Le risque de chute de plain-pied est présent dans tous les milieux professionnels et doit faire l'objet d'une démarche de prévention. Retrouvez dans ce guide complet toutes les obligations réglementaires et les mesures à mettre en place pour prévenir efficacement les chutes de plain-pied dans votre entreprise.
Qu'est-ce que le risque de chute de plain-pied ?
Une chute de plain-pied se caractérise par une chute au niveau du sol. Ces chutes peuvent être à l'origine d'une glissade, d'une perte d'équilibre, d'un faux-pas, d'un léger heurt au niveau des pieds, etc.
Notez-le: La chute de plain-pied est à différencier de la chute de hauteur qui implique l'élévation du travailleur.
Ainsi, les chutes de plain-pied sont généralement provoquées par un défaut du sol comme une mauvaise adhérence, une déformation, une irrégularité, l'instabilité du sol, une inclinaison trop importante, etc.
Par conséquent, tous les secteurs d'activité peuvent être concernés par les chutes de plain-pied, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur des locaux. Néanmoins, certains secteurs et situations de travail y sont davantage exposés :
- les situations de travail impliquant l'utilisation de produits glissants susceptibles de souiller les sols (restauration, garagiste, atelier de production, etc.) ;
- les situations de travail dans lesquelles des matériaux ou des objets peuvent encombrer le sol (BTP, rangement d'archives, inventaire, etc.) ;
- les situations de travail dans un environnement mal éclairé (travail de nuit, travail en souterrains, travail dans un “local aveugle”, etc.) ;
- certaines tâches et situations de travail pouvant déséquilibrer le travailleur ou obstruer, même partiellement, sa vision (manutention manuelle de charges, déplacements importants, évolution du travailleur sur des surfaces de travail hétérogènes, etc.).
Quels sont les enjeux du risque de chute de plain-pied ?
Selon les chiffres 2022 de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), les chutes de plain-pied représentent plus de la moitié des accidents du travail et sont la deuxième cause d'accidents avec environ 100 000 chutes de plain-pied recensées chaque année.
Par ailleurs, contrairement à une idée reçue, les chutes de plain-pied peuvent être très dangereuses pour les travailleurs.
Elles peuvent notamment occasionner des blessures telles que des entorses, divers traumatismes externes, des fractures, et peuvent même provoquer dans certains cas le décès du travailleur.
Notez-le: La CPAM rapporte qu'en 2019, au moins 30 décès sont imputables à des chutes de plain-pied.
Enfin, les chutes de plain-pied entraînent des arrêts de travail plus longs que les autres accidents du travail avec une moyenne de 70 jours d'arrêt.
Comment mettre en place une démarche de prévention des risques de chute de plain-pied ?
La démarche de prévention des risques de chute de plain-pied passe par l'évaluation des facteurs de risques, l'analyse de la circulation dans l'entreprise et la mise en place de mesures de prévention.
Comment évaluer les risques de chute de plain-pied ?
Afin d'organiser au mieux l'évaluation des risques de chute de plain-pied, il peut être bénéfique dans un premier temps d'analyser les conditions de circulation dans l'entreprise.
En effet, la définition des flux circulatoires ainsi que des différentes zones de l'entreprise permet d'appréhender le risque de chute de plain-pied de façon plus globale à l'échelle de l'entreprise.
Pour plus d'informations, n'hésitez pas à consulter notre guide dédié à l'élaboration de la circulation en entreprise.
Il faut ensuite définir, identifier et évaluer les facteurs de risques de chute de plain-pied dans l'entreprise en gardant en considération ces conditions de circulation.
Il peut être judicieux d'effectuer cette analyse en divisant l'entreprise en plusieurs zones (bureaux, ateliers, production, transports, extérieur, etc.).
Facteurs de risques
Exemples d'évaluation
Adhérence des sols et propreté des sols
- La surface de des sols procure-t-elle une adhérence suffisante pour les tâches à accomplir ?
- L'entreprise utilise-t-elle des produits glissants (huile, graisse, eau savonneuse, etc.) ?
- Existe-t-il un risque de souillure des sols ?
- Les sols sont-ils constamment propres ?
Encombrement des sols
- Les sols sont-ils constamment dégagés ?
- Les tâches réalisées nécessitent-elles une accumulation d'objets, de matériaux ou de décombres ?
Éclairage des lieux de travail
- Les lieux de travail sont-ils correctement éclairés ?
- Les travailleurs sont-ils amenés à travailler la nuit ?
Présence de marche ou escalier
- Y a-t-il des escaliers dans l'entreprise ?
- Les escaliers sont-ils aux normes ?
- Des marches sont-elles présentes sur les lieux de travail ?
- Les travailleurs doivent-ils emprunter les escaliers pour réaliser leurs tâches ?
Homogénéité des sols
- Les sols sont-ils lisses, plats ?
- Les sols présentent-ils des trous, des bosses, des irrégularités ?
Inclinaison des sols
- Les sols sont-ils inclinés ?
Stabilité des sols
- Les sols sont-ils stables ?
- Les sols présentent-t-ils des enfoncements ?
Dimension des voies de circulation
- Les voies de circulation sont-elles aux normes ?
- Les dimensions des voies de circulation permettent-elles la bonne réalisation des tâches ?
- Les voies de circulation sont-elles adaptées à la fréquence de circulation ?
Présence d'obstacles
- Est-ce que des obstacles sont présents sur les voies de circulation ?
Présence de machines et équipements de travail
- Des machines ou des équipements de travail dangereux sont-ils présents dans les locaux (bassines d'huile bouillante, équipements de travail tranchants, machines de levage, etc.) ?
Fréquence de circulation
- Quelle est la fréquence de circulation ?
- Quelles sont les interactions entre les différents flux circulatoires ?
Tâche à accomplir qui impact l'équilibre ou la vision du travailleur
- Quelles sont les tâches à accomplir ?
- Les tâches à réaliser présentent-elles des difficultés particulières ?
- Les tâches à réaliser peuvent-elles déséquilibrer les travailleurs ?
- Les tâches à réaliser gênent-elles la vision des travailleurs ?
Quelles sont les obligations réglementaires pour la prévention des chutes de plain-pied ?
Il existe plusieurs obligations réglementaires qui participent à la prévention des chutes de plain-pied.
D'une part, la conception et l'aménagement des lieux de travail doivent respecter plusieurs obligations :
- les sols et planchers des locaux doivent être exempts de bosses, de trous ou de plans inclinés dangereux (Article R4214-3 C.Trav.) ;
- les sols et planchers des locaux doivent être fixes, stables et non glissants (Article R4214-3 C.Trav.) ;
- les voies d'évacuation doivent être libres de tout obstacle (Article R4227-5 C.Trav.)
- Les dimensions des locaux de travail doivent fournir l'espace nécessaire aux travailleurs pour exécuter leur tâche sans risque pour leur santé, leur sécurité ou leur bien-être (Article R4214-22 C.Trav.) ;
- les postes de travail extérieurs doivent être aménagés afin que les travailleurs ne puissent glisser ou chuter (Article R4225-1 C.Trav.).
Attention : Les zones de travail qui présentent un danger de chute de personnes doivent être clairement signalées et leur accès doit être restreint au personnel autorisé à l'aide de dispositifs (Article R4224-20 C.Trav.).
D'autre part, les voies de circulation doivent être en nombre suffisant, correctement éclairées et avoir des dimensions adaptées à l'effectif de l'entreprise. Ces dispositions se rapportent principalement à l'élaboration de la circulation en entreprise.
Pour connaître les valeurs d'éclairage ainsi que les dimensions exactes en fonction de l'entreprise, n'hésitez pas à consulter notre guide dédié à la circulation en entreprise ou les articles réglementaires du Code du travail R4227-5 et R4223-4.
Enfin, en cas de marches ou d'escaliers dans l'entreprise, les dispositions suivantes doivent impérativement être respectées (Article R4216-12 C.Trav.) :
- il est interdit de placer une ou deux marches isolées sur les voies de circulations principales ;
- les marches ne doivent pas être glissantes ;
- les escaliers doivent être munis d'une rampe ou d'une main-courante (Article R4227-10 C.Trav.) ;
- les escaliers d'une largeur de 1,5 mètre doivent être munis d'une rampe ou d'une main-courante de chaque côté (Article R4227-10 C.Trav.) ;
- les dimensions des marches des escaliers doivent être conformes aux règles de l'art ;
- le giron extérieur des marches (hauteur de la marche) doit être inférieur à 0,42 mètre ;
- lorsqu'il n'y a pas de contremarche, les marches doivent se recouvrir entre elles de 5 centimètres ;
- les volées ne doivent pas être supérieures à 25 marches ;
- les paliers doivent être de la même longueur que les marches et en cas de volées non contrariées (escalier “droit” ou escalier sans virage), leur longueur doit être supérieure à 1 mètre ;
- les escaliers tournants doivent présenter un balancement continu (un virage dans lequel la dimension des marches s'adapte à la courbe) et ne doivent pas avoir d'autres paliers que ceux desservant les étages ;
- les dimensions des marches sur la ligne de foulée à 0,60 mètre du noyau ou du vide central doivent être conformes aux règles de l'art.
Notez-le: Ces dispositions s'appliquent à toutes les entreprises. Néanmoins, il existe des dispositions spécifiques et plus adaptées à certains secteurs professionnels comme le BTP.
Documentation: Brochures de l'INRS sur “Sécuriser les escalier” et “Conception des lieux et des situations de travail”.
Quelles sont les mesures à mettre en place pour prévenir les chutes de plain-pied ?
Afin de respecter la réglementation et de prévenir les chutes de plain-pied, l'employeur doit mettre en place des actions et mesures de prévention spécifiques.
Circulation
Les premières mesures à mettre en place concernent l'élaboration de la circulation en entreprise.
En effet, l'élaboration d'un plan de circulation permet d'optimiser la circulation dans l'entreprise et permet également, dans une certaine mesure, de prévenir certains accidents tels que les chutes de plain-pied.
Attention : Les voies de circulation, ainsi que les escaliers, doivent impérativement respecter les dispositions relatives à l'évacuation et à la sécurité incendie (Article R4214-9 C.Trav.).
Maintien des voies de circulation en bon état
Le maintien des voies de circulation en bon état de fonctionnement est une mesure simple à mettre en œuvre et qui permet de respecter la réglementation tout en prévenant le risque de chute de plain-pied de façon très efficace.
Voici quelques exemples de mesures qui peuvent être mises en place par l'employeur :
- nettoyage régulier des sols ;
- réfection des sols ;
- mise en place d'une signalisation des zones de danger ;
- installer et vérifier régulièrement le fonctionnement des éclairages ;
- libérer constamment les lieux de travail des obstacles inutiles.
Équipements de protection collective et individuelle (EPC et EPI)
D'une part, l'installation de revêtement antidérapant sur les zones à risques ou les escaliers permet de prévenir efficacement les chutes de plain-pied.
Il existe de nombreux produits adaptés à toutes les situations tels que les dalles de PVC, plaques antidérapantes en acier, le profilé aluminium, la cire, le vernis, la peinture antidérapante, etc.
Il est également possible d'utiliser des produits antidérapants tels que du sel en cas de verglas extérieur.
D'autre part, l'utilisation de chaussures ou de surchaussures antidérapantes permet également de prévenir les chutes de plain-pied. Ce type d'équipement doit disposer de semelles antiglissantes pour assurer une bonne adhérence au sol (Annexe I à l'Article R4312-1 C.Trav.)
Documentation: Brochure de l'INRS sur la Restauration traditionnelle et chaussures antidérapantes pour le personnel de cuisine.
Formation
Lors de la formation obligatoire à la sécurité, les travailleurs doivent être formés et informés sur les conditions de circulation dans l'entreprise (Article R4141-3 C.Trav.). Cette formation doit a minima traiter (Article R4141-11 C.Trav.) :
- des règles et conditions de circulation des véhicules et engins sur les lieux de travail et dans l'établissement ;
- des voies et chemins d'accès aux lieux de travail ainsi qu'aux locaux sociaux ;
- des consignes d'évacuation ainsi que des issues et dégagements de secours à utiliser en cas de sinistre.
Cette formation peut également être l'occasion d'informer les salariés des potentielles zones de danger ou obstacles qui pourraient favoriser le risque de chute de plain-pied.
Quelle est la responsabilité de l'employeur ?
La responsabilité civile de l'employeur peut être engagée lorsque celui-ci a commis une faute inexcusable. La faute inexcusable de l'employeur peut être reconnue :
☑️ ️par absence, insuffisance ou défaut des mesures de prévention des risques (Cass, crim,11 juin 2014, 13-85.601) ;
☑️ ️lorsque l'employeur n'a pas pris les mesures de prévention nécessaires par méconnaissance du danger (Cass, civ, 20 décembre 2018, 17-28.148).
Par ailleurs, la responsabilité pénale de l'employeur peut également être engagée sur le fondement du Code pénal et notamment pour :
☑️ ️la mise en danger d'autrui (Article 121-3 C. pén.) ;
☑️ ️le fait de causer des blessures sur autrui (Article 222-20 C.pén.) ;
☑️ ️le fait de causer la mort d'autrui (Article 221-6 C.pén.).
Attention : L'état des surfaces de circulation peut être un motif de mise en demeure par l'inspection du travail (Article R4721-1 C.Trav.). En effet, celles-ci doivent permettre la circulation des travailleurs en toute sécurité.
Ce qu'il faut retenir
☝️ Les chutes de plain-pied sont la deuxième cause d'accident du travail et concernent toutes les entreprises
☝️ On retrouve parmi les principaux facteurs de risques l'adhérence, l'encombrement et l'état des sols
☝️️ L'état et la conception des sols, des escaliers et des voies de circulation doivent respecter plusieurs obligations réglementaires
☝️ Les équipements de protection (EPC et EPI) permettent également de prévenir efficacement les chutes de plain-pied️