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Guide sur la prévention des risques psychosociaux​

Clara Godin pour Inforisque

Mis à jour le

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Guide sur la prévention des risques psychosociaux

Les risques psychosociaux (RPS) affectent la santé mentale des travailleurs et leur prévention est une obligation pour l'employeur. Retrouvez dans cet article comment mettre en place la prévention des RPS à travers une analyse des situations de travail et des facteurs de risques.

Quelle est la définition des risques psychosociaux ?

Les risques psychosociaux (RPS) englobent l'ensemble des troubles psychologiques et affections mentales que peuvent subir les travailleurs dans le cadre de leur travail.

En effet, de nombreuses situations de travail peuvent avoir des effets néfastes sur l'état mental et psychologique des travailleurs. Le Ministère du travail distingue quatre types de RPS :

  • le stress, qui peut être provoqué par des objectifs surestimés, des attentes de performance de la part de la hiérarchie, des responsabilités importantes, etc. ;
  • les violences internes à l'entreprise : conflits importants, harcèlement moral ou sexuel, menaces professionnelles, etc. ;
  • les violences externes à l'entreprise commises sur des travailleurs, généralement par des clients ou dans le cadre d'un travail en contact avec le public ;
  • le syndrome d'épuisement professionnel, communément appelé “burn-out”, qui se caractérise par une longue période de stress conduisant à une incapacité mentale brutale de continuer son travail.

Notez-le: Selon l'Agence européenne pour la sécurité et la santé au Travail, le stress peut être chronique ou aigu et se définit comme « [...] un déséquilibre entre ce qui est exigé de la personne et les ressources dont elle dispose pour répondre à ces exigences. ».

Il est important de noter que les RPS sont très liés entre eux et peuvent facilement se nourrir les uns les autres, créant ainsi un cercle vicieux néfaste pour le travailleur, l'entreprise et l'ambiance de travail.

Quelles sont les conséquences des risques psychosociaux ?

D'une part, les RPS entraînent des conséquences importantes sur la santé mentale des travailleurs et peuvent notamment provoquer chez ces derniers des troubles psychiques, des dépressions, de l'anxiété, des troubles cardio-vasculaires, des troubles musculosquelettiques (TMS), voire favoriser des comportements suicidaires.

En outre, les RPS peuvent pousser les travailleurs à se renfermer et à s'isoler du reste de leurs collègues. En effet, la santé mentale représente souvent un sujet tabou et la pudeur peut amener les travailleurs à dissimuler certains troubles tels qu'un stress excessif ou des violences.

Focus: Bien qu'elles ne figurent sur aucun tableau des maladies professionnelles, les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme telles lorsqu'il est établi qu'elles sont causées par le travail de la victime et qu'elles entraînent son décès ou une incapacité permanente partielle (IPP) d'au moins 25% (Article L461-1 CSS).

D'autre part, les RPS entraînent des conséquences sur l'ensemble de l'entreprise et peuvent grandement affecter sa productivité et sa santé générale.

En effet, les RPS peuvent être à l'origine de nombreux incidents relationnels et provoquer une désorganisation des équipes et du travail.

Voici quelques exemples de conséquences des RPS sur l'entreprise :

  • absentéisme à répétition ;
  • tensions et conflits entre salariés ;
  • démotivation et baisse de productivité ;
  • augmentation des accidents du travail ;
  • etc.

Notez-le: Une étude de 2010 réalisée par l'Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) chiffre le coût social du stress au travail entre 1,9 et 3 milliards d'euros en France.

Quels sont les enjeux des risques psychosociaux ?

Selon une étude sur les conditions de travail et la santé au travail menée en 2016 par la Direction de l'Animation de la Recherche (DARES), 45% des salariés interrogés sont exposés à des contraintes d'intensité du travail et de pression temporelle et particulièrement chez les cadres.

Cette étude met également en lumière l'impact psychologique d'un manque d'autonomie et d'un travail répétitif chez les ouvriers.

Par ailleurs, il ressort de cette étude que les femmes sont plus exposées avec 61% d'entre elles qui déclarent subir au moins 3 facteurs de RPS contre 53% chez les hommes.

Enfin, 25% des salariés, soit un travailleur sur quatre, déclarent devoir cacher leurs émotions au travail et feindre la bonne humeur.

Comment mettre en place une démarche de prévention des risques psychosociaux (RPS) ?

L'employeur a l'obligation de protéger la santé mentale de ses salariés (Article L4121-1 C.Trav.).

Ainsi, il doit mettre en œuvre une démarche de prévention des RPS et notamment au regard des principes généraux de prévention des risques (Article L4121-2 C.Trav.).

Notez-le: En 2008, un accord national interprofessionnel a été signé pour augmenter la prise de conscience et la compréhension du stress au travail et pour concourir à la mise en place d'une prévention efficace.

Par ailleurs, en 2010, un accord national et interprofessionnel a été signé pour améliorer la sensaccord national et interprofessionnelibilisation, la compréhension et la prise de conscience des employeurs face au harcèlement et à la violence au travail.

Ces deux accords ont pour objectif de se conformer aux législations européennes.

La démarche de prévention des RPS s'effectue en deux temps. D'abord par l'analyse des situations de travail à travers l'évaluation des risques professionnels. Puis par la mise en place d'actions et de mesures organisationnelles.

Démarche de prévention des risques psychosociaux

Quand et pourquoi mettre en place une démarche de prévention des RPS ?

Chaque nouvelle situation de travail, telle qu'une création ou une modification de poste, doit amener l'employeur à mettre en place une démarche de prévention des RPS.

Dans le cas d'une situation de travail existante, la détection des RPS est plus délicate mais il existe plusieurs signes d'alerte qui doivent amener l'employeur à engager des actions.

D'une part, l'employeur doit prendre en compte les avis et alertes du médecin du travail, des services de prévention ou du comité social et économique (CSE).

En effet, le CSE dispose du droit d'alerte en cas d'atteinte au droit des personnes, à leur santé physique et mentale des salariés ou à leurs libertés individuelles (Article L2312-59 C.Trav.).

D'autre part, lorsque l'employeur a connaissance d'un danger grave et imminent, ce dernier doit y apporter une réponse et prendre les mesures nécessaires pour mettre ses salariés à l'abri du danger (Article L4131-1 C.Trav.).

Prenons l'exemple d'un vigile de boîte de nuit menacé de mort par des clients agressifs. L'employeur doit mettre son salarié à l'abri et prendre les mesures nécessaires pour prévenir de telles situations.

Enfin, en cas d'accident du travail liés à des RPS, l'employeur doit mener une enquête et prendre les mesures nécessaires pour qu'une telle situation ne se reproduise pas (Article L2312-5 C.Trav.).

Comment réaliser l'évaluation des risques psychosociaux (RPS) ?

L'évaluation des RPS constitue l'étape la plus importante pour identifier les facteurs de risques et définir les mesures de prévention adaptées pour une situation de travail.

En préparation de l'évaluation des risques, l'employeur doit dans un premier temps recueillir les informations à sa disposition qui pourront lui permettre de détecter les RPS dans son entreprise.

Tous les registres et informations relatives à l'embauche, aux démissions, à l'absentéisme, aux accidents et maladies professionnelles, aux avis des différents acteurs de l'entreprise sont des éléments essentiels pour l'évaluation des RPS.

L'analyse de ces données doit permettre à l'employeur d'établir un premier bilan et d'orienter l'évaluation des RPS en fonction de ces résultats.

Exemples :

  • registre du personnel pour analyser le “turn-over” à travers les types de contrat, les dates d'entrée et de sortie du personnel dans l'entreprise, etc. ;
  • document unique d'évaluation des risques (DUERP) pour analyser les risques auxquels sont exposés les travailleurs ;
  • registre spécifique à la durée du travail pour analyser l'organisation et les rythmes de travail ;
  • registre des dangers graves et imminents pour observer l'historique des dangers rencontrés ;
  • registre du CSE pour analyser ses demandes ;
  • etc.

Attention : L'évaluation des risques et des RPS doit être consignée dans le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) (Article L4121-3-1 C. trav.). Par ailleurs, le DUERP doit être mis à jour (Article R4121-2 C.Trav.) :

  • chaque année dans les entreprises d'au moins onze salariés ;
  • lorsque les conditions de travail sont modifiées ;
  • lorsque la présence ou l'apparition d'un risque est porté à la connaissance de l'employeur.

Dans un second temps, l'employeur doit analyser et évaluer les RPS auxquels sont exposés les travailleurs en fonction des différents facteurs de risques.

Cette analyse s'effectue d'une part, par l'observation des situations de travail réelles et d'autre part par des entretiens collectifs ou individuels.

Voici un exemple de grille pour l'évaluation des RPS. Cette grille peut être utilisée aussi bien dans le cadre d'entretiens avec les salariés que dans le cadre d'une observation de terrain.

Facteurs de risques psychosociaux

Questions

Évaluation / Observation

Exigence professionnelle

  • Les exigences de travail sont-elles adaptées aux moyens du travailleur ?
  • Les tâches à réaliser sont-elles soumises à des contraintes de rythmes ? (Cadence de machines, clientèle exigeante, etc.)
  • Les travailleurs doivent-ils faire preuve d'une vigilance particulière dans leur travail ?
  • Est-ce que les travailleurs doivent réaliser plusieurs tâches en même temps ?
  • Les instructions et tâches sont-elles cohérentes ?
  • Etc.

 

Évolution professionnelle et autonomie

  • Existe-t-il des possibilités d'évolution professionnelle pour les travailleurs ?
  • Les travailleurs peuvent-ils développer leurs compétences dans le cadre de formations ?
  • Les travailleurs ont-ils une autonomie pour la réalisation des tâches ? (Autonomie temporelle et d'exécution)
  • Etc.

 

Organisation du travail

  • La durée du travail est-elle supérieure à 45h par semaine (même occasionnellement) ?
  • Les travailleurs sont-ils exposés à des horaires atypiques ? (Travail de nuit, horaires alternants, etc.)
  • Est-il aisé pour les travailleurs de concilier vie professionnelle et vie personnelle ?
  • Etc.

 

Exigences émotionnelles

  • Les travailleurs sont-ils exposés à des tensions externes à l'entreprise ? (Clientèle, passants, etc.)
  • Les travailleurs cachent-ils leurs émotions au travail ?
  • Les travailleurs peuvent-ils donner leur avis ?
  • Etc.

 

Rapport social au sein de l'entreprise

  • Existe-t-il des tensions entre les travailleurs ?
  • Existe-t-il des cas de harcèlement moral ou sexuel dans l'entreprise ?
  • Existe-t-il des points de désaccord entre les travailleurs ou avec la hiérarchie ? (Organisation du travail, rémunération, inégalités, etc.)
  • Etc.

 

Insécurité de l'emploi

  • Les travailleurs craignent-ils de perdre leur emploi ? (Situation économique de l'entreprise défavorable, CDD à répétition, etc.)
  • Etc.

 

Considération du travail

  • Les travailleurs sont-ils fiers de leur travail ?
  • Les travailleurs sont-ils contraints de réaliser des tâches qu'ils désapprouvent ?
  • Les travailleurs ressentent-ils un manque de reconnaissance ?
  • Etc.

 

Documentation: Outil INRS pour faire le point sur les risques psychosociaux et Brochure de l'INRS pour évaluer les risques psychosociaux en entreprise.

Quelles sont les mesures de prévention des risques psychosociaux (RPS) ?

Une fois l'évaluation des RPS réalisée, l'employeur doit mettre en place un plan d'actions qui définit les mesures de prévention à mettre en place pour répondre aux problématiques observées.

Ce plan d'action doit notamment établir une hiérarchie des actions à mener et donner la priorité aux mesures de prévention les plus urgentes.

Pour l'élaboration de ce plan d'actions, il est important que l'employeur prenne en compte les avis et conseils de plusieurs acteurs de l'entreprise impliqués dans la santé et sécurité au travail (SST) :

  • le CSE peut susciter toute initiative en matière de SST (Article L2312-9 C.trav.) ;
  • les services de prévention et de santé au travail conseillent l'employeur, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin de prévenir les risques professionnels (Article L4622-2 C.Trav.) ;
  • le médecin du travail, et notamment en cas d'accident du travail, peut préconiser des mesures de prévention des risques professionnels (Article R4624-33 C.Trav.).

Ainsi, les actions de prévention des RPS agissent généralement sur l'organisation du travail et peuvent être faciles à mettre en place.

Exemples de mesures de prévention des RPS :

  • réduire les exigences chiffrées, simplifier autant que possible les postes de travail, etc. ;
  • offrir des possibilités d'évolution ou de développement de compétence à ses salariés ;
  • organiser des pauses, des roulements, aménager les horaires, adapter le rythme de travail à la vie personnelle des travailleurs, etc. ;
  • écouter et répondre aux demandes des travailleurs ;
  • résoudre les tensions entre les salariés par des médiations ;
  • prévoir des contrats de travail adaptés ;
  • valoriser le travail ;
  • sanctionner les faits de harcèlement ;
  • etc.

Focus: L'exposition à d'autres risques professionnels tels que l'exposition au bruit, aux postures pénibles ou à des rythmes de travail particuliers favorise la survenue de troubles psychologiques. Ainsi, la prévention des RPS repose également sur une prévention efficace des autres risques professionnels.

Enfin, une formation sur la sécurité et sur les risques liés au poste de travail doit être dispensée pour (Article L.4141-2 C. trav.) :

  • les travailleurs nouvellement embauchés ;
  • les travailleurs qui changent de poste de travail ;
  • les salariés temporaires ;
  • sur demande du médecin du travail, les travailleurs qui reprennent leur activité après un arrêt de travail d'au moins 21 jours.

Documentation: Brochure INRS sur le choix d'un consultant externe pour la prévention des risques psychosociaux et Brochure de l'INRS sur la prévention des risques psychosociaux.

Comment prévenir le harcèlement en entreprise ?

Le harcèlement en entreprise est un facteur de risques psychosociaux important et nécessite une prévention spécifique ainsi que le respect de certaines obligations réglementaires.

Notez-le: Le CSE et les services de prévention et de santé au travail aident et conseillent l'employeur sur la prévention du harcèlement et sur les mesures à mettre en place pour sa prévention (Article L4622-2 C.Trav. et Article L2312-9 C. trav.).

Voici un tableau qui récapitule les principales obligations réglementaires relatives au harcèlement moral et sexuel :

Définition

Obligations réglementaires

Harcèlement moral

Propos ou comportements répétés qui dégradent et portent atteinte aux droits et à la dignité et impactent les conditions de travail, la santé physique ou mentale ou compromettent l'avenir professionnel (Article L1152-1 C.Trav.)

  • Prendre les dispositions nécessaires pour prévenir les agissements de harcèlement moral (Article L1152-4 C. trav.) ;
  • Informer les salariés des dispositions pénales de l'Article 222-33-2 du Code pénal relatif au harcèlement moral ;
  • Proposer aux deux parties une procédure de médiation (Article L1152-6 C. trav.).

Harcèlement sexuel

  • Propos ou comportements répétés à connotation sexuelle ou sexiste ;
  • Propos ou comportements non répétés à connotation sexuelle ou sexiste venant de plusieurs personnes ;
  • Toutes actions exercées dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle.

Par ailleurs, les victimes ou témoins de faits de harcèlement moral ou sexuel sont protégés et ne peuvent subir ni sanctions ni licenciement (Article L1153-2 C.Trav.).

Attention : Les auteurs d'actes de harcèlement moral ou sexuel s'exposent à des sanctions disciplinaires (Article L1153-6 C.Trav.) ainsi qu'à des sanctions pénales pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende (Article 222-33 C.Pén. et Article 222-33-2 C.Pén.).

Quelle est la responsabilité de l'employeur ?

Comme pour tous les risques professionnels, la prévention des RPS est une obligation de l'employeur et tout défaut de prévention peut lui être reproché.

En pratique, la détection des troubles psychosociaux peut parfois être délicate. Il est ainsi nécessaire pour l'employeur d'être attentif à tous les signaux d'alerte ainsi qu'aux avis du CSE, des services de prévention, du médecin du travail et également aux avis et inquiétudes de ses salariés. Par ailleurs, il ne doit pas hésiter à faire appel à un consultant externe pour se faire accompagner.

La responsabilité civile de l'employeur peut être engagée lorsque celui-ci a commis une faute inexcusable. La faute inexcusable de l'employeur peut être reconnue :

☑️ ️par absence, insuffisance ou défaut des mesures de prévention des risques (Cass, crim,11 juin 2014, 13-85.601) ;

☑️ ️lorsque l'employeur n'a pas pris les mesures de prévention nécessaires par méconnaissance du danger (Cass, civ, 20 décembre 2018, 17-28.148).

Par ailleurs, la responsabilité pénale de l'employeur peut également être engagée sur le fondement du Code pénal et notamment pour :

☑️ ️la mise en danger d'autrui (Article 121-3 C. pén.) ;

☑️ ️le fait de causer des blessures sur autrui (Article 222-20 C.pén.) ;

☑️ ️le fait de causer la mort d'autrui (Article 221-6 C.pén.).

Attention : La faute inexcusable de l'employeur est reconnue de droit lorsqu'un accident du travail ou une maladie professionnelle (par exemple, un syndrome d'épuisement professionnel) surviennent alors que l'employeur avait été alerté du risque par le travailleur ou le CSE (Article L4131-4 C.Trav.).

Ce qu'il faut retenir

☝️ Les risques psychosociaux (RPS) regroupent le stress, les violences internes et externes à l'entreprise et le “burn-out” ;

☝️ 45% des salariés se disent exposés à des contraintes d'intensité de travail ;

☝️️ La démarche de prévention des RPS passe par une évaluation des risques méticuleuse et la mise en place de mesures organisationnelles adaptées ;

☝️ ️L'employeur doit prévenir et sanctionner le harcèlement moral et sexuel dans son entreprise.

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