Jeux pédagogiques, apprendre en mode ludique

Escape games, jeux de plateau, jeux de cartes, théâtre-forum, serious games… Les supports de formation, d’information et de sensibilisation faisant appel aux mécanismes des jeux – vidéos, de société, de rôle… – investissent les entreprises. Dénommée « gamification », ou « ludification », cette approche consiste à utiliser les ressorts du jeu hors de son contexte originel pour diffuser des messages à travers des formats innovants. La prévention des risques professionnels a su saisir la balle au bond : de plus en plus de modules de formations en la matière se développent sous forme ludique. Pour autant, pour être efficace, cette pratique ne doit pas être improvisée.

Les approches basées sur le jeu se développent aujourd’hui largement en entreprise. L’aspect participatif et interactif offert par les jeux pédagogiques contribue à rendre formations et sensibilisations plus attrayantes. La prévention des risques professionnels et la santé-sécurité au travail n’y échappent pas, et font désormais l’objet de nouvelles formes de traitement. Outre la cohésion d’équipe, le côté ludique permet de s’extraire du modèle pédagogique descendant, d’un sachant vers des apprenants. Le fait, par exemple, de résoudre à plusieurs des problèmes développe des compétences en matière de savoir-faire et de savoir-être, et souligne l’intérêt d’échanger entre pairs. À travers de tels outils, l’apprentissage ne se fait plus seulement par l’intermédiaire de discours théoriques mais fait appel au sensoriel, à des mises en situation concrètes.

Une expérience qui marque

Lorsqu’un enseignement débute par un escape game, il y a un effet de saillance dans la mémorisation des apprentissages, les apprenants s’en souviennent durablement. Car un scénario “gamifié” cherche non seulement à parler à l’esprit analytique mais également à susciter des émotions. L’aspect social lié aux jeux améliore la communication entre participants : par la médiation, ils trouvent ensemble des solutions. En mettant en présence un animateur et des joueurs, le jeu atténue par ailleurs les barrières hiérarchiques et contribue à sortir de postures parfois imposées dans l’entreprise. Qu’ils soient numériques ou non, de tels outils augmentent ainsi l’engagement des participants, renforcent l’apprentissage et réduisent les possibles distractions, notamment liées aux smartphones, le temps de l’exercice. Ils aident les apprenants à rester concentrés sur le contenu, leur permettent d’apprendre plus efficacement tout en progressant vers des concepts plus complexes. Et, autre point d’importance : le jeu autorise l’erreur. Partant du principe qu’on ne perd jamais – soit on gagne, soit on apprend –, se tromper dans le cadre d’un jeu est sans conséquences et renforce le souvenir des erreurs à ne pas commettre.

Bousculer les codes

Ces approches ludiques bousculent les codes. Ce sont des vecteurs pour parler différemment de prévention à des publics qui ont parfois tendance à s’en détourner. Car la prévention des risques professionnels souffre aujourd’hui d’un souci d’image. Si tous les sujets en prévention peuvent être traités (risque routier, risque chimique, troubles musculosquelettiques…), ces approches par le jeu présentent aussi l’avantage de pouvoir aborder avec distance des sujets sensibles tels que les risques psychosociaux, le harcèlement moral ou sexuel, le suicide…

Néanmoins, il est encore compliqué de s’assurer qu’avec certains de ces outils, il y a une progression dans la connaissance, qu’on en sait plus après qu’avant, faute d’évaluations au terme des séquences. Ce sont plus des outils d’information ou de sensibilisation que de formation proprement dite. En devenant le gage d’une ingénierie pédagogique positive, c’est aussi pour certaines entreprises une vitrine offrant d’elles une image dynamique. Et face à l’engouement de ce mode de pédagogie, on trouve de plus en plus d’acteurs sur le marché, avec des contenus et des programmes plus ou moins qualitatifs. Le risque toutefois est que la forme prenne le pas sur le fond. C’est la raison pour laquelle faire appel à de tels supports ne doit pas s’improviser, au risque d’être contre-productif.

Analyse finale essentielle

Le jeu est au final un maillon d’une séquence pédagogique plus large. Pour que le résultat soit concluant, il est nécessaire de fixer des objectifs clairs, spécifiques, réalistes et mesurables, ainsi que définir les messages à faire passer. C’est la raison pour laquelle cela nécessite d’associer dans la conception de ces outils à la fois un spécialiste de la mécanique du jeu et une personne ayant des compétences en ingénierie pédagogique.

Bien connaître le public est un autre impératif pour adapter les messages. Il est aussi indispensable de trouver le bon niveau pour créer l’engagement et provoquer l’apprentissage, sans décourager. Il faut par ailleurs veiller à ne pas créer une scission, générationnelle ou culturelle, en employant ce genre d’outils. Les modules doivent être courts, accessibles, reposer sur des règles simples et une prise en main rapide. Perdre trop de temps à comprendre les règles ou à s’approprier un jeu démotivera les participants et perdra rapidement de son intérêt. Dans le cas de jeux digitaux, les apprenants ne doivent pas être propulsés seuls dans des espaces virtuels ou immersifs. Il faut organiser au préalable des rencontres pour les familiariser avec un environnement, comme la création d’un avatar.

Enfin, la réussite de ces exercices repose sur une phase de débriefing incontournable, et suffisamment développée. Cette étape d’échanges et de dialogue qui prolonge et conclut l’exercice s’avère essentielle, quel que soit le jeu. Les participants ne doivent pas se séparer sans avoir échangé sur ce qu’ils viennent de vivre ensemble, croisé leur perception, partagé leurs impressions et points de vue… Pouvant être aussi longue que la phase de jeu elle-même, cette phase d’analyse ancre d’une autre manière la mémorisation et la portée des messages.

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