Décryptage : le Centre Hospitalier de Versailles victime d'une attaque par ransomware

Après l’hôpital de Corbeilles Essonnes, c’est au tour de l'établissement hospitalier de Versailles, situé au Chesnay-Rocquencourt (Yvelines), d’être visé depuis samedi soir par une cyberattaque. Comment s’est-elle déroulée, quelles conséquences pour ses patients, et aurait-elle pû être évitée ? Décryptage de Cassie Leroux, Directrice Produit chez Mailinblack.

Que savons-nous de cette attaque ?

Cette cyberattaque vise l’ensemble de l'établissement, dont l'hôpital André-Mignot, la maison de retraite Despagne et l'hôpital Richaud à Versailles. L’hôpital continue de fonctionner, mais au ralenti ce lundi, ce qui perturbe sérieusement son activité. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour tentative d'extorsion.

Cette cyberattaque est de type Ransomware, un logiciel malveillant qui bloque l’accès à aux outils informatiques et aux données en les chiffrant. Dans ce type d’attaque, le hacker demande généralement ensuite le paiement d’une rançon en échange, par exemple, d’une clé de décryptage. Cette attaque est principalement véhiculée par email, premier vecteur des cyberattaques en entreprise, via des pièces jointes malveillantes contenues dans ces derniers.

Dans ce cas, un simple clic suffit pour que l’attaque aboutisse. Depuis 2020, les attaques par ransomware ont augmenté de +255% d'après une étude de l'ANSSI et c’est d’ailleurs la principale menace identifiée en 2022. Le secteur de la santé fait partie des plus visés par ces types d’attaques.

Pourquoi les hôpitaux sont-ils une cible de choix des cyber malveillants ?

Un établissement de santé utilise environ 200 applications différentes. La majeure partie de ces dernières communique entre elles et échange de nombreuses données de santé. Si un hacker s’introduit dans une ou plusieurs de ces applications, il peut non seulement dérober les données échangées mais aussi mettre à mal le système de partage d’informations au sein de l’établissement.

En plus de nuire directement aux capacités opérationnelles d’un hôpital, une cyberattaque peut donc viser ces données de santé stockées dans l’établissement pour les revendre à prix d’or sur des marchés parallèles et illégaux. Le prix des données de santé est bien plus élevé que celui des données bancaires, un dossier médical pouvant être revendu entre 250 et 700€ (source : Le business des données médicales. Enquête sur un scandale d’État, Eugène Favier-Baron). C’est ce qui incite les hackers à viser ce secteur d’activité.

Quels moyens peuvent être mis en place pour prévenir ces attaques ?

Le logiciel identifié comme étant à l'origine de l'attaque appartient à une famille de virus qui semble être connue. Le rançongiciel qui touche le Centre Hospitalier de Versailles a pénétré le système d’information et bloque actuellement l’accès aux moyens de communication (messagerie). Cela aurait pu être évité grâce à une protection stricte du système d’information et notamment de ses boîtes email.

Pour prévenir ce type de cyberattaques, il est nécessaire de penser une cybersécurité complète, intégrant des solutions de protection et de formation des employés. La technologie est un allié de poids pour protéger les organisations mais elle ne vaut rien sans le soutien et la formation du personnel de santé. Rappelons-le, 90% des incidents de sécurité sont liés à une erreur humaine.

Quelles pourraient être les conséquences sur le fonctionnement de l'hôpital, ses patients et leurs données ?

Actuellement, le système informatique a été coupé et l’entrée des malades a été restreinte. Les premières conséquences sont les suivantes : l'hôpital André Mignot a déclenché son plan blanc et a donc partiellement déprogrammé les activités du bloc opératoire. Les équipes mettent actuellement tout en œuvre pour maintenir les soins ambulatoires et les consultations.

Les conséquences pourraient être plus graves :

  • Atteinte à la qualité des soins et transfert de patients : déjà 6 transferts de patients lourds ont été réalisés, provenant du service réanimation et de néonatologie. Selon le ministre de la Santé, d'autres transferts pourraient avoir lieu ;
  • Sous-effectifs et sur-sollicitations du personnel : les machines de soins fonctionnant sans réseau, une personne par chambre doit surveiller les écrans. Une réorganisation totale de l’hôpital est en marche ;
  • Diminution des entrées et accueil limité : les prescriptions devant être faites à la main, les médecins perdent en productivité et les accès doivent être restreints ;
  • Vol de données : tout comme l’attaque contre l'hôpital de Corbeilles Essonnes, nous nous attendons à voir les hackers diffuser les données volées sur le "dark web" ;
  • Perte d’argent : dans le cas d’une attaque par rançongiciel, un montant de rançon devrait être annoncé par les hackers afin de procéder au déblocage du système informatique.

En plus de la santé des patients à risque, l’impact financier est également important puisque les coûts cachés sont de 5 à 10 fois plus élevés que celui de la rançon : coûts d’interventions, rachat de matériel, frais d’interruption de l’activité, dégradation de la réputation, perte de confiance, investissements technologiques, formation, recrutements de profils cyber, etc. Ce sont autant de frais additionnels que l’hôpital doit envisager.

Cet événement souligne à nouveau le lien entre la santé des patients et le niveau de protection IT.

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