, etc.).
Pour faciliter la conduite des opérations fréquentes de maintenance, il est néanmoins possible de réaliser un seul RAAT couvrant le périmètre des interventions habituelles des agents.
L'objectif du RAAT est de permettre à l'entreprise appelée à réaliser l'opération d'effectuer une évaluation des risques et d'adapter les protections collectives et individuelles de ses travailleurs.
Focus: Le RAAT permet d'aller plus loin que le DTA. En effet, ce dernier ne constitue pas un repérage exhaustif de l'ensemble des matériaux amiantés présents dans le bâtiment car il ne prend en compte que les matériaux accessibles sans prélèvements destructifs.
Le RAAT doit être effectué par un opérateur qualifié et disposant des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission. L'opérateur doit exercer sa mission en toute indépendance et ne pas avoir de lien d'intérêts pouvant nuire à son impartialité (article R4412-97-1 C. trav.).
Notez-le : La liste des diagnostiqueurs amiante certifiés est consultable à l'adresse suivante : https://diagnostiqueurs.din.developpement-durable.gouv.fr/index.action
Plusieurs obligations incombent au donneur d'ordre dans le cadre de ce repérage, notamment :
- communiquer à l'opérateur l'ensemble des documents et informations nécessaires à la bonne exécution du repérage (liste des parties d'immeubles concernés, programme détaillé des travaux, plans, dossier technique amiante) ;
- ne pas imposer une méthodologie pour sa réalisation ;
- permettre à l'opérateur d'accéder en toute sécurité aux matériaux et produits ;
- désigner, si nécessaire, un accompagnateur pour l'organisation et le suivi de la mission de repérage.
Le périmètre et le programme de la mission de repérage sont déterminés par l'opérateur en tenant compte des documents et informations qui lui sont transmis par le donneur d'ordre, notamment le programme détaillé des travaux envisagés.
Notez-le : Le propriétaire ou donneur d'ordre est dispensé de faire procéder à un RAAT lorsque le DTA permet déjà de fournir des informations suffisamment précises quant à la présence ou l'absence d'amiante dans les matériaux et produits susceptibles d'être impactés par les travaux projetés.
A l'issue de sa mission, l'opérateur doit établir un rapport concluant soit à l'absence soit à la présence de matériaux contenant de l'amiante. Dans le second cas, il précise leur nature, localisation et quantité estimée (article R4412-97-5 C. trav.). Le propriétaire de l'immeuble doit mettre à jour le DTA en fonction des données issues du rapport de repérage.
Attention : Il arrive que la réalisation du RAAT soit impossible, notamment dans certaines situations d'urgence (article R4412-97-3 C. trav.). La protection collective et individuelle des travailleurs doit alors être assurée comme si la présence d'amiante était avérée.
Par ailleurs, lorsque le RAAT ne peut être dissocié de l'opération elle-même pour des raisons techniques, il doit être effectué au fur et à mesure de l'avancement de l'opération (article R4412-97-4 C. trav.).
Respecter les dispositions applicables en cas d'opérations comportant des risques d'exposition à l'amiante
Il est tout d'abord important de rappeler que les employeurs dont les travailleurs réalisent des opérations comportant des risques d'exposition à l'amiante sont soumis aux dispositions du Code du travail concernant les agents chimiques dangereux (ACD) et aux agents mutagènes, cancérogènes et/ou toxiques pour la reproduction (CMR), à l'exception du contrôle de l'exposition (article R4412-95 C. trav.).
Focus : Pour en savoir plus, n'hésitez pas à consulter nos guides spécialement dédiés à la prévention des risques liés aux agents chimiques dangereux et aux CMR.
Au-delà de ce cadre général, les entreprises concernées doivent également respecter un certain nombre de dispositions spécifiques pour la prévention des risques liés à l'amiante que nous vous détaillons ici.
Évaluation des risques et estimation des niveaux d'empoussièrement
L'employeur dont les travailleurs réalisent des activités présentant des risques d'exposition à l'amiante doit réaliser une évaluation des risques spécifique et estimer les niveaux d'empoussièrement des travailleurs pour chaque processus de travail (article R4412-98 C. trav.) en les classant selon trois niveaux :
- Niveau 1 : empoussièrement < 100 f/L (fibres d'amiante/litre d'air inhalé) ;
- Niveau 2 : empoussièrement > ou = 100 f/L et < 6000 f/L ;
- Niveau 3 : empoussièrement > ou = 6000 f/L et < 25 000 f/L.
Important :
Depuis le 1er juillet 2015, la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP) est fixée à 10 fibres / litre sur une période de 8h de travail
(article R4412-100 C. trav.).
Le mesurage des niveaux d'empoussièrement et le contrôle du respect de la VLEP des travailleurs doivent être réalisés par un organisme accrédité et indépendant. Les résultats doivent être transcrits dans le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) et communiqués au CSE et au médecin du travail (article R4412-102 C. trav.).
Attention : L'inspection du travail peut demander à l'employeur de faire procéder à un contrôle des niveaux d'empoussièrement en fibres d'amiante par un laboratoire accrédité sous un certain délai (article R4722-14 C. trav.).
Mise en œuvre des mesures de prévention
Une fois l'évaluation des risques réalisée, l'employeur doit réduire au minimum la durée et le niveau d'exposition des travailleurs par la mise en œuvre notamment :
- de techniques de réduction de l'empoussièrement
Exemples : travail robotisé en système clos, démontage des éléments par découpe on déconstruction, imprégnation à cœur des matériaux contenant de l'amiante avec des agents mouillants, etc.
- de mesures de confinement et de limitation de la diffusion des fibres d'amiante à l'extérieur de la zone où se déroule l'opération, notamment par la définition d'une procédure de décontamination et la mise à disposition des travailleurs de moyens de décontamination appropriés.
Le choix des équipements de protection collective et individuelle doit être fait en fonction des niveaux d'empoussièrement. Ces équipements doivent permettre d'assurer le respect de la VLEP pour les travailleurs concernés.
Focus : Un arrêté du 8 avril 2013 précise les règles techniques et les équipements de protection collective et individuelle à mettre en œuvre en fonction des niveaux d'empoussièrement.
La zone d'intervention doit être signalée et rendue inaccessible aux personnes non autorisées (article R4412-112 C. trav.). Cette signalétique doit notamment préciser le niveau d'empoussièrement estimé des opérations réalisées et les équipements de protection individuelle (EPI) obligatoires.
Attention : En cas de dépassement du niveau d'empoussièrement estimé en cours d'opération, l'employeur doit suspendre l'activité des travailleurs jusqu'à la mise en place de mesures permettant d'y remédier (article R4412-115 C. trav.).
Par ailleurs, l'employeur doit organiser le travail et déterminer notamment :
- la durée de chaque vacation - soit la période durant laquelle le travailleur porte un appareil de protection respiratoire de manière ininterrompue ;
- le nombre de vacations quotidiennes ;
- le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de décontamination des travailleurs ;
- le temps de pause après chaque vacation.
Attention : La durée de chaque vacation ne peut dépasser 2h30 et la durée maximale quotidienne des vacations doit être inférieure à 6h.
Information et formation des salariés
Outre l'obligation générale de formation à la sécurité, l'employeur doit assurer une formation adaptée pour l'ensemble de ses travailleurs affectés à :
- des travaux de désamiantage (travaux de retrait ou de confinement de matériaux contenant de l'amiante) ;
- toute autre intervention susceptible de provoquer l'émission de fibres d'amiante.
Les modalités de la formation des travailleurs à la prévention des risques liés à l'amiante sont fixées par un arrêté du 23 février 2012. Le parcours de formation à suivre dépend à la fois du type de travaux mais aussi de la catégorie de personnel (opérateur de chantier, personnel d'encadrement de chantier, personnel d'encadrement technique).
Notez-le : Les sept formations sont référencées dans le répertoire spécifique de France Compétences sous les numéros suivants : RS6417, RS6418, RS6419, RS6420, RS6421, RS6422 et RS6423.
Suivi médical des travailleurs exposés
Les travailleurs exposés à l'amiante dans le cadre de leur activité doivent faire l'objet d'un suivi individuel renforcé (SIR) de leur état de santé (article R4624-23 C. trav.).
Le SIR comprend notamment :
- un examen médical d'aptitude effectué par le médecin du travail avant l'affectation sur le poste visant à s'assurer que le travailleur est médicalement apte au poste de travail. Il doit être renouvelé selon une périodicité déterminée par le médecin du travail qui ne peut dépasser quatre ans ;
- une surveillance post-exposition ou post-professionnelle.
Par ailleurs, une fiche d'exposition amiante doit être établie par l'employeur pour chaque travailleur. Elle précise notamment (article R4412-120 C. trav.) :
- la nature du travail réalisé ;
- les caractéristiques des matériaux et appareils en cause ;
- les périodes de travail au cours desquelles le travailleur a été exposé et les autres risques du poste de travail ;
- les dates et résultats des contrôle de l'exposition professionnelle ;
- la durée et l'importance des expositions accidentelles ;
- les procédés de travail utilisés ;
- les EPC et EPI utilisés.
Dispositions spécifiques aux travaux de désamiantage
Les travaux ayant pour objectifs de traiter un matériau contenant de l'amiante, c'est-à-dire le retrait ou l'encapsulage, font l'objet de dispositions spécifiques qui s'appliquent en plus de l'ensemble des dispositions précitées. Ils sont communément appelés “travaux de sous-section 3 (SS3)” car relèvent de la sous-section 3 du Code du travail (articles R4412-125 à R4412-143).
Pour la réalisation de ce type de travaux, le donneur d'ordre doit impérativement faire appel à une entreprise de désamiantage certifiée.
L'employeur de l'entreprise de désamiantage doit réaliser une évaluation des risques et mesurer les niveaux d'empoussièrement pour chaque processus de travail. Un programme de mesure des niveaux d'empoussièrement doit être mis en œuvre comprenant deux phases (article R4412-126 C. trav.) :
- une phase d'évaluation du niveau d'empoussièrement sur le chantier test ;
- une phase de validation de cette évaluation par un contrôle périodique réalisé sur au moins 3 chantiers par processus de 12 mois.
L'employeur doit également établir un plan de démolition, de retrait ou d'encapsulage (PDRE) et le transmettre au moins 30 jours avant le début des travaux à l'inspection du travail et l'agent des services de prévention de la Sécurité sociale via la plateforme dématérialisée DEMAT@MIANTE (article R4412-137 C. trav.).
Le PDRE doit comporter un certain nombre de mentions listées à l'article R4412-133 du Code du travail, notamment : la localisation de la zone à traiter, les quantités d'amiante manipulées, le lieu et la description du chantier, la date de commencement du début des travaux et le nombre de travailleurs impliqués.
Notez-le : Le PDRE doit être tenu à disposition sur le chantier et doit pouvoir être consulté notamment par le CSE, le médecin du travail et l'inspection du travail (article R4412-134 C. trav.).
Par ailleurs, depuis le 1er février 2023, les PDRE doivent être communiqués une fois par trimestre au médecin du travail et au CSE.
En fin de travaux, l'employeur doit transmettre au donneur d'ordre un rapport contenant tous les éléments relatifs au déroulement des travaux (article R4412-139 C. trav.).
Attention : Avant toute restitution de la zone de travaux, il doit être procédé à :
- un examen de l'ensemble des zones susceptibles d'avoir été polluées ;
- un nettoyage approfondi de la zone par aspiration ;
- une mesure du niveau d'empoussièrement ;
- la fixation éventuelle des fibres résiduelles sur les parties traitées.
Dispositions spécifiques aux interventions susceptibles de provoquer l'émission de fibres d'amiante
Les travaux dont la finalité n'est pas le traitement d'un matériau contenant de l'amiante, mais qui impliquent une intervention susceptible de provoquer l'émission de fibres, sont réglementés par la sous-section 4 du Code du travail soit les articles R4412-144 à R4412-148.
Il s'agit en pratique d'opérations à caractère limité dans le temps et l'espace tels que des travaux de perçage, ponçage, passages de câbles, etc.
Comme pour les travaux “de sous-section 3 (SS3)”, les travaux “de sous-section 4 (SS4)” sont soumis à des dispositions particulières qui s'ajoutent aux mesures de prévention classiques.
Ainsi, l'employeur doit notamment établir un mode opératoire comportant un certain nombre de mentions obligatoires listées à l'article R4412-145 du Code du travail, notamment :
- la nature de l'intervention ;
- les matériaux concernés ;
- la fréquence et les modalités de contrôle du niveau d'empoussièrement et du respect de la VLEP ;
- la description des méthodes de travail et des moyens et moyens techniques mis en œuvre.
Notez-le : Ce mode opératoire doit être annexé au DUERP et soumis à l'avis du médecin du travail et du CSE. Il est également transmis à l'inspection du travail et aux agents des services de prévention des organismes de Sécurité sociale.
Ce quil faut retenir
☝️ L'amiante a été définitivement interdit en 1997 en raison de ses effets graves sur la santé mais subsiste encore dans de nombreux bâtiments construits avant cette date ;
☝️ Le Dossier Technique Amiante (DTA) permet d'assurer l'identification et la surveillance des matériaux amiantés présents dans les immeubles construits avant 1997 ;
☝️️ L'employeur dont les salariés peuvent être exposés à l'amiante doit respecter les dispositions applicables aux agents chimiques dangereux et CMR ;
☝️ ️Le Repérage Amiante Avant Travaux (RAAT) est obligatoire avant toute opération pouvant exposer les travailleurs à l'amiante ;
☝️ ️Des mesures de prévention spécifiques s'appliquent pour les travaux sur matériaux amiantés et les interventions pouvant générer l'émission de fibres d'amiante.