Guide 20 min de lecture

Guide sur la prévention des risques liés au bruit​

Clara Godin pour Inforisque

Mis à jour le

zigzag
Guide sur la prévention des risques liés au bruit

Introduction

L'exposition intense ou prolongée au bruit est présente dans de nombreux secteurs d'activité et constitue un risque réel pour la santé et la sécurité les travailleurs. Afin d'offrir de bonnes conditions de travail et de préserver la santé de ses salariés, l'employeur doit mettre en place une stratégie de prévention des risques liés à l'exposition du bruit.

Dans ce guide complet, retrouvez tout ce qu'il faut savoir pour prévenir les risques liés à l'exposition au bruit des travailleurs dans votre entreprise !

Démarche de prévention du risque bruit

schéma de la démarche de prévention du risque bruit

Quels sont les enjeux de l'exposition au bruit ?

Qu'est-ce que le bruit et quels sont ses effets sur la santé ?

L'oreille humaine possède un seuil de tolérance au bruit et son dépassement peut conduire à une dégradation de l'audition, voire une surdité.

Lorsque les travailleurs sont exposés à des bruits intenses ou prolongés nuisant à leur santé, on parle d'exposition au bruit dans le cadre professionnel.

Outils: La surdité est reconnue comme une maladie professionnelle et la liste des travaux susceptibles de la provoquer est consultable dans le tableau n°42 du régime général et le tableau n°46 du régime agricole.

Au-delà des atteintes à la santé, l'exposition au bruit augmente également considérablement le risque d'accident du travail.

En effet, les nuisances sonores intenses peuvent provoquer chez les travailleurs une saturation cognitive et auditive, une lassitude générale ainsi qu'une augmentation du stress. Ces effets peuvent conduire à une baisse de vigilance et empêcher la perception d'un danger.

Documentation: Une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) de 2007 a constaté que 9% des travailleurs soumis à un bruit nocif pour l'audition ont connu un accident avec arrêt.

Certains secteurs d'activité sont particulièrement concernés par l'exposition au bruit: le secteur automobile, le BTP, la métallurgie ou encore l'industrie agro-alimentaire. Mais elle concerne aussi les professions du secteur tertiaire, notamment dans le cadre de la multiplication des bureaux en “open space”.

Notez-le : Le bruit se mesure en décibels (dB) à l'aide d'un sonomètre. Les valeurs fréquentielles dB(A) et dB(C) mesurent toutes deux des décibels mais sont utilisées dans des cas différents. La valeur fréquentielle A est utilisée pour se rapprocher de la réaction de l'oreille humaine au bruit tandis que la valeur fréquentielle C est utilisée pour mesurer des valeurs “brutes”.

homme se tenant la tête avec texte sur les effets du bruit

Quelles sont les obligations réglementaires pour la prévention de l'exposition au bruit ?

La prévention de l'exposition au bruit en entreprise passe prioritairement par le respect de la réglementation en vigueur. En effet, le Code du travail définit un cadre réglementaire qui assure déjà en lui-même un excellent niveau de prévention.

La procédure est simple : lors de l'évaluation des risques professionnels, l'employeur doit définir le niveau d'exposition au bruit des travailleurs afin de pouvoir déterminer les actions de prévention à mettre en place.

Évaluation des risques et mesures d'exposition

La réduction des risques d'exposition au bruit se fonde sur les principes généraux de prévention (Article R4432-2 C.Trav).

La première étape consiste à évaluer l'exposition au bruit des travailleurs en prenant en compte a minima les éléments suivants (Article R4433-5 C.Trav) :

  • les valeurs d'expositions ;
  • le niveau, le type (pression acoustique, exposition journalière ou hebdomadaire) et la durée d'exposition ;
  • la santé et la sécurité des travailleurs particulièrement sensibles au bruit, notamment les femmes enceintes ;
  • les interactions entre le bruit et les substances toxiques pour l'ouïe ;
  • les interactions entre le bruit et les vibrations ;
  • les interactions entre le bruit et les signaux d'alarme ;
  • les émissions sonores des équipements de travail, fournies par les fabricants ;
  • les équipements de travail les plus adaptés ;
  • la prolongation de l'exposition au bruit au-delà des heures de travail, dans des lieux placés sous la responsabilité de l'employeur (exemple : dortoir modulable dans le secteur du BTP) ;
  • les conclusions du médecin du travail concernant l'exposition au bruit des travailleurs ;
  • les équipements de protection individuelle tels que les protecteurs auditifs.

Cette évaluation doit être effectuée par des personnes compétentes et avec le concours du service de santé au travail s'il existe (Article R4433-2 C.Trav).

Le Code du travail précise que l'évaluation des risques d'exposition au bruit doit être renouvelée à des intervalles appropriés et notamment lorsqu'une modification dans les conditions de travail est susceptible d'entraîner une élévation des niveaux de bruit (nouvel équipement, nouveau procédé, etc.). En cas de mesurage du bruit, les mesures doivent être effectuées tous les cinq ans.

En pratique, une première évaluation, dite “sommaire”, consiste à effectuer un test de communication dans le bruit permettant de déterminer si la communication est aisée. Si elle ne l'est pas, le bruit ambiant du milieu professionnel est alors certainement trop élevé, nécessitant une évaluation du risque plus approfondie.

Outils: Les mesures doivent être effectuées selon la norme NF EN ISO 9612. L'INRS a développé un outil permettant d'effectuer ces mesures conformément à la norme. Les conditions de calcul des différents niveaux d'exposition au bruit sont définies par un arrêté du 11 décembre 2015.

Le Code du travail précise que les niveaux d'exposition doivent être mesurés “si nécessaire” (Article R4433-1 C.Trav.). Cela signifie qu'en cas de doute sur l'exposition au bruit de certains travailleurs, il est préférable de mesurer précisément leur exposition.

Ces niveaux et valeurs d'exposition au bruit peuvent être évalués à l'aide des données bibliographique de l'entreprise, notamment les renseignements fournis avec les équipements de travail et les équipements de protection (individuels ou collectifs).

Attention : L'inspection du travail peut demander à l'employeur de faire procéder à un mesurage de l'exposition au bruit (Article R4722-16 C.Trav.). L'employeur dispose alors de 15 jours pour saisir un organisme de mesure accrédité puis de 10 jours pour transmettre les résultats à l'inspection du travail.

Les résultats de l'évaluation et des mesures de l'exposition au bruit doivent être conservés 10 ans (Article R4433-3 C.Trav.) transmis au médecin du travail et être tenus à la disposition de l'inspection du travail et du comité social et économique (CSE) (Article R4433-4 C.Trav.).

menuisier avec protections auditives et lunettes

Valeurs et seuils d'exposition

Il existe trois notions importantes qui définissent les valeurs et seuils d'exposition au bruit (Article R4431-1 C.Trav.) :

Le niveau de pression acoustique de crête

Il s'agit de la valeur maximale à laquelle les travailleurs sont exposés. Cette valeur est calculée en dB(C)

Le niveau d'exposition quotidienne au bruit

Il s'agit de la valeur maximale à laquelle les travailleurs sont exposés. Cette valeur est calculée en dB(C)

Le niveau d'exposition hebdomadaire au bruit

Il s'agit d'une moyenne pondérée dans le temps pour une semaine nominale de cinq journées de travail de huit heures Cette valeur est calculée en dB(A)

Focus réglementaire : Le niveau d'exposition quotidienne doit être utilisé dans la majorité des situations. Toutefois, lorsqu'il existe une variation notable d'une journée de travail à l'autre de l'exposition quotidienne au bruit, l'employeur peut décider d'utiliser le niveau d'exposition hebdomadaire, avec l'accord de l'inspection du travail (Article R4431-1 C.Trav.).

Ces trois niveaux d'exposition au bruit permettent d'adapter l'évaluation des risques aux différentes situations de travail et de déterminer précisément l'exposition au bruit pour chaque travailleur.

Lors de l'évaluation des risques, chaque niveau d'exposition doit être évalué ou mesuré. En fonction des valeurs obtenues, l'employeur pourra envisager des mesures de prévention adaptées.

Lors de l'évaluation des risques, chaque niveau d'exposition doit être évalué ou mesuré. En fonction des valeurs obtenues, l'employeur pourra envisager des mesures de prévention adaptées.

Attention : Il faut bien différencier les niveaux d'exposition, qui déterminent le type d'exposition, et les valeurs d'exposition qui définissent l'intensité des niveaux d'exposition.

Voici un tableau récapitulatif des valeurs et seuils d'exposition qui donnent lieu à une réglementation précise (Article R4431-2 C.Trav.) :

Valeurs d'exposition

Valeurs limites d'exposition (VLE)

Ces valeurs d'exposition représentent un danger pour les travailleurs et ne doivent en aucun cas être dépassées

Valeurs d'exposition supérieures

Déclenchant un plan d'action, des mesures de protection collectives et individuelles, une action de formation et un suivi médical

Valeurs d'exposition inférieures

Déclenchant des mesures de protection individuelles, une action de formation et un suivi médical

Niveaux d'exposition

Niveau quotidien d'exposition de 87 dB (A)

Niveau d'exposition quotidienne au bruit de 87 dB (A) ou niveau de pression acoustique de crête de 140 dB (C)

Niveau quotidien d'exposition de 85 dB (A)

Niveau d'exposition quotidienne au bruit de 85 dB (A) ou niveau de pression acoustique de crête de 137 dB (C)

Niveau quotidien d'exposition de 80 dB (A)

Niveau d'exposition quotidienne au bruit de 80 dB (A) ou niveau de pression acoustique de crête de 135 dB (C)

Notez-le : La valeur limite d'exposition au bruit ne peut en aucun cas être dépassée (Article R4432-3 C.Trav.). Celle-ci tient compte de l'atténuation assurée par les protecteurs auditifs individuels portés par le travailleur (Article R4431-3 C.Trav.). En revanche, les valeurs d'exposition supérieures et inférieures ne prennent pas en compte l'atténuation des protecteurs auditifs individuels.

graphique des valeurs et seuils d'exposition

Compte professionnel de prévention

L'exposition au bruit est un facteur de risque professionnel et permet à ce titre aux travailleurs exposés de manière importante de cumuler des droits sur leur compte professionnel de prévention (C2P), anciennement appelé compte pénibilité (Article L4163-1 C.Trav.).

Voici les seuils annuels d'exposition au bruit qui donnent droit aux avantages du C2P (Article D4163-2 C.Trav.) :

  • Exposition au bruit quotidienne d'au moins 81 dB (A) pendant au moins 600 heures par an
  • Exposition à un niveau de pression acoustique de crête d'au moins 135 dB(C) au moins 120 fois par an
homme avec salopette orange et casque de chantier

Quelles solutions pour prévenir les risques de l'exposition au bruit ?

Comme nous l'avons précisé plus haut, les actions de prévention à mettre en place dépendent des valeurs d'exposition des travailleurs. On distingue ainsi les actions de prévention pour un dépassement des valeurs d'exposition supérieures et les actions de prévention pour un dépassement des valeurs d'exposition inférieures.

Attention : Les valeurs limites d'exposition ne doivent en aucun cas être dépassées. Lorsque les valeurs limites d'expositions sont dépassées, l'employeur doit (Article R4433-6 C.Trav.) :

  • ☑️ Prendre immédiatement des mesures pour réduire l'exposition à un niveau inférieur à ces valeurs limites.
  • ☑️ Déterminer les causes de l'exposition excessive et éviter tout renouvellement grâce à des mesures de prévention adaptées.

Le comité social et économique (CSE) doit être consulté pour la mise en place de ces nouvelles mesures.

Mesures de prévention pour dépassement des valeurs d'exposition

Dépassement des valeurs d'exposition supérieures

Lorsque les valeurs d'exposition supérieures sont dépassées, l'employeur doit établir et mettre en œuvre un programme de mesures qui se fonde sur les éléments suivants (Article R4434-2 C.Trav.).

Obligations règlementaires

Conseils de mise en oeuvre

👂 Mise en œuvre de procédés de travail moins bruyants

➡️ Privilégier des procédés moins bruyants

👷‍♀️ Choix d'équipements de travail appropriés émettant le moins de bruit possible

➡️ Utilisation d'équipements neufs et adaptés

💼 Aménagement et conception des lieux et postes de travail

➡️ Espacer les locaux bruyants

ℹ️ Information et formation adéquate des travailleurs

➡️ Respecter les obligations réglementaires en matière de formation

🎧 Mettre à disposition et veiller à l'utilisation d'équipements de protection individuelle (EPI) (Article R4434-7 C. trav.)

➡️ Bouchons d'oreille, casques anti-bruit, etc.

📏 Mesures techniques pour réduire le bruit à la source (Article R4432-1 C.Trav.)

➡️ Mise en place d'écrans acoustiques, capotages, correction acoustique du local, couverture anti-bruit, mousse acoustique, etc.

🧑‍🔧 Mesures techniques pour réduire le bruit de structure, réduire la réverbération du bruit et limiter la propagation du bruit (Article R4213-5 C.Trav.)

➡️ Isolation phonique des locaux

⚙️ Maintenance des équipements de travail et du lieu de travail

➡️ Respecter les vérifications périodiques des équipements de travail

🕦 Organisation du travail et des horaires de travail afin de limiter la durée et l'intensité de l'exposition

➡️ Alternance de poste, pause, roulement, etc.

⚠️ Signalisation appropriée et limitation d'accès des lieux de travail où les travailleurs sont susceptibles d'être exposés à un niveau de bruit dépassant les valeurs d'exposition supérieures (Article R4434-3 C.Trav.).

➡️ Panneaux de signalisation visibles, rappel de l'utilisation des EPI, local fermé à clé, etc.

Attention : Avec l'aide du médecin du travail, l'employeur doit adapter les mesures de prévention pour les travailleurs particulièrement sensibles au bruit, notamment les femmes enceintes (Article R4434-5 C.Trav.).

Dépassement des valeurs d'exposition inférieures

Voici les obligations réglementaires lorsque les valeurs d'exposition inférieures sont dépassées :

Obligations règlementaires

Conseils de mise en oeuvre

🎧 Mettre à disposition des protecteurs auditifs individuels pour les travailleurs

➡️ Mettre à disposition des travailleurs des bouchons d'oreille, casques anti-bruit, etc.

ℹ️ Information et formation adéquate des travailleurs

➡️ Faire appel à un organisme de formation, respecter les obligations réglementaires en matière de formation

Notez-le : Les protecteurs auditifs individuels doivent être choisis après avis des travailleurs intéressés, du médecin du travail et conformément à l'annexe B de la norme NF EN 458 (Article R4434-8 C.Trav.).

Suivi médical des travailleurs exposé au bruit

Les travailleurs exposés au bruit doivent bénéficier d'une surveillance médicale appropriée. En effet, lorsque le travailleur est exposé au bruit au-dessus des valeurs d'exposition, il peut bénéficier d'une audiométrie sur sa demande ou sur celle du médecin du travail (Article R4435-2 C.Trav.).

Le suivi médical permet également d'alerter sur les conditions de travail dans l'entreprise. Lorsque que le médecin du travail constate que l'altération de l'ouïe du travailleur résulte d'une exposition au bruit sur le lieu de travail, l'employeur doit revoir l'évaluation des risques ainsi que les mesures de prévention en tenant compte de l'avis du médecin du travail (Article R4435-4 C.Trav.).

femme se tenant la tête avec texte open space

Formation des travailleurs exposés au bruit

La formation dont bénéficient les travailleurs exposés au bruit au-dessus des valeurs inférieures et supérieures doit porter a minima sur (Article R4436-1 C.Trav.) :

  • la nature du type de risque ;
  • les mesures de prévention ;
  • les valeurs limites d'exposition ;
  • les résultats des évaluations et des mesurages du bruit ;
  • l'utilisation correcte des protecteurs auditifs individuels ;
  • le dépistage des symptômes d'altération de l'ouïe ;
  • le suivi individuel de leur état de santé ;
  • les pratiques professionnelles sûres, afin de réduire au minimum l'exposition au bruit.

Quelle est la responsabilité de l'employeur dans la prévention des accidents et maladies professionnelles liées au bruit ?

La responsabilité civile de l'employeur peut se voir engagée lorsqu'un accident du travail survient par la cause de son manquement aux mesures de prévention (Article 121-3 C. pén.). On parle alors de faute inexcusable.

Ainsi, la faute inexcusable de l'employeur peut être reconnue :

☑️ Par absence, insuffisance ou défaut des mesures de prévention des risques (Cour de cassation, 2e chambre civile, 22.09.2022, n° 20.23725)

☑️ Lorsque l'employeur n'a pas pris les mesures de prévention nécessaires par méconnaissance du danger (Cour de cassation, 2e chambre civile, 8.10.2020, n° 18-25.021).

Par ailleurs, la responsabilité pénale peut être engagée sur le fondement du Code pénal notamment pour :

Par conséquent, l'employeur doit connaître son entreprise et les risques auxquels ses salariés sont exposés et doit également veiller au respect de l'évaluation des risques et de la mise en place des mesures de prévention.

Au-delà de la responsabilité de l'employeur, lorsqu'il existe un danger pour les travailleurs, l'inspection du travail peut mettre en demeure l'employeur pour infraction à l'obligation générale de santé et de sécurité et aux principes de prévention (Article L4721-1 C.Trav.).

Ce qu'il faut retenir

☝️ L'employeur doit évaluer et/ou mesurer l'exposition au bruit des travailleurs.

☝️ Il existe trois seuils de valeurs d'exposition qui déclenchent chacune des actions de prévention spécifiques.

☝️ L'employeur doit au minimum mettre en place les actions de prévention prévues par la réglementation.

☝️ En cas d'accident du travail dû à l'exposition au bruit des travailleurs, la responsabilité de l'employeur peut être engagée.

☝️ L'inspection du travail peut mettre en demeure l'employeur si l'exposition au bruit de ses salariés représente un danger.️

Les derniers guides des risques

Les derniers produits : Protection auditive