C’est une bonne idée qui dérape… Sur la base d’une proposition formulée par la Commission en 2007, l’Union européenne s’était donné “l’objectif de réduire de 25 % d’ici à 2012 les coûts administratifs imposés aux entreprises par la législation communautaire”.
Une légitime volonté de réduire les coûts administratifs
On ne peut bien sûr que souscrire à une telle politique. Les entreprises européennes et singulièrement les PME sont confrontées à une conjoncture économique extrêmement difficile ainsi qu’à une rude concurrence. Dès lors, alléger le poids des obligations administratives qui pèsent sur elles est une démarche de bon sens. Selon un communiqué de la Commission, publié le 22 octobre dernier, “les mesures proposées et celles en préparation devraient permettre aux entreprises d’économiser environ 40,4 milliards d’euros sur les 123,8 milliards d’euros dépensés pour les formalités résultant de 72 textes juridiques communautaires”.
Baisse de la prévention des risques : une triple erreur
Hélas, cette bonne politique est entachée par un faux pas de taille dans le choix des mesures à venir. En effet, parmi d’autres suggestions, la Commission propose d’exempter certaines petites entreprises de l’obligation d’établir une évaluation des risques. Il s’agit là d’une triple erreur.
Une erreur de perception.
En effet, l’évaluation des risques professionnels est certes une obligation légale. Mais elle ne peut décemment être qualifiée de “formalité administrative”. Ainsi, le document unique d’évaluation des risques est tout sauf un simple formulaire administratif. Il est le résultat d’une démarche extrêmement concrète, menée sur le terrain. Il débouche sur une réelle prise de conscience par les employeurs et les travailleurs des risques encourus sur le lieu de travail. Loin de constituer une “paperasse” de plus, le document unique constitue la première étape d’une politique cohérente de réduction des risques.
Une erreur de ciblage
Car, comme l’a bien relevé l’Institut syndical européen (Etui) dans un communiqué du 23 octobre dernier, le choix d’exempter les petites entreprises est “totalement illogique”. En effet, comme le rappellent les syndicats, “ce sont probablement les petites entreprises qui ont le plus grand besoin d'une évaluation des risques dans la mesure où elles sont peu habituées à une approche systématique et préventive des risques du travail”. C’est donc bien dans ces sociétés que se situent les principales marges de progrès.
Une erreur économique
Dans la mesure où l’évaluation des risques représente, pour les entreprises, une dépense absolument dérisoire au regard des coûts directs et indirects résultant des accidents et des maladies professionnelles. Rappelons ainsi que le coût des accidents du travail au sein de l’Europe des 15 s’élevait, en 2000, à 55 milliards d’euros, soit 0,64 % du produit intérieur brut (PIB). De même, une étude de 2004 montrait que les problèmes de santé engendrent 1.250 millions de jours d’arrêt maladie chaque année. Des chiffres difficilement contestables : ils sont issus d’un rapport de l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (Osha). Cette dernière précise que “les politiques de prévention ont un effet positif sur la performance économique des entreprises et singulièrement sur celle des PME” (voir Altersécurité n° 46 d’octobre 2009).
L’évaluation des risques restera le socle de la prévention
Il faut donc espérer que, comme le souhaite notamment l’Institut syndical européen (Etui), la Commission fasse marche arrière. En tout état de cause, il y a peu de chance que la France suive les instances européennes sur cette question. Depuis son instauration dans notre pays, l’évaluation des risques sous la forme d’un document unique est en effet devenu le socle des démarches de prévention. Ainsi, dans le cadre de l’actuelle pandémie de grippe H1N1, une circulaire la Délégation générale du Travail précisait que “le premier réflexe de l’employeur doit être d’engager l’actualisation du règlement intérieur (RI) et du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER)”. C’est là une préconisation de bon sens consistant ni plus ni moins à “réfléchir avant d’agir”.
Auteur : altersécurité infos, par Point Org Sécurité
Patrick le :
Je partage entièrement l'analyse présentée ici, et j'ose espérer que la raison l'emportera,
A vouloir simplifier à outrance nous risquons de faire repartir les accidents du travail à la hausse.... et ceci légalement.
A suivre avec vigilance,
Patrick Ducloux