La coactivité des entreprises sur un chantier génère de nombreux risques professionnels supplémentaires. C'est pourquoi une coordination des travaux doit être mise en place sur les chantiers qui ont recours à plusieurs entreprises. Dans ce guide, retrouvez l'essentiel de la coordination des opérations de chantier du BTP !
Secteur du BTP : définition et enjeux
Selon les chiffres de l'observatoire des métiers, le secteur du bâtiment et travaux public (BTP) est l'une des principales activités économiques en France avec près de 1,5 millions de salariés, 700 000 entreprises et un chiffre d'affaires de plusieurs centaines de milliards d'euros.
Le secteur du BTP regroupe la construction de bâtiment et les travaux publics. Ce secteur comprend ainsi un très grand nombre d'activités telles que les travaux d'installation d'eau et de gaz, la construction de bâtiments et maisons individuelles, les travaux d'installation électrique, la maçonnerie, les travaux de peinture, etc.
Par ailleurs, de très nombreux corps de métiers tels que des architectes, des ingénieurs, des conducteurs de travaux et des ouvriers spécialisés participent à ce secteur d'activité.
Quels sont les principaux risques dans le BTP ?
Les travailleurs du secteur du BTP sont exposés à de très nombreux risques en fonction du chantier et de l'activité de l'entreprise.
Une analyse des accidents dans le secteur du BTP réalisée en 2010 par l'Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) a mis en avant les principaux risques professionnels à l'origine d'accidents dans le secteur du BTP (figure 7) :
- les chutes de hauteur (44 % des accidents) ;
- les masses en mouvement (10%) ;
- la manutention mécanique (8%) ;
- les véhicules (8%) ;
- la manutention manuelle (3%) ;
- etc.
Notez-le: Le secteur du bâtiment apparaît comme le plus à risque avec une part de 73 % de la totalité des accidents du BTP contre seulement 23 % pour les travaux publics (figure 1).
L'analyse met également en avant l'implication des équipements de travail en hauteur dans 37 % des accidents, 8,8 % pour les éléments de construction et 7,6 % pour les engins de travaux publics (figure 3A).
Quels sont les enjeux du secteur du BTP ?
En raison d'activités professionnelles physiques et dangereuses, les salariés du BTP sont parmi les plus exposés au risque d'accident du travail et aux maladies professionnelles.
Selon les chiffres de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), en 2018, le secteur du BTP représentait 14 % des accidents du travail et 15 % des maladies professionnelles.
Parmi ces accidents, 16 % ont conduit à une incapacité permanente et 19 % à un décès.
Notez-le: Sur les 30 dernières années, la mise en place de mesures de prévention des risques professionnels a participé à réduire considérablement le nombre d'accidents du travail dans ce secteur. Néanmoins, le secteur du BTP reste l'un des plus sinistrés avec 56 accidents du travail pour 1 000 salariés.
En outre, la présence de plusieurs entreprises sur les chantiers multiplie les risques auxquels sont exposés les travailleurs de ce secteur.
Par conséquent, la mise en place d'une coordination des travaux sur chantiers de BTP constitue une part essentielle de la prévention des risques dans le secteur du BTP.
Comment mettre en place une coordination des travaux sur chantier de BTP ?
Qu'est-ce que la coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (SPS) ?
La réalisation d'un chantier implique souvent une grande diversité d'activités et nécessite donc l'intervention de plusieurs entreprises.
Or, l'activité simultanée ou successive de ces différentes entreprises génère des risques supplémentaires à ceux auxquels sont déjà exposés les travailleurs dans l'exercice de leur métier.
C'est pourquoi il est obligatoire d'organiser une coordination en matière de sécurité et de santé (SPS) dès lors qu'un chantier fait intervenir plusieurs entreprises ou travailleurs indépendants (entreprises sous-traitantes incluses) (Article L4532-2 C.trav.).
La coordination des travaux doit être réalisée durant la phase de conception, d'étude et d'élaboration du projet ainsi qu'au cours de la phase de réalisation de l'ouvrage (Article L4532-3 C.trav.).
Afin de diriger la coordination, le maître d'ouvrage doit désigner un coordonnateur SPS pour chacune de ces deux phases (Article L4532-4 C.trav.).
Notez-le: Le maître d'ouvrage peut désigner le même coordonnateur pour les deux phases de l'ouvrage.
Quelles sont les missions du coordonnateur SPS ?
Missions générales
Le coordonnateur SPS a pour mission d'organiser la coordination entre les différentes entreprises présentes sur un chantier de construction.
Il agit sous la responsabilité du maître d'ouvrage et doit veiller à ce que les principes généraux de prévention des risques professionnels soient effectivement mis en œuvre sur le chantier (Article R4532-11 C.Trav.).
Attention : L'intervention d'un coordonnateur SPS ne modifie pas la responsabilité des entreprises participantes en matière de prévention des risques (Article L4532-6 C.Trav.). Ces dernières doivent donc continuer à assurer la prévention des risques professionnels.
Pour réaliser la coordination lors de la phase de conception, d'étude et d'élaboration du projet, le coordonnateur SPS doit (Article R4532-12 C.Trav.) :
- élaborer le plan général de coordination lorsqu'il est requis (PGCSPS) ;
- constituer un dossier d'intervention ultérieure sur l'ouvrage (DIUO) ;
- tenir un registre-journal de la coordination dès la signature du contrat (ou de l'avenant spécifique) ;
- définir les responsabilités de chacun concernant la mise en place et l'utilisation des protections collectives, des appareils de levage, des accès provisoires et des installations générales (notamment les installations électriques) ;
- assurer la transmission des consignes et documents au coordonnateur de la phase de réalisation de l'ouvrage (lorsque celui-ci est différent).
Pour réaliser la coordination lors de la phase de réalisation de l'ouvrage, le coordonnateur SPS doit (Article R4532-13 C.Trav.) :
- organiser entre les entreprises la coordination de leurs activités simultanées ou successives ainsi que les modalités de l'utilisation en commun des installations et matériels, de leur circulation et de leurs échanges (informations, consignes, PPSPS, etc.) ;
- à cet effet, participer à une inspection commune avec chaque entreprise visant à préciser les consignes à respecter et les observations particulières de sécurité et de santé prises pour l'ensemble de l'opération. Cette inspection doit être réalisée avant remise du plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS) lorsque l'entreprise est soumise à l'obligation de le rédiger ;
- veiller à l'application correcte des mesures de coordination ;
- tenir à jour et veiller à l'application du plan général de coordination (PGCSPS) ;
- compléter le dossier d'intervention ultérieure sur l'ouvrage (DIUO) lorsque c'est nécessaire.
Par ailleurs, lorsque le chantier se déroule à l'intérieur ou à proximité d'une entreprise en activité, le coordonnateur SPS doit procéder avec le chef d'établissement à une inspection commune afin de (Article R4532-14 C.trav.) :
- délimiter le chantier ;
- matérialiser les zones qui peuvent présenter des dangers ;
- préciser les voies de circulation pour les travailleurs, véhicules et engins ;
- définir les installations sanitaires, vestiaires, locaux de restauration si nécessaire ;
- communiquer aux entreprises du chantier les consignes de sécurité arrêtées avec le chef d'établissement et notamment l'organisation prévue pour assurer les premiers secours.
Plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (PGCSPS)
Le plan général de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé (PGCSPS) est un document écrit qui définit les mesures de prévention des risques liés à l'interférence des activités des différentes entreprises et intervenants sur le chantier.
Le PGCSPS doit notamment énoncer (Article R4532-44 C.trav.) :
- les renseignements administratifs du chantier (notamment la déclaration préalable) ;
- les mesures d'organisation générale du chantier ;
- les mesures de coordination et les sujétions concernant les déplacements, la circulation, la manutention, les appareils de levage, le stockage, les déchets et décombres, l'utilisation des équipements de protection collective (EPC) et installations, les interactions sur le site, etc. ;
- les contraintes liées aux interférences avec l'entreprise en activité, le cas échéant ;
- les mesures générales pour le maintien en bon ordre du chantier ;
- les renseignements et mesures concernant les secours et l'évacuation ;
- les modalités de coopération entre les entrepreneurs, employeurs ou travailleurs indépendants.
Focus: Le PGCSPS doit être complété et adapté en fonction de l'évolution du chantier et de la durée des différents types de travaux ou phases de travail (Article R4532-47 C.trav.).
Plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS)
Le plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS) est un document établi par les entreprises intervenantes du chantier et qui vise à fournir des informations précises sur leurs activités afin d'organiser la coordination des opérations en conséquence.
Ce document vise également à établir la prévention interne des entreprises intervenantes et doit ainsi prendre en compte les conditions d'intervention sur le chantier ainsi que les mesures de coordination générales décidées par le coordonnateur SPS.
Attention : Une inspection commune doit être réalisée avec le coordonnateur SPS avant la réalisation du PPSPS et avant l'intervention de l'entreprise sur le chantier (Article R4532-13 C.Trav.).
Afin d'organiser la coordination des opérations, le PPSPS doit mentionner (Article R4532-64 C.trav.) :
- les mesures de prévention des risques liés aux travaux dangereux des autres entreprises ;
- les mesures de prévention des risques liés aux contraintes du chantier ou à son environnement (particulièrement en matière de circulation ou d'activités d'exploitation à proximité) ;
- la description des travaux et des processus de travail de l'entreprise pouvant présenter des risques ;
- les dispositions prises par l'entreprise pour prévenir les risques lors de l'exécution de ses propres travaux.
Notez-le: Les PPSPS des différentes entreprises intervenantes doivent être communiqués au coordonnateur SPS et intégrés au plan général de coordination (Article R4532-48 C.trav.).
Afin de prévenir les risques propres à l'activité de l'entreprise, le PPSPS doit (Article R4532-66 C.trav.) :
- analyser les procédés de construction et d'exécution lorsqu'il présentent des risques ;
- analyser les modes opératoires lorsqu'ils présentent des risques ;
- définir les risques prévisibles liés aux modes opératoires, aux matériels, aux dispositifs et installations, à l'utilisation de produits, aux déplacements des travailleurs et à l'organisation du chantier ;
- indiquer les mesures de protection collective ou individuelle ainsi que les conditions de leurs contrôles et de leur entretien ;
- préciser les mesures prises pour assurer la continuité des solutions de protection collective lorsque cela est nécessaire.
Quelles sont les obligations de coordination sur chantier ?
Les obligations de coordination varient en fonction de l'effectif du chantier, de sa durée et du nombre d'entreprises présentes.
En effet le Code du travail distingue trois catégories de chantiers (Article R4532-1 C.Trav.) :
- La première catégorie concerne les chantiers dont le volume dépasse 10 000 hommes ou 10 000 jours et dont le nombre d'entreprises est supérieur à dix pour les opérations de bâtiment ou supérieur à cinq pour les opérations de génie civil (Article R4532-77 C.Trav.).
- La deuxième catégorie concerne les chantiers dont l'effectif prévisible dépasse 20 travailleurs à un moment quelconque et dont la durée est supérieure à 30 jours ouvrés. Elle inclut également les chantiers dont le volume prévu des travaux est supérieur à 500 hommes ou 500 jours (Article R4532-2 C.Trav.).
- La troisième catégorie concerne les chantiers qui font intervenir plusieurs entreprises et dont l'effectif ne dépasse pas 20 travailleurs et dont la durée n'excède pas 30 jours ouvrés.
Obligations de coordination pour les chantiers de première catégorie
Les chantiers de première catégorie sont soumis à l'obligation d'établir un PGCSPS (Article L4532-8 C.trav.).
Par ailleurs, chaque entreprise participante aux chantiers de première catégorie doit remettre un PPSPS au coordonnateur SPS ou au maître d'ouvrage sous 30 jours à compter de la réception du contrat signé (Article R4532-56 C.trav.).
En plus de ces obligations, le maître d'ouvrage d'un chantier relevant de la première catégorie doit constituer un collège interentreprises de sécurité, de santé et des conditions de travail (Article R4532-77 C.trav.).
L'objectif du collège interentreprises SPS est de traiter les questions relatives à la sécurité en présence des représentants des entreprises intervenantes sur le chantier.
Lors des séances du collège interentreprises, toutes questions relatives à la sécurité, la santé et aux conditions de travail peuvent être évoquées et notamment concernant la formation et l'information des travailleurs (Article R4532-87 C.trav.).
Le collège interentreprises est présidé par le coordonnateur SPS désigné pour la phase de réalisation de l'ouvrage et se compose (Article R4532-78 C.trav.) :
- des coordonnateurs SPS ;
- du maître d'œuvre désigné par le maître d'ouvrage ;
- des entrepreneurs ou leurs représentants ;
- des salariés employés sur le chantier et désignés par le CSE de l'entreprise ou par les membres de l'équipe. Lors des séances, ces salariés ont une voix consultative.
Obligations de coordination pour les chantiers de deuxième catégorie
Les chantiers de la deuxième catégorie sont également soumis à l'obligation d'établir un PGCSPS (Article L4532-8 C.Trav.).
Par ailleurs, chaque entreprise participante à un chantier de deuxième catégorie doit remettre un PPSPS au coordonnateur SPS ou au maître d'ouvrage sous 30 jours à compter de la réception du contrat signé (Article R4532-56 C.trav.).
Obligations de coordination pour les chantiers de troisième catégorie
Les chantiers de la troisième catégorie sont soumis à l'obligation d'établir un plan général de coordination simplifié dès lors que des travaux dangereux sont réalisés sur le chantier (Article R4532-52 C.Trav.).
Par ailleurs, sur ces chantiers, les entreprises réalisant des travaux dangereux doivent établir un plan particulier simplifié de sécurité et de protection de la santé (Article R4532-75 C.trav.).
Documentation: Pour rappel, voici l'arrêté ministériel du 19 mars 1993 qui établit la liste des travaux dangereux. Parmi ces travaux dangereux on retrouve par exemple :
- les travaux du bâtiment et des travaux publics exposant les travailleurs à des risques de chute de hauteur de plus de 3 mètres ;
- les travaux de maintenance sur installations à très haute ou très basse température ;
- les travaux comportant le recours à des ponts roulants ou des grues ou transtockeurs ;
- etc.
Ce qu'il faut retenir
☝️ Les travailleurs du BTP sont parmi les plus exposés aux risques professionnels ;
☝️ La mise en place d'une coordination est obligatoire pour tous les chantiers qui ont recours à plusieurs entreprises ;
☝️️ La coordination des opérations est réalisée par un coordonnateur SPS désigné par le maître d'ouvrage ;
☝️ ️La coordination des opérations de chantier passe par l'élaboration d'un plan général de coordination ainsi qu'un plan particulier de sécurité et de protection de la santé.