Ludopédagogie: pourquoi l’utiliser ?

Classé dans la catégorie : Actualité des manifestations / formations

image virtuelle présentant Immersive FactoryDéfinition de la ludopédagogie

La ludopédagogie, c’est une méthode pédagogique où l’on emploi du jeu ou encore du jeu sérieux. Renaud Keymeulen précise pour sa part : « le terme ludopédagogie englobe à la fois la pédagogie du jeu et la pédagogie des jeux. Il s’agit d’une part de l’utilisation du jeu et des jeux dans les apprentissages, mais plus encore d’une méthodologie d’apprentissage basée sur le jeu » (Keymeulen, 2016). Ainsi le simple fait de convoquer du jeu ou bien encore du jeu sérieux dans une pédagogie, nous inscrit dans la ludopédagogie. Précisons cependant, qu’il existe plusieurs manières d’employer du jeu dans un cadre pédagogique. Ainsi pour Yvan Hochet, nous pouvons enseigner “avec”, “par”, “sur” et “autour du jeu” (Hochet, 2013). Dans une approche ludopédagogique moderne, le défi consiste notamment à enseigner “avec du jeu” et moins “par le jeu”. La nuance étant que dans le cas où l’on “enseigne par le jeu”, nous sommes dans l’idée d’utiliser le jeu comme un prétexte : “si tu fais bien ton exercice, tu pourras jouer”. Alors que lorsque l’on cherche à enseigner “avec le jeu”, il s’agit d’employer le jeu comme une véritable médiation : on s’appuie sur le jeu pour illustrer les propos, pour faire vivre une expérience concrète, pour contextualiser un concept… Le jeu n’est pas accessoire dans cette approche ludopédagogique, elle est centrale. C’est donc la méthode “avec le jeu” que nous considérons pour la suite de nos propos.

Pourquoi vouloir employer du jeu dans une formation ?

Il existe plusieurs raisons. De manière non exhaustive, nous pouvons citer les avantages suivants :

  • La motivation : le jeu constitue un levier motivationnel. L’idée étant de viser par son emploi l’atteinte des objectifs utilitaires. Une comparaison des motivations en lien avec le jeu et la formation montre de fortes correspondances sur le plan théorique [1]. De manière pratique, le projet DANT [2] mené en Italie pendant 4 ans auprès de 10 000 élèves et 1 000 enseignants du premier et du second degré a fait ressortir que les élèves ayant utilisé des jeux numériques au cours de leur année scolaire avaient obtenu de meilleurs résultats aux tests finaux d’évaluation de leurs connaissances : environ 2 points de plus en moyenne pour les mathématiques et 3,5 points de plus en italien. Près d’un tiers des enseignant(e)s ayant participé à cette étude ont fait remonter une augmentation significative de la motivation de ces élèves. De plus, presque 30 % des élèves ayant utilisé ces jeux numériques en classe les ont également utilisés à la maison, les titres étant librement accessibles sur Internet.
  • L’apprentissage par essais et erreurs : la plupart des jeux et notamment des serious games s’appuient sur un mode d’apprentissage par essais et erreurs : l’apprenant(e) construit mentalement une « hypothèse » avant de la tester dans le jeu. L’intérêt de l’approche réside dans la possibilité de laisser l’apprenant(e) commettre des erreurs non seulement pour se rendre compte des conséquences qui en découlent, mais aussi pour lui permettre d’adapter sa stratégie d’apprentissage en fonction de situations différentes. L’apprenant(e) doit ainsi affiner son hypothèse jusqu’à trouver la solution qui permette de « gagner ».
  • La différenciation pédagogique :
 le recours au jeu peut aider le formateur(rice) à prendre en compte les différences de rythme d’apprentissage entre élèves d’un même groupe. Chaque apprenant(e) peut progresser dans le jeu à son rythme : un(e) élève qui aura besoin de recommencer quinze fois une séquence avant de comprendre la solution pourra le faire sans crainte d’être jugé négativement par ses pairs ; tandis qu’un(e) élève qui réussit au bout de deux essais ne sera plus frustré(e) d’avoir à attendre ses camarades : du temps pourra être consacrée à l’exploration approfondie du jeu ou aider ceux qui rencontrent des difficultés.
  • La stimulation des interactions pédagogiques entre apprenant(e)s : des serious games permettent de stimuler les interactions pédagogiques entre apprenant(e)s, à l’image de certains jeux multijoueurs. Les apprenant(e)s peuvent également être invité(e)s à jouer sur une même machine côte à côte pour stimuler les interactions : se donner des conseils, pointer des informations qui semblent importantes, trouver ensemble des stratégies pour gagner…
  • Offrir des représentations concrètes : Il est difficile pour certain(e)s apprenant(e)s d’assimiler certaines notions car trop abstraites (formules mathématiques, approches théoriques…). Des problèmes proposant de calculer la vitesse de remplissage de baignoires ou l’heure à laquelle des trains se croisent paraissent très éloignés de notre quotidien. En outre, il n’est pas évident de se représenter mentalement les écoulements d’eau en fonction de débits énoncés ou la vitesse de trains sur tout un parcours. Certains jeux et serious games offrent l’avantage de donner des représentations concrètes et animées de telles notions abstraites.
    Bien entendu, nous pouvons également pointer des limites à l’emploi du jeu comme méthode pédagogique :
  • Des jeux de mauvaise qualité : certains jeux ou serious games peuvent être de qualité très variable selon les compétences et les intentions de leurs concepteurs. Cependant, il est difficile de juger du potentiel pédagogique d’un jeu ou d’un serious game de manière absolue : certain(e)s formateur(rice)s verront dans de mauvais titres des intérêts pédagogiques pour asseoir leurs propos ou proposer une étude de cas.
  • L’importance du débriefing : d’après des expérimentations menées par Jacob Habgood [3], un même jeu s’avère bien plus efficace pour l’acquisition de connaissances si le(a) formateur(rice) prend la peine, après la séance de jeu, de faire un « débriefing » collectif avec ses apprenant(e)s.
  • Des contraintes matérielles et logistiques : il est important de mesurer en amont l’implication logistique que peut représenter l’utilisation de jeux numériques en formation au-delà du travail de formateur : disponibilité d’ordinateurs ou de périphériques capable de faire fonctionner correctement les jeux numériques. La qualité de la connexion Internet constitue également un paramètre à prendre en compte.
  • Une représentation négative du jeu vidéo : lorsqu’ils se présentent sous une forme vidéoludique, les serious games pâtissent sans nul doute de l’image négative qui entache le jeu vidéo. Les médias et les parents dénoncent souvent la violence de certains types de jeux comme les jeux de Tir à la Première Personne (FPS) notamment. Il s’agit là d’un sujet complexe. La presse écrite, le cinéma, la radio, la télévision, le rock’n’roll, la bande dessinée, Internet ont également été la cible de critiques appuyées en leur temps avant de faire l’objet d’une appropriation par la société. Pour certains chercheurs, les réactions d’hostilité à l’encontre du jeu vidéo sont le signe qu’il va s’installer de manière durable dans notre société. Mais dans ce contexte faire usage de jeu numérique en formation peut freiner certains formateur(rice)s.
  • Freins idéologiques : les formateur(rice)s évoquent de nombreux freins à l’usage de jeux ou de serious games :
    • programmes de formation trop chargés pour permettre l’expérimentation de nouvelles approches pédagogiques ;
    • peur du regard des collègues, de la direction, voire des apprenants eux-mêmes ;
    • crainte de devoir changer leur rôle : passer d’une pédagogie magistrale à une forme plus active ;
    • manque de matériel ou de ressources ;
    • faible rémunération au regard du travail à fournir ;
    • absence d’intérêt porté au jeu ou l’incompatibilité supposée du jeu avec leur formation ;
    • méconnaissance de l’outil informatique ou un manque d’information sur les serious games ;
    • crainte d’introduire des valeurs qui ne sont pas compatibles avec ceux du centre de formation (jouer au travail, apprentissages associés à du divertissement, apprentissage sans effort...) ;
    • peur de perdre le contrôle de la formation ou de la technologie ou de faire preuve d’un manque de savoir vidéoludique ou technologique face aux apprenants ;
    • contraintes fortes émanant du centre de formation ou de l’institution : manque de compréhension, de ressources et de moyens, de formations adaptées, d’accompagnements ;
    • risque de rencontrer des résistances parmi les apprenants eux-mêmes ou de ne susciter que leur ennui...

Les avantages et les limites associées à la ludopédagogie sont donc multiples. La mise au point de méthodes ludopédagogiques réclame donc des compétences diverses pour composer avec ces différents paramètres.

Si l’on parvient à composer avec tous ces éléments...

Comment construire sa séquence ludopédagogique ?

Pour cela, il convient de structurer la séquence ludopédagogique en trois phases comme nous l’enseigne Nicole Tremblay avec ses « trois temps pédagogiques » (Tremblay, 2007, pp.102-104). Il s’agit concrètement comme nous l’expose Julian Alvarez (Alvarez, 2019, p. 225) :

« En amont de la situation pédagogique » : de préparer le terrain en donnant du sens aux apprentissages pour le compte de l’apprenant.

« Pendant la situation pédagogique » : de motiver l’apprenant, de lui donner confiance, et d’opérer des distanciations

« Après la situation pédagogique » : opérer le débriefing de l’activité.

Le passage en revue de ces trois phases montre que le formateur doit endosser des rôles différents. Il sera ainsi tour à tour animateur, accompagnateur, médiateur, enseignant, éventuellement pédagogue et parfois même maître du jeu. En parallèle, il convient toujours de garder à l’esprit que les apprenants interpréteront l’activité de jeu proposée et les messages associés en fonction de leurs propres références culturelles, de leur histoire, des enjeux associés à la formation, du fait d’être seul ou en groupe, de leur humeur du moment, etc. C’est pourquoi, le débriefing qui suit l’activité de jeu est stratégique. Elle va permettre au formateur de tenter de recentrer les interprétations des apprenants sur les objectifs pédagogiques visés. Pour opérer ce recentrage, le formateur doit questionner les différents apprenants. Cela peut prendre la forme des quatre questions clés suivantes :

  • Qu’avez-vous ressenti ?
  • Que pensez-vous avoir appris ?
  • Pensez-vous mobiliser ces apprentissages dans votre quotidien ou sur le plan professionnel ?
  • Que pourriez-vous suggérer pour améliorer cette séquence d’Immersive Learning ?

Ces quatre questions posées ne sont pas exhaustives, mais constituent un exemple d’un débriefing que l’on peut proposer pour dans le cadre d’une activité ludopédagogique. Elles ont pour objectif d’évacuer en premier lieu l’excitation ou l’anxiété liées à l’activité de jeu pour ensuite opérer une distanciation sur les apprentissages abordés, renforcés ou acquises ainsi que les savoir-faire mobilisés. Cette distanciation opérée, on comprend bien que le jeu n’est plus de mise. Nous rentrons dans un échange didactique voire un débat qui permet au formateur d’orienter ses apprenants vers ses objectifs pédagogiques. C’est à ce stade qu’il convient pour le formateur de réduire au mieux les interprétations qui seraient trop éloignées des messages pédagogiques visés. Cette étape effectuée, il est intéressant de vérifier si une transposition entre l’activité de jeu proposé et des applications concrètes dans le monde quotidien est envisageable. Enfin, comme la ludopédagogie est une approche itérative, il est important pour le formateur de recueillir auprès des apprenants des informations susceptibles d’améliorer l’activité proposée pour la fois prochaine. La ludopédagogie est ainsi une méthode qui vise à transformer les apprenants, mais en parallèle, le formateur et le dispositif de jeu mobilisé peuvent l’être tout autant.

Prêts pour une nouvelle expérience virtuelle ?

Rejoignez la plateforme immersive dédiée aux évènements et formations HSE pour découvrir les fondamentaux de la ludopédagogie lors d’une conférence virtuelle gratuite animée par Julian Alvarez.

Date : 18 mars 2021
Heure : 16h-17h
Localisation : HUB virtuel d’Immersive Factory
Langage : Français

Le programme :

Après avoir créé votre avatar sur votre nouveau compte, rejoignez le hall “eSafety Day” (accès gratuit depuis le site www.immersivefactory.com) puis la salle de conférence. Voici le déroulé de la conférence :

  • Introduction et présentation des raisons de la création du HUB virtuel
  • Un plongeon dans la ludopédagogie ; une discussion sur la façon dont cette technologie améliore "l'apprentissage par la pratique" + les questions et défis actuels auxquels les entreprises sont confrontées aujourd'hui
  • 15 min pour explorer l’environnement virtuel
  • Retour dans la salle de conférence : questions / réponses

Rejoignez-nous dans cette nouvelle aventure ! Inscrivez-vous ici : http://bit.ly/2ZT4wWg

Références :

  1. ALVAREZ, J. (2019), Design des dispositifs et expériences de jeu sérieux, HDR, Université Polytechnique des Hauts-de-France, pp.184-188, https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-02415027v1
  2. HABGOOD, J. (2007), The effective integration of digital games and learning content, PhD Thesis, England : University of Nottingham
  3. HOCHET, Y. (2013). « Evaluer le Serious Gaming : L’expérience autour de Sim City », evirtuoses 2013, VALENCIENNES, (FRANCE).
  4. KEYMEULEN, R. (2016), « La ludopédagogie : que se cache t-il derrière ce terme ? », blog Intelligences Multiples, http://www.intelligences-multiples.org/definition/definition/, (consulté le 21 Mars 2019).
  5. TREMBLAY, N. (2007). « Formation initiale des enseignants, médiation pédagogique et approche philosophique », in TREMBLAY, N. (dir.), Des pratiques philosophiques en communauté de Recherche en France et au Québec, Presse de l’Université de Laval (PUL), LAVAL, (CANADA), pp. 95-116.
  6. WASTIAU, P., KEARNEY, C. & VAN DER BREGHE, W. (2009), How digital games are used in schools? / Quels usages pour les jeux électroniques en classe ?, European Schoolnet, http://games.eun.org/upload/gis-synthesis_report_fr.pdf

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