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L'employeur est tenu de respecter ses obligations en matière de sécurité, y compris celles liées aux risques d'addictions. Pour ce faire, il doit assurer des actions de prévention, de formation, d'information, et établir une organisation et des moyens appropriés pour prévenir les accidents, par exemple, en instaurant des tests de dépistage.
Conseil de l'expert
Cyrille COTON, Consultant / Formateur en prévention des addictions - Dirigeant de
SAFE UP.
Cyrille Coton allie son expérience personnelle (addict rétabli) à son bagage universitaire.
Il est co-dirigeant de SAFE UP, entreprise spécialisée pour prévenir les pratiques addictives en milieu professionnel.
Fort de son vécu en entreprise en tant que collaborateur et manager, il propose une approche
complète pour gérer les addictions à la fois au niveau individuel et organisationnel.
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Pour commencer, qu'est-ce qu'une addiction ?
Cliniquement et scientifiquement parlant, l'addiction est une maladie chronique et cérébrale. Elle se définit par une compulsion irrépressible poussant la personne à persévérer dans un comportement, que ce soit la consommation d'une substance ou la pratique d'une activité, quelles que soient les conséquences négatives, tant pour la personne elle-même (impact sur la santé, la famille, le travail, les finances) que pour son environnement.
Quels sont les différents types d'addictions ?
Tous les comportements excessifs ou abusifs ne relèvent pas nécessairement de l'addiction. Il arrive que nous évoquions des pratiques addictives, c'est-à-dire des comportements risqués, soit de façon ponctuelle, soit de manière répétée. Ces comportements, s'ils deviennent plus fréquents, peuvent évoluer en troubles, devenant ainsi des habitudes automatisées, avec une moindre perception des dangers liés à une utilisation répétée, par exemple, le risque de dépendance. Cependant, il est essentiel de noter que dans le cas des pratiques addictives, le contrôle n'est pas nécessairement totalement perdu, contrairement à l'addiction.
Quels sont les différents types de "substances" consommées ?
Les substances les plus couramment consommées sont d'abord celles autorisées par la loi, telles que le tabac, l'alcool et les médicaments. Le marché des stupéfiants s'est diversifié rapidement, avec l'émergence de produits de synthèse tels que la 3-MMC, la kétamine, l'ecstasy, etc.
Il convient de noter que les consommations de cannabis et de cocaïne évoluent, et ce sont les drogues illicites les plus couramment utilisées. De plus, l'usage inapproprié de médicaments peut entraîner des problèmes, notamment l'automédication et le mésusage. Certains médicaments sont particulièrement addictifs et altèrent significativement nos réflexes et notre attention, provoquant par exemple la somnolence.
En parlant d'addiction, il est également nécessaire de mentionner les addictions comportementales, telles que l'addiction aux jeux de hasard et d'argent, aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, au travail, aux jeux numériques et vidéo, aux achats compulsifs, aux troubles de l'alimentation, entre autres. Bien que toutes ne soient pas reconnues cliniquement comme des addictions, cela ne signifie pas que des problèmes liés à l'usage excessif n'existent pas.
Quels sont les impacts sur la santé des travailleurs ?
En milieu professionnel, les pratiques addictives et les addictions ont un impact négatif sur la santé physique et mentale des travailleurs. L'utilisation de substances psychoactives affecte le cerveau, modifiant notre état de conscience et altérant nos sens, nos perceptions et nos réflexes. Lorsque nous exerçons des emplois à risque, tels que la conduite d'engins, le travail en hauteur, la manipulation de matières dangereuses ou le travail sur des machines, il est essentiel de conserver l'intégralité de nos capacités pour éviter les accidents, tant pour notre propre sécurité que celle des autres.
De plus, les addictions comportementales peuvent également entraîner des accidents physiques, par exemple, l'utilisation compulsive d'un smartphone en conduisant un véhicule. Enfin, les addictions, qu'elles impliquent des substances ou non, peuvent être à l'origine ou la conséquence de risques psychosociaux, pouvant mener les salariés à des situations d'épuisement professionnel (burn-out) ou à des conflits au travail, par exemple.
Quelle est la responsabilité de l'employeur vis à vis de ces risques d'addictions ?
L'employeur est tenu de respecter ses obligations en matière de sécurité, y compris celles liées aux risques d'addictions. L'article L4121-1 du Code du travail impose à l'employeur la responsabilité de garantir la sécurité physique et mentale de ses salariés en mettant en place des moyens renforcés. Pour ce faire, il doit assurer des actions de prévention, de formation, d'information, et établir une organisation et des moyens appropriés pour prévenir les accidents, par exemple, en instaurant des tests de dépistage.
Au même titre que l'ensemble des risques, le DUERP doit évaluer les facteurs risques pouvant mener à des pratiques addictives (travail solitaire, horaires atypiques, pénibilité, etc.). L'absence ou l'insuffisance du DUERP peut être prise en compte dans le cadre de poursuites judiciaires.
Il est également de la responsabilité de l'employeur de favoriser un changement culturel au sein de l'entreprise en décourageant les comportements favorisant la consommation d'alcool et de pratiques néfastes, comme l'envoi d'e-mails en dehors des heures de travail. En outre, il est impératif pour l'employeur de respecter le droit à la déconnexion, afin de prévenir les risques liés à la porosité entre la vie privée et la vie professionnelle, qui peuvent conduire à des addictions telles que le workaholisme ou la cyberdépendance.
Quelle est la responsabilité du salarié ?
Les employés sont tenus de respecter le règlement intérieur de l'entreprise, qui peut réglementer la consommation d'alcool et les pauses cigarettes. De même, l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication peut être encadrée par le règlement intérieur, notamment en ce qui concerne l'utilisation des smartphones et l'envoi d'e-mails, conformément au droit à la déconnexion.
Il est essentiel de rappeler que chaque salarié est tenu de se conformer à la législation en vigueur. En cas d'accident grave associé à la consommation de stupéfiants, la responsabilité du salarié est engagée. En ce qui concerne les médicaments prescrits par un professionnel de santé, le salarié doit respecter la posologie de la prescription et être en mesure de fournir une ordonnance à jour pour les médicaments de niveaux 1, 2, et 3 en cas de demande par la justice suite à un accident grave. Pour les médicaments de niveau 3, il est interdit de conduire ou de travailler sur un poste à risque sans l'avis du médecin du travail, et il appartient au salarié de prendre rendez-vous avec le médecin du travail, sans obligation d'informer l'entreprise en raison du secret médical.
Enfin, conformément à l'article L4122-1 du Code du travail, il incombe au salarié de prendre soin de sa santé et de sa sécurité, ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail, en fonction de sa formation et de ses capacités.
Pour aller plus loin :
- Seconde partie : " Comment déployer une campagne de prévention des addictions en entreprise ? "
- Pourquoi déployer une prévention des addictions en entreprise ?
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