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Guide sur la prévention des risques liés au travail isolé​

Clara Godin pour Inforisque

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Guide sur la prévention des risques liés au travail isolé

Le travail isolé présente de nombreux risques dus au manque d'assistance immédiate. Dans une telle situation, le travailleur est livré à lui-même et une simple difficulté peut générer rapidement un accident du travail.

Dans ce guide complet, vous retrouverez les différentes exigences réglementaires visant à prévenir les risques liés au travail isolé.

Prévention des risques liés au travail isolé : quels enjeux ?

Qu'est-ce que le travail isolé ?

En l'absence de définition réglementaire du travail isolé, on peut se référer aux définitions élaborées par différents organismes dans le cadre de recommandations et notamment la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM).

“Le travail est considéré comme isolé lorsque le travailleur est hors de vue ou de portée de voix d'autres personnes et sans possibilité de recours extérieur et que le travail présente un caractère dangereux.”

Source : Recommandation de la CPAM n°416.

Attention : Une tâche peut être considérée comme du travail isolé quelle que soit la durée de l'isolement. En effet, il est courant de voir un accident se produire même en cas d'isolement de courte durée.

Le travail isolé n'est pas un phénomène récent et existe depuis longtemps dans de nombreux secteurs d'activités et de nombreuses entreprises. Toutefois, il tend à se développer ces dernières années avec l'apparition de nouvelles méthodes de travail (télétravail), l'accroissement des horaires atypiques, le recours de plus en plus fréquent à des entreprises extérieures, des sous-traitants, etc.

Voici quelques exemples de secteurs d'activité fréquemment concernés par du travail isolé :

  • le secteur hospitalier (personnel d'astreinte) ;
  • le secteur forestier (bûcherons, conducteurs d'engins…) ;
  • le secteur agroalimentaire (interventions en chambre froide…) ;
  • le secteur du BTP et des travaux publics ;
  • les activités de surveillance, de gardiennage ;
  • les activités d'entretien des locaux, bureaux… ;
  • les activités de maintenance (ascenseurs, éoliennes, stations d'épuration…).

Quels sont les risques liés au travail isolé ?

Risques physiques

En lui-même, le travail isolé ne présente pas de risques physiques immédiats. En revanche, l'isolement des travailleurs agit comme un amplificateur de risques en cas de problème.

En effet, en cas d'accident, aucune assistance immédiate ne peut venir en aide au travailleur isolé. Or, le laps de temps suivant la survenue d'un accident peut s'avérer crucial pour minimiser les répercussions d'une telle situation.

Par ailleurs, en cas de difficultés, le travailleur isolé ne peut compter que sur lui-même et les décisions qu'il devra prendre peuvent être inadaptées et entraîner des conséquences négatives sur la situation. Ce sont donc les conséquences de l'isolement qui sont à craindre et particulièrement en cas de survenue d'un accident du travail.

Risques psychologiques

Le travail isolé présente également des risques psychologiques directement liés à l'isolement du travailleur.

En effet, l'isolement associé à l'exécution d'une tâche dangereuse peut générer une appréhension voire une angoisse chez le travailleur. En outre, la perspective d'être isolé peut être plus ou moins bien supportée en fonction du profil du travailleur.

Cette appréhension s'associe généralement à un risque cognitif. En cas de problème ou de difficulté dans l'exécution de son travail, la situation contraint parfois le travailleur à devoir sortir de son domaine de compétence pour trouver des solutions. Cette sur-sollicitation cognitive constitue une responsabilité et présente un risque de stress et de pression pour le travailleur.

Enfin pour certaines tâches spécifiques telles que la surveillance, il existe également un risque psycho-affectif dû à la solitude et à la sensation d'ennui que peuvent ressentir les travailleurs concernés.

Documentation: Pour en savoir plus, n'hésitez pas à consultez le dossier de l'INRS Les risques du travail isolé.

Le travail isolé amplifie les risques professionnels

Quels sont les enjeux du travail isolé ?

On estime le nombre de travailleurs isolés en France à environ 3 millions (chiffre de 2014 de l'INRS). Par ailleurs, selon une enquête de la DARES, en 1998, 7,2% des travailleurs déclarent travailler de manière isolée des autres.

Tous secteurs confondus, 3% des accidents mortels concernent des travailleurs isolés. Cependant, quatre secteurs d'activités dont le transport et la maçonnerie, regroupent à eux seuls 22 % des accidents mortels de travailleurs isolés. Ces chiffres mettent en valeur l'enjeu important lié à la prévention des risques liés au travail isolé.

Comment mettre en place une démarche de prévention des risques liés au travail isolé ?

Réglementations spécifiques pour certains travaux isolés

Le Code du travail prévoit une réglementation spécifique pour certains travaux isolés et certaines tâches bien précises.

Tout d'abord, quel que soit le type de travaux réalisés, lorsqu'une entreprise extérieure réalise une opération dans une autre entreprise, le chef de l'entreprise extérieure doit prendre des mesures pour qu'aucun travailleur ne soit isolé et hors de portée des secours dans ces trois cas de figures (Article R4512-13 C. trav.) :

  • lorsque l'opération se déroule de nuit ;
  • lorsque le travailleur se trouve dans un lieu isolé de l'entreprise utilisatrice ;
  • lorsque l'opération se déroule à un moment où l'activité de l'entreprise utilisatrice est interrompue.

Une réglementation spécifique s'applique également pour tous les travaux de maintenance et d'entretien des appareils de levage tels que les ascenseurs, monte-charges, élévateurs de personnes, etc.

Pour ces travaux, certaines tâches sont interdites au travailleur isolé (Article R4543-20 C.Trav.) :

  • le port manuel d'une masse supérieure à 30 kg ;
  • la pose ou la dépose manuelle d'éléments d'appareils d'une masse supérieure à 50 kg ;
  • la pose ou la dépose des câbles de traction d'ascenseur ;
  • toutes tâches qui exigent le port d'un équipement de protection individuelle respiratoire isolant ou filtrant à ventilation assistée.

Par ailleurs, les travailleurs isolés doivent pouvoir signaler toute situation de détresse et être secourus dans les meilleurs délais (Article R4543-19 C.Trav.).

Il est également interdit pour ces travailleurs isolés d'exercer leur travail sur le toit de l'habitacle d'un équipement pendant son déplacement sauf si les deux conditions suivantes sont réunies (Article R4543-21 C.Trav.) :

  • l'équipement de levage est doté d'un dispositif de commande de manœuvre d'inspection permettant de garantir la sécurité des intervenants ;
  • la prévention du risque de chute est assurée par un équipement de protection adapté.

Certains travaux sont interdits au travailleur isolé. En voici une liste non-exhaustive :

Pour terminer, certaines activités ne doivent pas être réalisées par un seul travailleur. Il ne s'agit pas directement de travail isolé mais la notion reste proche et la prévention de telles situations est importante. En voici une liste non-exhaustive :

  • la manipulation d'un appareil radiologique hors de la zone prévue à son utilisation (Article R4451-62 C.Trav.) ;
  • la conduite avec un manque de visibilité de certains appareils de levage doit être supervisée par un maître de manœuvre (Article R4323-41 C.Trav.) ;
  • les manœuvres de camion lorsque la visibilité est insuffisante (Article R4534-11 C.Trav.).

Documentation: N'hésitez pas à consulter la recommandation R252 de la CPAM sur le travail isolé et dangereux ainsi que la brochure de l'INRS sur le cadre réglementaire du travail isolé.

Plus généralement, comment prévenir les risques liés au travail isolé ?

Au-delà de ces exigences réglementaires applicables à certains travaux spécifiques, la démarche de prévention des risques liés au travail isolé se construit autour des principes généraux de prévention des risques et de la réglementation générale sur la sécurité en entreprise (Article L4121-1 C.Trav.).

Pour mieux comprendre cette démarche de prévention, on peut la diviser en deux temps :

➡️ La prévention du risque d'accident par le biais de mesures organisationnelles, de formation et d'information ;

➡️ La gestion de l'accident grâce à un système d'alerte adéquat et l'organisation des secours.

Évaluation des risques

La première étape consiste à identifier les travaux isolés et leurs caractéristiques. Cette étape se réalise généralement lors de l'évaluation des risques pour des raisons pratiques et afin de pouvoir remplir le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP).

Attention : Pour rappel, un poste de travail peut être considéré comme du travail isolé même si l'isolement du travailleur est temporaire.

L'identification des postes isolés est très importante bien que l'exercice ne soit pas forcément évident. En effet, il est parfois compliqué d'identifier toutes les circonstances et les éléments qui participent à créer une situation d'isolement des travailleurs.

Dans le but d'être le plus précis possible, l'identification des risques liés à l'isolement peut se faire en trois parties :

1. Description du poste de travail, des tâches ainsi que les risques associés

⚙ Description du poste de travail

🔧 Description des tâches

⚠ Risques associés

👷‍ Moyens de prévention

♿ Accidentologie du poste

🕦 Horaires

🌡 Environnement de travail

Etc.

2. Description précise des caractéristiques de l'isolement

📍 Isolement géographique

🙈 Isolement visuel

🙉 Isolement sonore

🕦 Isolement dû aux horaires de travail

⌛ Durée de l'isolement

Etc.

3. Caractéristiques personnelles du travailleur

⚥ Sexe

👴 Âge

🕦 Ancienneté

✍ Formation

✚ Suivi médical

Etc.

Attention : Il est important de vérifier si le travailleur n'est pas sujet à une maladie ou un état de santé qui pourrait le mettre en danger dans le cadre d'un isolement.

Il est important de prêter une attention particulière à cette étape car une mauvaise identification d'un poste isolé peut mettre en danger les travailleurs et être considéré comme un manquement de l'employeur à ses obligations réglementaires.

Mise en place des mesures de prévention

À la suite de l'identification des postes à risque d'isolement, la deuxième étape consiste à mettre en place des mesures de prévention adaptées au poste de travail, à l'entreprise et au type d'isolement des travailleurs.

Dans un premier temps, il est possible de mettre en place des mesures de prévention qui concernent l'organisation du poste et de l'environnement de travail :

  • aménagement du poste ;
  • aménagement de l'environnement de travail ;
  • information des travailleurs ;
  • organisation de la production ;
  • diminution du nombre et des durées des interventions ;
  • mise en œuvre de dispositifs de protection collective et individuelle ;
  • etc.

La mise en place d'un service de secours constitue par ailleurs une obligation réglementaire (Article R4224-16 C.Trav.).

C'est pourquoi, dans un deuxième temps, l'employeur doit mettre en place un système d'alerte et d'intervention des secours pour les travailleurs isolés. Ce système constitue le point central des mesures de prévention des risques liés au travail isolé.

Il s'appuie sur trois éléments :

  1. La surveillance des travailleurs ;
  2. Le système d'alerte mis à disposition des travailleurs ;
  3. L'organisation des secours.
schéma des mesures de prévention travaileur isolé

La surveillance des travailleurs

La surveillance des travailleurs est mise en place en désignant une personne qui sera chargée de s'assurer à distance, durant toute la durée du poste de travail, que le travailleur n'est pas dans une situation dangereuse ou de détresse.

Cette surveillance s'effectue généralement en début et fin de poste grâce à un système de communication du type talkie-walkie ou téléphone portable. Il est également possible d'effectuer des échanges périodiques à certains moments stratégiques du poste de travail (exemple : à la suite d'une tâche particulièrement risquée, etc.).

Dispositif d'alarme du travailleur isolé (DATI)

Outre la surveillance du travailleur isolé, il est impératif que ce dernier ait à sa disposition un moyen de prévenir le poste de surveillance en cas de problème ou d'accident.

C'est pourquoi un système de dispositif d'alarme du travailleur isolé (DATI) doit être mis à disposition du travailleur pour qu'il puisse déclarer une situation dangereuse au poste de surveillance et ainsi déclencher l'arrivée des secours.

Focus : Le DATI peut prendre la forme d'un bracelet, d'un téléphone ou encore d'un émetteur radio. Ce dispositif fonctionne soit par déclenchement manuel du travailleur à l'aide d'un bouton spécifique soit grâce à des capteurs qui pourront détecter une posture anormale du travailleur (allongé et immobile) et déclencher ainsi un envoi automatique de l'alerte.

Il n'existe pas d'obligation réglementaire concernant le type de DATI utilisé pour le poste de travail. Néanmoins, il est important que le choix soit adapté aux besoins du travailleurs et aux caractéristiques de l'isolement.

Mise en place d'un service de secours

Lorsque l'alarme est déclenchée, le poste de surveillance procède généralement à une “levée de doute” en prenant contact avec le travailleur concerné afin d'éviter les fausses alertes dues à une éventuelle défaillance du DATI.

Si l'alarme se confirme, le poste de surveillance doit être en mesure d'appeler au plus vite les secours. La difficulté est alors de pouvoir localiser le travailleur afin que les secours puissent intervenir dans les meilleurs délais. Il convient alors d'indiquer aux secours la zone d'exercice du travailleur et sa position probable en fonction de sa prise de poste.

Notez-le : Il est également possible d'avoir recours à une localisation GPS intégrée dans le DATI mais la précision du signal reste généralement approximative.

Documentation: N'hésitez pas à consulter les dossiers de l'INRS sur l'organisation des secours en entreprise ainsi que la brochure INRS “Travail isolé, Pour une démarche globale de prévention”. Vous trouverez en annexe de ce document toutes les recommandations de la CPAM pour chaque secteur d'activité.

Formation des travailleurs isolés

La formation est un élément important à mettre en œuvre afin que les travailleurs isolés soient en mesure d'agir correctement en cas de difficulté. Il est donc important d'intégrer à leur formation les éléments suivants :

  • formation à l'utilisation du DATI ;
  • information sur le système organisationnel d'alerte et de secours ;
  • information sur les risques encourus ;
  • information sur les mesures de prévention ;
  • définition et information sur les tâches précises du poste ;
  • éviter les situations de dépassement de tâche ;
  • etc.

Focus : Le travailleur a l'obligation de respecter les consignes de sécurité ainsi que les instructions dispensées lors de cette formation (Article L4122-1 C.Trav.).

Quelle est la responsabilité de l'employeur dans la prévention des risques liés au travail isolé ?

L'employeur est tenu d'assurer la santé et la sécurité de ses salariés. Par conséquent, tout manquement à ses obligations pourra engager sa responsabilité civile et pénale (Article L4121-1 C. trav.).

Engagement de la responsabilité civile

En cas d'accident du travail, la victime peut engager la responsabilité civile de l'employeur afin d'obtenir réparation sous la forme d'indemnités complémentaires.

Concrètement, la responsabilité de l'employeur est engagée dès lors qu'il a commis une faute inexcusable. Cette dernière peut être reconnue :

☑️ ️ par absence, insuffisance ou défaut des mesures de prévention des risques (Cour de cassation, 2e chambre civile, 22.09.2022, n° 20.23725) ;

☑️ ️ lorsque l'employeur n'a pas pris les mesures de prévention nécessaires par méconnaissance du danger (Cour de cassation, 2e chambre civile, 8.10.2020, n° 18-25.021).

Engagement de la responsabilité pénale

Par ailleurs, la responsabilité pénale de l'employeur peut également être engagée sur le fondement du Code pénal notamment pour :

☑️ la mise en danger d'autrui (Article 121-3 C. pén.) ;

☑️ le fait de causer des blessures sur autrui (Article 222-20 C.pén.) ;

☑️ le fait de causer la mort d'autrui (Article 221-6 C.pén.).

Lorsque l'une de ces trois atteintes est commise par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, l'employeur est passible d'une sanction pénale qui peut aller jusqu'à 75 000 euros d'amende et cinq ans d'emprisonnement selon les cas.

Voici quelques exemples de jurisprudences relatives au travail isolé :

  • (Cass. crim. 5 décembre 2000, n° 00-82.108) Un travailleur isolé décède dans le cadre d'un travail sur voie ferrée. L'absence de moyens de communication est mise en cause.
  • (Cass. crim. 3 novembre 1998, n° 97-85.236) Un travailleur isolé est mortellement blessé lors d'une chute sur un chantier. Le manque de surveillance du chantier ainsi que l'isolement du travailleur sont mis en cause.
  • (Cass. crim. 25 novembre 2008, n° 08-81.995) Un travailleur isolé est retrouvé mort dans une chambre froide à la suite de l'intoxication à un gaz (fréon). Les mesures de sécurité sont mises en cause. En effet, son isolement et le manque de surveillance ont provoqué son décès dans le sens où cet accident aurait pu être évité s'il avait été sorti plus rapidement de la chambre froide.

Ce qu'il faut retenir

☝️ L'isolement des travailleurs agit comme un amplificateur de risque ;

☝️ Il existe une réglementation spécifique pour certains travaux isolés spécifiques ;

☝️ Il est particulièrement important de bien identifier les postes isolés lors de l'évaluation des risques professionnels ;

☝️ Un système de surveillance, d'alarme et de secours doit être mis en place pour les travailleurs isolés.

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