Les travaux ou services réalisés par une entreprise extérieure sont fréquents et génèrent de nombreux risques liés à l'interférence des activités et à la cohabitation des entreprises. Dans ce guide complet, retrouvez tout ce qu'il faut savoir sur la réglementation à respecter pour prévenir ces risques !
Recours à une entreprise extérieure : définition et enjeux
On parle de recours à une entreprise extérieure lorsqu'une entreprise réalise des opérations pour le compte d'une autre entreprise (dite « entreprise utilisatrice ») (Article R4511-1 C.Trav.).
Les opérations réalisées par l'entreprise extérieure sont des travaux ou prestations de services qui se déroulent dans l'établissement de l'entreprise utilisatrice ou dans ses chantiers et dépendances (Article R4511-4 C.Trav.).
Quelles sont les opérations concernées ?
Tous les travaux ou prestations de service réalisés par une ou plusieurs entreprise(s) extérieure(s) au sein d'une autre entreprise sont considérés comme du recours à une entreprise extérieure.
Néanmoins, la réglementation relative au recours à une entreprise extérieure ne concerne pas les chantiers de bâtiment ou de génie civil soumis à l'élaboration d'une coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (SPS) conduite par un coordonnateur SPS (Articles R4511-3 C.Trav.). La mise en place d'un coordinateur SPS remplace ainsi la réglementation exposée dans ce présent guide.
Par ailleurs, les chantiers clos et indépendants et les travaux de réparation naval ne sont pas non plus concernés (Article R4511-2 C.Trav.).
Quels sont les risques du recours à une entreprise extérieure ?
La réalisation de travaux ou de services par une entreprise extérieure génère des risques spécifiques dus à l'interférence des activités, des installations et des équipements des deux entreprises.
En effet, la coactivité peut amener les travailleurs à rencontrer des situations inhabituelles auxquelles ils ne sont pas préparés à réagir. Ces situations et lieux de travail inconnus peuvent ainsi facilement provoquer des accidents.
Les risques professionnels des entreprises peuvent également être amplifiés par la présence d'autres travailleurs, équipements de travail ou zones de danger.
Exemple : Dans le cas d'une entreprise extérieure réalisant des travaux sur un site industriel pétrochimique, les salariés de l'entreprise extérieure doivent exercer leur travail en prenant en compte la présence du risque chimique, des équipements de travail et installations de l'entreprise utilisatrice. Les risques peuvent également être amplifiés par la présence de tuyaux brûlants, le risque d'explosion, etc.
Comment prévenir les risques liés au recours à une entreprise extérieure ?
Pour prévenir les risques professionnels pouvant résulter de l'exercice simultané de leurs activités respectives, les entreprises doivent se concerter afin de mettre en place une coordination des mesures de prévention des risques (Article R4511-7 C.Trav.).
Cette coordination passe par un échange d'informations, une inspection commune préalable, la mise en place d'un plan de prévention, la mise en place des mesures de prévention et des inspections de coordination.
Quels sont les rôles respectifs des entreprises utilisatrice et extérieure ?
Rôle de l'entreprise utilisatrice
Le chef de l'entreprise utilisatrice doit assurer la coordination entre les mesures de prévention mises en place dans son entreprise et celles prises par l'entreprise extérieure (Article R4511-5 C.Trav.).
Il doit notamment s'assurer que les travailleurs de l'entreprise extérieure ont reçu des instructions concernant les risques spécifiques liés à la coactivité (Article R4513-7 C.Trav.).
Attention : Dans le cadre de cette coordination générale, le chef de l'entreprise utilisatrice doit alerter le chef de l'entreprise extérieure lorsqu'il constate un danger grave concernant un travailleur de cette entreprise, même si le danger est exclusivement le fait de cette entreprise (Article R4511-8 C.Trav.).
Par ailleurs, l'entreprise utilisatrice accueille les entreprises extérieures dans son établissement. À ce titre, elle doit mettre à disposition des travailleurs des installations sanitaires, des vestiaires collectifs et des locaux de restauration, sauf si l'entreprise extérieure met en place un dispositif équivalent (Article R. 4513-8 C.Trav.).
Rôle de l'entreprise extérieure
Le chef de l'entreprise extérieure est quant à lui responsable de l'application des mesures de coordination ainsi que des mesures de prévention nécessaires à la protection de ses salariés (Article R4511-6 C.Trav.).
Notez-le: Le chef de l'entreprise extérieure peut déléguer ses attributions à un travailleur doté de l'autorité, de la compétence et des moyens nécessaires. (Article R4511-9 C.Trav.).
En outre, le chef de l'entreprise extérieure doit informer ses salariés des dangers spécifiques auxquels ils sont exposés et des mesures de prévention mises en place, à savoir (Article R4512-15 C.Trav.) :
- la définition des zones dangereuses ainsi que leur matérialisation ;
- les règles d'utilisation des équipements collectifs et individuels de protection ;
- les voies d'accès et de sortie du lieu d'intervention ;
- les voies pour accéder aux locaux et installations mis à leur disposition ;
- les issues de secours.
Attention : Le chef de l'entreprise extérieure doit informer le chef de l'entreprise utilisatrice lorsque de nouveaux travailleurs sont affectés à l'exécution des travaux en cours d'opération (Article R4513-6 C.Trav.).
Documentation: La recommandation R474 apporte des précisions concernant les modalités d'organisation et les rôles de l'entreprise utilisatrice et de l'entreprise extérieure.
Quelles sont les informations à transmettre entre les entreprises ?
Avant la réalisation des opérations, les employeurs doivent se communiquer toutes les informations nécessaires à la prévention des risques et notamment (Article R4512-5 C.Trav.) :
- la description des travaux à accomplir ;
- les matériels utilisés ;
- les modes opératoires utilisés dès lors qu'ils ont une incidence sur la santé et la sécurité des travailleurs.
Le chef de l'entreprise utilisatrice doit communiquer les consignes de sécurité de son établissement qui s'appliquent aux travailleurs chargés d'exécuter l'opération (Article R4512-4 C.Trav.).
Il doit également recueillir les informations relatives à la présence d'amiante dans son établissement et les communiquer au chef de l'entreprise extérieure (Article R4511-8 C.Trav.).
De son côté, le chef de l'entreprise extérieure doit fournir par écrit à l'entreprise utilisatrice (Article R4511-10 C.Trav.) :
- la date d'arrivée et la durée prévisible de l'intervention ;
- le nombre prévisible de travailleurs affectés ;
- le nom et la qualification de la personne chargée de diriger l'intervention ;
- les noms et références des sous-traitants ;
- l'identification des travaux sous-traités.
Attention : L'inspection du travail peut demander aux chefs des entreprises extérieures de fournir l'état des heures réellement passées à l'exécution de l'opération (Article R4511-12 C.Trav.).
Par ailleurs, ces informations doivent être tenues à la disposition du comité social et économique (CSE), des médecins du travail, de l'inspection du travail, des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et le cas échéant, des agents de l'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) (Article R4511-11 C.Trav.).
Documentation: Brochure de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), Améliorer les conditions d'intervention d'entreprises extérieures.
Informations relatives au suivi médical des travailleurs
Chaque entreprise doit fournir la liste des postes occupés par les travailleurs susceptibles de relever d'un suivi médical individuel renforcé (SIR) (Article R4512-9 C.Trav.).
Les médecins du travail de chaque entreprise peuvent échanger, sur leur demande respective, certaines informations médicales et notamment les risques particuliers que présentent les travaux pour la santé des travailleurs intéressés de l'entreprise extérieure ou les éléments du dossier médical individuel des travailleurs (Article R4513-10 C.Trav.).
Comment réaliser l'inspection commune préalable ?
Préalablement à la réalisation des opérations, les entreprises doivent procéder à une inspection commune des lieux de travail, des installations qui s'y trouvent et des matériels éventuellement mis à disposition des entreprises extérieures (Article R4512-2 C.Trav.).
Cette inspection commune préalable a pour but d'identifier les éléments et situations susceptibles de créer des risques pour les travailleurs.
Lors de cette inspection commune préalable, le chef de l'entreprise utilisatrice doit (Article R4512-3 C.Trav.) :
- délimiter le secteur de l'intervention des entreprises extérieures ;
- matérialiser à l'aide de dispositif (panneaux, barrières, etc.) les zones du secteur d'intervention qui présentent des dangers pour les travailleurs ;
- indiquer les voies de circulation pour les travailleurs et les véhicules ou engins des entreprises extérieures ;
- définir les voies d'accès aux locaux et installations à l'usage des entreprises extérieures (sanitaires, local de restauration, etc.).
Comment élaborer un plan de prévention ?
Grâce aux informations et éléments recueillis au cours de l'inspection commune préalable, les entreprises doivent analyser et évaluer les risques liés à l'interférence entre leurs activités, installations et matériels (Article R4512-6 C.Trav.).
Cette analyse doit aboutir, avant le début des opérations, à la mise en place d'un plan de prévention qui définit les mesures prises par chaque entreprise pour prévenir les risques liés à l'interférence des activités.
Ce plan de prévention résulte d'un accord commun entre les entreprises.
Les mesures prévues par le plan de prévention doivent à minima comporter (Article R4512-8 C.Trav.) :
- les moyens de prévention des phases d'activité dangereuses ;
- les conditions d'utilisation et d'entretien des matériels, installations et dispositifs utilisés lors des opérations ;
- les instructions à donner aux travailleurs ;
- l'organisation et la description des premiers secours et des dispositifs à utiliser en cas d'urgence ;
- l'organisation du commandement et les conditions de la participation des travailleurs aux travaux réalisés.
Attention : Pour les travaux dangereux définis par l'arrêté du 19 mars 1993 ainsi que pour les travaux qui représentent au moins 400 heures de travail prévisibles sur une période inférieure ou égale à un an, le plan de prévention doit être établi par écrit et arrêté avant le commencement des travaux (Article R4512-7 C.Trav.).
Dans ce cas, le chef de l'entreprise utilisatrice doit informer l'inspection du travail et tenir le plan de prévention à sa disposition (Article R4512-12 C.Trav.).
Ce plan de prévention écrit doit également être tenu à la disposition des médecins du travail de chaque entreprise (Article R4513-9 C.Trav.).
Documentation: Brochure de l'INRS sur l'intervention d'entreprises extérieures.
Comment mettre en place les mesures de prévention ?
Pendant la réalisation des opérations, chaque entreprise doit mettre en œuvre les mesures prévues par le plan de prévention (Article R4513-1 C.Trav.).
Le chef de l'entreprise utilisatrice doit tout de même s'assurer auprès des chefs d'entreprise extérieures que les mesures de prévention sont bien mises en place. Il coordonne par ailleurs les nouvelles mesures à prendre le cas échéant.
Attention : Les chefs d'entreprises extérieures doivent également prendre les mesures nécessaires pour prévenir les risques lorsque leurs travailleurs se trouvent dans des situations de travail isolé (Article R4512-13 C.Trav.).
Documentation: La circulaire DRT n° 93-14 du 18 mars 1993 fixe les prescriptions particulières d'hygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure.
Comment réaliser les inspections de coordination ?
Durant le déroulement des travaux ou prestations de services, le chef de l'entreprise utilisatrice doit organiser des inspections et réunions périodiques avec les chefs des entreprises extérieures (Article R4513-2 C.Trav.).
La périodicité de ces inspections est définie librement par le chef de l'entreprise utilisatrice.
Cependant, lorsque les heures de travail pour la réalisation des opérations sont supérieures à 90 000 heures pour l'année à venir, ces inspections doivent avoir lieux tous les trois mois (Article R4513-5 C.Trav.).
En fonction des risques et des circonstances, ces inspections visent à assurer :
- soit la coordination générale dans l'enceinte de l'entreprise utilisatrice ;
- soit la coordination des mesures de prévention pour une opération donnée ;
- soit la coordination des mesures rendues nécessaires par les risques liés à l'interférence entre deux ou plusieurs opérations.
Notez-le: Les chefs des entreprises intéressées par les opérations en cause doivent être informés de la date à laquelle se tiennent ces inspections et réunions (Article R4513-3 C.Trav.).
Ces inspections et réunions ont pour objectif de faire le point sur la prévention des risques et peuvent ainsi donner lieu à une mise à jour du plan de prévention (Article R4513-4 C.Trav.).
Documentation: La recommandation R429 définit les prescriptions pour le recours aux entreprises extérieures.
Quel est le rôle du comité social et économique ?
Le comité social et économique (CSE) des entreprises utilisatrice et extérieures peut désigner un de ses membres pour participer à l'inspection commune préalable et ainsi émettre un avis sur les mesures de prévention (Article R4514-3 C.Trav.).
Cette participation permet au CSE d'exercer pleinement son rôle pour la préservation de la santé, de la sécurité et des conditions de travail des travailleurs.
C'est également le cas pour les inspections et réunions périodiques de coordination. Les membres désignés pour y participer peuvent émettre leurs avis (Article R4514-6 C.Trav.).
Par ailleurs, les CSE des entreprises doivent être informés de la date de l'inspection commune préalable et des inspections et réunions périodiques au plus tard trois jours avant celles-ci (Article R4514-1 C.Trav.).
Enfin, le CSE doit être averti de toute situation d'urgence ou présentant un danger grave et imminent pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Cas particuliers
Opérations de chargement et de déchargement
Les opérations de chargement et de déchargement (telle que la livraison pour un supermarché) font l'objet d'un protocole de sécurité qui remplace le plan de prévention (Article R4515-4 C.Trav.).
Ce plan de prévention contient notamment les consignes de sécurité, les lieux de livraison, la nature et le conditionnement de la marchandise, les engins utilisés, etc. (Article R4515-6 C.Trav.).
Exposition aux rayonnements ionisants
Pour les opérations réalisées dans des entreprises utilisatrices qui exposent les travailleurs à des rayonnements ionisants (stockage, manipulation de substances radioactives ou utilisation de matériel médical émettant des rayonnements ionisants), la procédure est similaire mais implique la personne ou le service compétent en radioprotection (Article R4451-8 C.Trav.).
L'évaluation prévisionnelle de la dose collective et des doses individuelles de rayonnement que les travailleurs sont susceptibles de recevoir lors de l'opération doit notamment être effectuée (Article R4451-11 C.Trav.).
Attention : Les entreprises extérieures doivent avoir obtenu un certificat de qualification pour pouvoir effectuer des travaux qui exposent à des rayonnements ionisants (Article R4451-122 C.Trav.).
Documentation: Pour plus d'informations, n'hésitez pas à consulter la partie du Code du travail dédiée.
Quelle est la responsabilité de l'employeur ?
En cas d'accident du travail, les employeurs des entreprises utilisatrice et extérieures peuvent voir leur responsabilité civile et pénale engagées.
En effet, comme nous l'avons vu tout au long de ce guide, les employeurs des entreprises utilisatrice et extérieures sont chacun responsables de la mise en place des mesures de prévention (Article R4511-6 C.Trav. et Article R4511-5 C.Trav.).
La responsabilité civile de l'employeur peut être engagée lorsque celui-ci a commis une faute inexcusable. La faute inexcusable de l'employeur peut être reconnue :
☑️ ️par absence, insuffisance ou défaut des mesures de prévention des risques (Cass, crim,11 juin 2014, 13-85.601) ;
☑️ ️lorsque l'employeur n'a pas pris les mesures de prévention nécessaires par méconnaissance du danger (Cass, civ, 20 décembre 2018, 17-28.148).
Par ailleurs, la responsabilité pénale de l'employeur peut également être engagée sur le fondement du Code pénal et notamment pour :
☑️ ️la mise en danger d'autrui (Article 121-3 C. pén.) ;
☑️ ️le fait de causer des blessures sur autrui (Article 222-20 C.pén.) ;
☑️ ️le fait de causer la mort d'autrui (Article 221-6 C.pén.).
Ainsi, l'entreprise utilisatrice qui doit organiser la coordination des mesures de prévention peut être solidairement responsable en cas d'accident du travail d'un salarié de l'entreprise extérieure.
Dans ce cas de jurisprudence (Cass, crim, 17 novembre 2015, n°14-83.894), un travailleur a chuté de quatre mètres et s'est cassé la jambe.
L'accident a été provoqué lors de la collision entre le travailleur et un panneau manié par une grue.
L'absence de garde-corps, de harnais antichute ainsi que l'absence de mesures pour prévenir les risques de collision entre piéton et véhicule sont mises en cause.
Le chef de l'entreprise utilisatrice est condamné car il n'a pas suffisamment assuré la coordination générale des mesures de prévention et le chef de l'entreprise utilisatrice est également condamné pour l'absence des mesures de prévention.
Ce qu'il faut retenir
☝️ Le recours à une entreprise extérieure génère des risques spécifiques liés à la coactivité ;
☝️ Le chef de l'entreprise utilisatrice doit assurer la coordination générale des mesures de prévention ;
☝️️ Les chefs d'entreprises doivent se communiquer toutes les informations nécessaires à la prévention des risques ;
☝️ ️Les entreprises doivent procéder à une inspection commune préalable avant le début des opérations ;
☝️ Les mesures de prévention doivent être formalisées dans un plan de prévention.
☝️️ Le chef de l'entreprise utilisatrice doit organiser des inspections et réunions périodiques.
☝️ ️La responsabilité des chefs d'entreprises peut être engagée en cas d'accident du travail.