Le risque de chute de hauteur présente des enjeux importants dans le milieu du BTP et dans de nombreux autres secteurs d'activité recourant au travail en hauteur. Il est impératif de le prévenir grâce à des mesures de protection adaptées. Retrouvez dans ce guide complet la réglementation et la démarche de prévention des risques liés aux chutes de hauteur.
Quelle est la définition du risque de chute de hauteur ?
Le risque de chute de hauteur existe dès lors qu'un travailleur se trouve en élévation par rapport au sol ou à proximité d'un vide et ce, quelles que soient la hauteur et la durée d'exposition.
Le Code du travail ne précise pas la hauteur qui caractérise une chute de hauteur. Il précise néanmoins que des mesures de protection doivent être mises en place même si l'exposition à ce risque est temporaire.
La réglementation mentionne trois situations principales qui exposent au risque de chute de hauteur :
- les travaux en hauteur à partir d'un plan de travail (Article R4323-58 C.Trav.) ;
- l'utilisation d'un équipement de travail qui expose le travailleur à un risque de chute de hauteur (Article R4323-61 C.Trav.) ;
- la présence de zones comportant des risques de chute de personnes (notamment les puits, trappes, dénivellations importantes, etc.) (Article R4224-20 C.Trav., Article R4224-5 C.Trav. et Article R4534-6 C.Trav.).
Exemples de postes et situations de travail à risque de chute de hauteur :
- les travaux de terrassement ou sur toiture ;
- les travaux utilisant des échafaudages ou des cordes ;
- l'utilisation d'une nacelle élévatrice ;
- les travaux de maintenance ;
- l'accès à une plate-forme au-dessus du niveau du sol (cuve, poste d'assemblage industriel, etc.) ;
- l'accès à un toit ;
- les postes de travail dans des carrières ;
- etc.
Attention : L'utilisation d'une échelle ou d'un escabeau, même temporaire, est considérée comme un poste à risque de chute de hauteur.
De nombreuses entreprises ont recours de façon récurrente au travail en hauteur et doivent ainsi veiller au respect de la réglementation en vigueur. Parmi les secteurs concernés on trouve notamment :
- le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) ;
- le secteur électrique ;
- le secteur agricole ;
- le secteur industriel ;
- le secteur du spectacle ;
- etc.
Notez-le : Le risque de chute de hauteur se différencie du risque de chute de plain-pied. Ce dernier se caractérise en effet par une chute au niveau du sol.
Quels sont les enjeux du risque de chute de hauteur ?
Une chute de hauteur peut avoir de très graves conséquences sur la santé des travailleurs.
En fonction de la hauteur, il est courant qu'une chute puisse provoquer des fractures multiples, des traumatismes externes, voire une paralysie partielle ou totale ou des blessures mortelles.
Selon le rapport annuel 2022 de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), les chutes de hauteur ont provoqué le décès de 41 travailleurs en 2021.
D'autre part, la fréquence d'accidents du travail causés par une chute de hauteur est considérable.
En effet, toujours selon le rapport annuel 2022 de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), les chutes de hauteur ont représenté 12% des accidents du travail et près de 4 millions de journées d'incapacité temporaire en 2021.
Au regard de ces chiffres et de la potentielle gravité des accidents, la prévention du risque de chute de hauteur représente un enjeu capital pour la santé et la sécurité des travailleurs.
Quelles sont les obligations réglementaires pour prévenir le risque de chute de hauteur ?
La prévention du risque de chute de hauteur s'appuie sur les principes généraux de prévention des risques (Article L4121-2 C. trav.).
Ainsi, il est possible de diviser cette prévention en cinq étapes principales :
Évaluation des risques
L'évaluation des risques professionnels est une étape-clé puisqu'elle permet d'identifier les situations à risques et d'envisager des solutions et mesures de protection adaptées.
Focus : Pour rappel, les résultats de l'évaluation des risques sont consignés dans le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) qui répertorie l'ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs.
Lorsque les situations à risques ont été identifiées, l'employeur doit ensuite définir les facteurs de risques qui composent ces situations.
Il convient alors d'élargir l'analyse des risques de la situation en observant tous les facteurs de risques auxquels sont exposés les travailleurs. Certains facteurs de risques peuvent en effet favoriser les chutes de hauteur sans pour autant être directement liés à ce risque.
Focus : L'accès au poste de travail en hauteur doit être sécurisé (Article R4323-67 C. trav.). Il est donc impératif de prendre en compte ces accès lors de l'évaluation des risques professionnels.
Ainsi, lors de l'évaluation des risques de chute de hauteur, veillez à prendre en compte ces facteurs de risques :
Facteur de risque
Exemples
🏡 Environnement du lieu de travail
➡️ Hauteur du poste de travail, présence de machines ou charges mobiles, température ambiante, humidité ambiante, ambiance sonore, ambiance lumineuse, etc. ;
🕦 Organisation du travail
➡️ Circulation sur le poste de travail, fréquence d'accès au poste de travail, horaires de travail, changement de personnel, effectif présent sur le poste, etc. ;
🧎 Sollicitation physique
➡️ Gestes répétitifs sur la durée, sollicitation physique excessive, manutention, port de charge manuel, etc. ;
🧠 Sollicitation cognitive
➡️ Surcharge de travail, dépassement de tâches, sollicitation cognitive trop importante, stress, temps de réflexion insuffisant pour l'exécution du travail, etc.
Les situations de travail qui présentent des causes multifactorielles nécessitent donc des mesures de protections supplémentaires.
Focus : Afin de réaliser l'évaluation des risques dans les meilleures conditions, l'employeur peut bénéficier de l'aide du comité social et économique (CSE), de salariés désignés ainsi que du service de prévention et de santé au travail (Article L4121-3 C. trav.).
Éviter et combattre à la source le risque de chute de hauteur
Pour éviter le risque de chute de hauteur, l'employeur doit envisager la prévention le plus en amont possible.
Il existe généralement trois solutions principales pour éviter et combattre le risque à la source :
- agir sur la conception des lieux de travail ;
- agir sur les modes opératoires et modes de productions ;
- utiliser des équipements de travail qui permettent d'éviter les situations dangereuses ou de limiter le nombre de travailleurs exposés.
Ces solutions sont très efficaces mais représentent parfois des difficultés techniques et peuvent dans certains cas provoquer un bouleversement dans l'organisation du travail.
Exemples de solutions permettant d'éviter le risque de chute de hauteur :
- effectuer le travail au sol, même partiellement, pour limiter le nombre de salariés exposés aux chutes de hauteur ;
- utilisation d'équipements, de machines ou d'engins tels que des grues, chariots élévateurs, etc. ;
- créer des nouveaux postes de travail afin de séparer les différentes tâches à accomplir sur un même poste ;
- etc.
Mise en place de mesures de protection
Lorsque le risque de chute de hauteur ne peut être évité mais est clairement identifié, l'employeur peut envisager la mise en place de mesures de prévention.
Ces mesures concernent principalement :
- l'aménagement du poste de travail ;
- l'utilisation d'équipements de protection collective (EPC), en priorité ;
- l'utilisation d'équipements de protection individuelle (EPI) si nécessaire ;
- l'organisation de la circulation ;
- la formation des travailleurs.
Comment mettre en place les mesures de prévention contre le risque de chute de hauteur ?
Aménagement du poste de travail
Les travaux en hauteur doivent être effectués à partir d'un plan de travail qui assure la santé et la sécurité des travailleurs (Article R4323-58 C.Trav.).
Ainsi, tout poste de travail en hauteur doit être équipé (Article R4323-59 C. trav.) :
- soit d'un garde-corps, placés à une hauteur comprise entre 1 m et 1,10 m et doté d'une plinthe de butée de 10 à 15 cm, d'une main courante et d'une lisse intermédiaire à mi-hauteur ;
- soit par tout autre moyen assurant une sécurité équivalente.
Lorsque l'installation de tels équipements n'est pas possible, l'utilisation de filets de sécurité en grandes nappes et de filets sur consoles peut être envisagée (Article R4323-60 C.Trav.). Ces filets doivent être installés de façon à éviter une chute de plus de trois mètres.
Enfin, lorsqu'aucune de ces solutions n'est possible, la protection individuelle des travailleurs doit être assurée avec un système d'arrêt de chute (Article R4323-61 C.Trav.). Ces équipements ne doivent pas permettre une chute libre de plus d'un mètre.
Attention : les zones à risque de chute de personnes doivent être signalées de manière visible, même s'il s'agit d'activités ponctuelles d'entretien ou de réparation (Article R4224-20 C.Trav.). En outre, les travailleurs non autorisés ne doivent pas pouvoir pénétrer dans ces zones.
Circulation sur un poste de travail en hauteur
La circulation sur les postes de travail en hauteur doit pouvoir s'effectuer en toute sécurité et ne doit pas créer de risques de chute (Article R4323-67 C.Trav.).
Par ailleurs, l'accès au poste de travail en hauteur doit être sécurisé, réfléchi et choisi en tenant compte de la fréquence de circulation, de la hauteur à atteindre et de la durée d'utilisation.
Il est donc important de concevoir des accès et des postes de travail avec des dimensions et une solidité adaptée au nombre de travailleurs présents, aux différentes tâches à accomplir, aux équipements de travail utilisés sur le poste et à la potentialité du risque de chute.
Exemple : Le passage, dans un sens ou dans l'autre, entre les plateformes, les planchers, les passerelles ou les moyens d'accès doit pouvoir permettre à plusieurs travailleurs de se croiser si le chantier ou les conditions de travail le nécessitent.
Enfin, les équipements de protection collective doivent être conçus et installés de manière à éviter leur interruption notamment aux points d'accès (Article R4323-65 C.Trav.).
Néanmoins, si l'interruption d'un tel équipement est nécessaire, des mesures de sécurité équivalentes doivent obligatoirement être mises en place afin que les travaux puissent reprendre.
Équipements de protection collective (EPC)
Il existe de nombreux équipements de protection collective (EPC) et leur choix doit être adapté aux différentes caractéristiques du poste de travail et du travail à effectuer.
Voici une liste des principaux équipements de protection collective contre le risque de chute de hauteur ainsi que les obligations réglementaires concernant leur utilisation :
Équipement de protection collective
Obligations réglementaires
Garde-corps
➡️ Les garde-corps doivent avoir (Article R4323-59 C. trav.) :
- une hauteur comprise entre 1 m et 1,10 m ;
- une plinthe de butée de 10 à 15 cm ;
- une main courante ;
- une lisse intermédiaire à mi-hauteur.
Filets antichute
➡️ Les filets antichute doivent être installés proche du niveau de travail et jamais à plus de 3 m en-dessous du niveau de travail.
Plates-formes de travail
➡️ Les plates-formes doivent respecter les normes NF E85-014 ou NF EN ISO 14122-2.
Échelles fixes
➡️ Les échelles fixes doivent dépasser d'au moins 1 m le niveau d'accès
(Article R4323-87 C. trav.).
Elles doivent disposer de paliers de repos lorsque leur hauteur le nécessite
(Article R4323-83 C. trav.).
Échafaudages
L'installation et le maniement des échafaudages doivent être supervisés par une personne formée
(Article R4323-69 C. trav.).
Les échafaudages doivent être munis de garde-corps sur leurs côtés extérieurs
(Article R4323-77 C. trav.). L'échafaudage doit être stable
(Article R4323-73 C.Trav.).
Documentation: Il existe une réglementation précise sur l'utilisation des échafaudages. Pour plus de détails n'hésitez pas à consulter la partie du code du travail dédiée aux échafaudages ou la documentation de l'institut national de recherche et de sécurité (INRS).
Équipements de protection individuelle (EPI)
L'utilisation d'équipements de protection individuelle (EPI) intervient uniquement lorsqu'aucun équipement de protection collective ne peut être utilisé ou lorsque ces derniers n'assurent pas une protection suffisante (Article R4323-61 C.Trav.).
En effet, le Code du travail précise que la priorité doit être donnée aux équipements de travail assurant une protection collective (Article R4323-62 C.Trav.).
Voici une liste des principaux équipements de protection individuelle pour le travail en hauteur :
Équipement de protection individuelle
Obligations réglementaires
Système d'arrêt de chute (harnais antichute, longe avec absorbeur d'énergie, dispositifs avec rappel automatique, etc.)
➡️ Les systèmes d'arrêt de chute doivent (Article R4323-61 C.Trav.) :
- soit empêcher une chute libre de plus d'un mètre ;
- soit limiter les effets d'une chute de plus grande hauteur.
️Attention : Les travailleurs qui utilisent ce type d'équipements ne doivent jamais rester seuls (Article R4323-61 C. trav.).
Nacelles et plates-formes élévatrices
➡️ Elles doivent être conformes aux normes NF EN 280.
Leur utilisation doit être conforme à la notice de l'équipement.
Les techniques d'accès et de positionnement au moyen de cordes
➡️ Les travailleurs doivent avoir reçu une formation adaptée (Article R4323-89 C. trav.).
Les échelles, escabeaux et marchepieds
➡️ Les échelles, escabeaux et marchepieds doivent être stables lors de leur utilisation.
Les échelons ou marches doivent être horizontaux
(Article R4323-82 C. trav.).
Attention : l'utilisation d'échelles, escabeaux et marchepieds est uniquement possible :
- lorsque l'utilisation d'équipements de protection collective est impossible ;
- ou lorsque le risque de chute est faible et que l'utilisation d'échelles, escabeaux et marchepieds est de courte durée et non répétitif (Article R4323-63 C.Trav.).
Formation des travailleurs
La formation des travailleurs est une prérogative des principes généraux de prévention des risques. C'est un élément essentiel dans le cadre du travail en hauteur.
En effet, un travailleur mal formé ou peu formé peut ne pas avoir conscience du danger du risque de chute de hauteur et agir de façon inadaptée sur un poste de ce type.
La formation au travail en hauteur doit être inclue dans la formation générale à la sécurité pour tous les travailleurs qui sont amenés à être exposés au risque de chute de hauteur (Article L4141-2 C. trav.).
Par ailleurs, il existe des formations spécifiques pour l'utilisation des échafaudages (Article R4323-69 C. trav.) et des techniques d'accès et de positionnement au moyen de cordes (Article R4323-89 C. trav.).
Quelle est la responsabilité de l'employeur en cas de chute de hauteur ?
Lorsqu'un travailleur est victime d'une chute de hauteur, la responsabilité de l'accident doit être recherchée afin de déterminer si l'employeur a failli à son obligation de sécurité.
Ainsi, la responsabilité civile et pénale de l'employeur peut être engagée.
La responsabilité civile de l'employeur peut être engagée lorsque celui-ci a commis une faute inexcusable. La faute inexcusable de l'employeur peut être reconnue :
☑️ par absence, insuffisance ou défaut des mesures de prévention des risques (Cass, crim,11 juin 2014, 13-85.601)
☑️ lorsque l'employeur n'a pas pris les mesures de prévention nécessaires par méconnaissance du danger (Cass, civ, 20 décembre 2018, 17-28.148)
Par ailleurs, la responsabilité pénale de l'employeur peut également être engagée sur le fondement du Code pénal et notamment pour :
☑️ la mise en danger d'autrui (Article 121-3 C. pén.)
☑️ le fait de causer des blessures sur autrui (Article 222-20 C.pén.)
☑️ le fait de causer la mort d'autrui (Article 221-6 C.pén.)
Attention : L'inspection du travail peut suspendre l'activité d'un chantier lorsqu'elle constate un défaut de protection contre les chutes de hauteur (Article L4731-1 C.Trav.).
Par ailleurs, il est interdit d'affecter des jeunes aux travaux en hauteur lorsque la prévention du risque de chute de hauteur n'est pas assurée par des mesures de protection collective (Article D4153-30 C.Trav.).
Il est également interdit d'effectuer des travaux en hauteur si les conditions météorologiques sont défavorables (Article R4323-68 C.Trav.).
Voici quelques cas de jurisprudences sur les chutes de hauteur :
- pour la chute de hauteur d'un peintre en bâtiment, l'employeur est considéré responsable au titre que la formation, l'information et plus largement la prévention n'était pas suffisante (Cass, civ, 22 septembre 2022, n° 20.23725). La faute inexcusable de l'employeur est reconnue.
- pour la chute d'un travailleur sur une échelle à laquelle il manquait des patins adhérents, l'employeur est considéré responsable pour manquement aux mesures de prévention et méconnaissance du danger (Cass, civ, 20 décembre 2018, 17-28.148). La faute inexcusable de l'employeur est reconnue.
- pour la chute d'un travailleur à travers une trémie sans garde-corps mais avec une simple plaque de contreplaqué non fixée, l'employeur est considéré responsable au titre que les obligations de sécurité n'ont pas été respectées (Cass, crim,11 juin 2014, 13-85.601). La plaque de contreplaqué a été retirée et aurait dû être fixée au sol. La faute inexcusable de l'employeur est reconnue.
Ce qu'il faut retenir
☝️ Le risque de chute de hauteur est caractérisé dès lors qu'un travailleur se trouve en élévation par rapport au sol ou à proximité d'un vide ;
☝️ Tous les postes de travail en hauteur doivent être munis d'un garde-corps ou d'un moyen de protection équivalent ;
☝️ Lorsqu'aucun équipement de protection collective (EPC) ne peut être mis en place, la sécurité des travailleurs est assurée par un équipement de protection individuelle (EPI) ;
☝️ L'utilisation de certains EPC et EPI nécessite une formation spécifique.