Perturbateurs endocriniens : une démarche de prévention calée sur celle visant les CMR

Classé dans la catégorie : Institutionnels

Le colloque INRS/AISS 2016 « Perturbateurs endocriniens et agents sensibilisants : quels risques au travail ? quelle prévention ? » s'est tenu début juin à Paris. Les perturbateurs endocriniens, qui ont la capacité d'interférer avec le système hormonal, sont susceptibles de provoquer des effets nocifs tant chez les individus exposés que sur leur descendance.

Ils constituent à la fois un sujet de santé publique et une problématique de santé au travail. En milieu professionnel, les salariés peuvent être exposés à divers perturbateurs endocriniens dans des secteurs d'activité variés. La démarche recommandée pour la prévention des risques liés à ces substances chimiques est similaire à celle qui doit être mise en oeuvre vis-à-vis des produits chimiques CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques).

Les perturbateurs endocriniens (PE) appartiennent à diverses « familles chimiques » comme les phtalates, bisphénols, pesticides, paraboles... Ceux-ci font l'objet de multiples débats, scientifiques et sociétaux, et de nombreuses recherches. Les PE sont difficiles à identifier et à repérer du fait de l'absence de définition réglementaire commune et officielle. Une définition proposée par l'OMS en 2002 est néanmoins à ce jour la plus communément admise : « un perturbateur endocrinien désigne une substance ou un mélange exogène qui altère les fonctions du système endocrinien et induit en conséquence des effets nocifs sur la santé d'un organisme intact ou de sa descendance ».

Les PE sont donc des substances chimiques ou des mélanges susceptibles de modifier le fonctionnement du système hormonal. Ils peuvent concerner les individus directement exposés mais aussi leurs descendants. Les expositions peuvent se faire par inhalation, ingestion ou passage percutané. S'ils sont soupçonnés d'être impliqués dans la survenue d'une multitude d'affections, portant aussi bien sur les systèmes reproducteurs mâle et femelle que sur la croissance, le développement de certains cancers hormonaux-dépendants ou de troubles du métabolisme, très peu d'études permettent encore aujourd'hui d'établir un lien clair entre exposition à un PE et apparition de pathologies chez l'homme. Ces effets ont pour l'heure majoritairement été observés chez l'animal.

Un savoir à consolider

À ce jour, il n'existe pas de liste de substances perturbatrices endocriniennes faisant consensus, qu'elles soient avérées ou suspectées. Si certaines de ces substances sont déjà connues pour d'autres effets nocifs (neurotoxiques, sensibilisants...), la compréhension de leurs modes d'action sur le système endocrinien demande encore à être approfondie. Par exemple, les effets de mélanges de PE apparaissent particulièrement complexes car ils pourraient avoir des effets très différents de l'exposition aux substances seules (effet cocktail). Autre exemple : les effets engendrés par les PE ne semblent pas nécessairement liés à la dose reçue par un individu. Certains effets apparaîtraient à faibles doses (parfois plus faibles que celles repérées en toxicologie classique), diminueraient lorsque l'on accroît les doses et augmenteraient à nouveau pour des doses élevées (relation dose-réponse non monotone).

Les préoccupations en santé au travail et santé environnementale liées aux perturbateurs endocriniens ont donné lieu à la mise en place d'actions nationales visant à mieux comprendre et mieux prévenir les risques. Le troisième plan Santé Travail prévoit ainsi pour la période 2016-2020 de renforcer la connaissance des expositions professionnelles aux PE, de mettre en place une action d'information concernant les principaux PE identifiés sur les lieux de travail comme le bisphénol A et, enfin, de soutenir, au niveau européen, la stabilisation d'une définition commune.

Une présence des PE dans de nombreux secteurs professionnels

En milieu professionnel, on trouve notamment les PE dans :

  • les matières premières utilisées en entreprise (plastifiants et/ou monomères en plasturgie, solvants dans l'industrie chimique…)
  • les substances rentrant dans la composition de produits utilisés aux postes de travail (peintures, colles, vernis, essences, produits d'entretien…)
  • les déchets ou sous-produits émis par des procédés mis en oeuvre dans l'entreprise (polychlorobiphényles (PCB) libérés lors du démantèlement des anciens transformateurs électriques, dioxines ou benzo[a]pyrène émis par les cokeries ou lors des combustions…)

Ils sont présents dans de multiples secteurs d'activités : agriculture, agroalimentaire, cosmétiques (fabrication et utilisation), plasturgie, traitement et recyclage des déchets... Au final, il est très difficile d'évaluer le nombre de salariés potentiellement exposés.

Face aux incertitudes encore nombreuses concernant les perturbateurs endocriniens, la démarche de prévention des risques recommandée est similaire à celle à mettre en œuvre vis-à-vis des produits chimiques cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR). À commencer par la substitution des PE identifiés par d'autres produits, moins nocifs, en restant très vigilant sur la nature des produits de substitution afin de ne pas déplacer le risque. À défaut, il convient de limiter les expositions au niveau le plus bas techniquement possible avec la mise en œuvre des moyens de protection collective en priorité mais aussi individuelle le cas échéant.

Un attention particulière doit par ailleurs être portée à la surveillance médicale des travailleurs potentiellement exposés aux PE.

L'INRS mobilisé

L'INRS mène des travaux à différents niveaux pour étoffer les connaissances sur ce sujet : études toxicologiques expérimentales, études épidémiologiques, études sur les voies de pénétration, études de biométrologie, développement de techniques de mesurages dans l'atmosphère... Les fiches toxicologiques et les fiches Demeter (Documents pour l'évaluation médicale des produits toxiques vis-à-vis de la reproduction) de l'INRS contiennent par ailleurs des informations sur les effets de type PE. Les bases de données Biotox et Métropol (Métrologie des polluants) mettent également à disposition des informations sur le mesurage sur les PE dans les liquides biologiques (chez l'homme) et dans l'air (métrologie d'ambiance).

Formation

Les perturbateurs endocriniens ne sont pas un sujet à part entière dans l’offre de formation INRS. Cette problématique est cependant abordée dans deux stages concernant la prévention des risques chimiques :

Une formation méthodologique concernant la surveillance biologique de l'exposition aux agents chimiques est également délivrée à l'INRS. Le stage fournit un cadre général aux médecins du travail afin de mettre en place cette biométrologie et leur donne des bases pour interpréter les résultats de ces analyses. Au cours de ce stage, certains exemples utilisés, comme les phtalates et le bisphénol A, montrent que la surveillance biologique est utile pour mieux évaluer l'exposition à certains perturbateurs endocriniens.

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