Le recours au travail sur écran ne cesse d'augmenter et concerne de nombreux secteurs d'activité. Ce mode de travail comporte plusieurs risques et notamment ceux liés aux postures de travail. Dans ce guide complet, retrouvez la réglementation ainsi que la démarche de prévention des risques liés au travail sur écran.
Travail sur écran : définition, risques, enjeux
Définition du travail sur écran
Selon le Code du travail, le travail sur écran se rapporte à l'utilisation d'un écran (écran de visualisation, alphanumérique ou graphique) à un poste de travail, ce dernier se composant d'un écran, d'un clavier, d'un siège, d'une table ou d'une surface de travail ainsi que de l'environnement de travail immédiat (Article R4542-2 C.Trav.).
Par ailleurs, l'utilisation de ces équipements doit être habituelle et se dérouler pendant une partie non négligeable du temps de travail (Article R4542-1 C.Trav.).
Cette définition du travail sur écran permet de cibler précisément les postes visés par la réglementation et exclut ainsi certaines utilisations d'écrans telles que (Article R4542-1 C.Trav.) :
- les postes de conduite de véhicules ou d'engins (tracteur, camion, etc.) ;
- les systèmes informatiques à bord d'un moyen de transport (avion, train, etc.) ;
- les systèmes informatiques destinés à être utilisés en priorité par le public ;
- les systèmes portables lorsque l'utilisation est minimale ;
- les machines à calculer et caisses enregistreuses tel que les postes de caissiers.
Ainsi, le travail sur écran concerne classiquement les poste dit “de bureau” où le travailleur est assis devant son ordinateur quasi quotidiennement pendant la plus grande partie de sa journée de travail.
On retrouve l'utilisation des écrans dans des domaines d'activités tels que :
- l'administratif ;
- le technico-commercial ;
- la gestion de stock ;
- la finance ;
- le conseil ;
- le droit ;
- etc.
Risques liés au travail sur écran
Les risques liés au travail sur écran peuvent être divisés en trois catégories :
👀 Les troubles visuels
🦴 Les troubles musculo-squelettiques (TMS)
🧠 Les risques psychosociaux
D'un part, l'utilisation prolongée d'un écran d'ordinateur peut provoquer une fatigue visuelle. En effet, la sollicitation et l'adaptation constante des muscles des yeux provoquent chez les travailleurs une sensation de fatigue visuelle qui impacte directement leur vue.
D'autre part, la posture assise prolongée associée à l'utilisation des articulations du haut du corps peut être à l'origine de troubles musculo-squelettiques (TMS). En effet, l'utilisation prolongée d'un ordinateur oblige le cou, les bras et le dos à maintenir des postures contraignantes. Ce trouble constitue le risque principal du travail sur écran.
Notez-le : Selon les chiffres de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), en 2015, tous secteurs d'activité confondus, les TMS ont représenté plus de 87 % des maladies professionnelles ayant entraîné un arrêt de travail ou une réparation financière en raison de séquelles.
Enfin, l'utilisation d'un ordinateur impose parfois des tâches répétitives ainsi que le suivi de la performance des travailleurs et comprend en cela des risques cognitifs. En outre, on retrouve dans certains postes qui utilisent le travail sur écran un risque de stress parfois inhérent à l'activité (open space, centre téléphonique, finance, etc.).
Focus : La combinaison du stress et des postures contraignantes augmente le risque de développer un TMS.
Enjeux du travail sur écran
L'utilisation d'un ordinateur est aujourd'hui une normalité tant dans la vie privée que dans la vie professionnelle. Cette évolution est engagée depuis la fin des années 90 avec la popularisation des ordinateurs et leur arrivée progressive dans le monde professionnel et dans les foyers.
Notez-le : L'utilisation professionnelle des ordinateurs a évolué depuis le début des années 2000. Désormais, internet et les messageries représentent une part importante de l'utilisation des ordinateurs en plus de celle des logiciels.
Ainsi, selon une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), en 2013, 71 % des salariés utilisent un ordinateur dans le cadre de leur travail, toutes catégories confondues. Cette utilisation dure en moyenne 4,3 heures par j71 % des salariésour ce qui est loin d'être négligeable.
L'utilisation d'un ordinateur dans le cadre professionnel concerne davantage les emplois de cadre et les professions intellectuelles supérieures. En effet, 98 % des cadres utilisent un ordinateur contre seulement 34 % pour les ouvriers.
Enfin, la récente épidémie de Covid-19 a provoqué un recours au télétravail et a ainsi augmenté l'utilisation des ordinateurs par les travailleurs. Le télétravail favorise également la sédentarité et doit ainsi pousser les employeurs à redoubler d'efforts de prévention.
Documentation: Analyse de la DARES sur les usages professionnels des outils numériques.
Quelles sont les obligations réglementaires pour prévenir les risques liés au travail sur écran ?
Pour prévenir les risques liés au travail sur écran, l'employeur doit d'abord faire une analyse des conditions de travail et une évaluation des risques professionnels de tous les postes qui utilisent un ordinateur (Article R4542-3 C.Trav.).
Focus : La norme ISO 9241 fournit les lignes directrices pour une meilleure ergonomie de l'interaction entre l'homme et les ordinateurs utilisés dans le milieu professionnel.
La prévention des risques liés au travail sur écran agit principalement sur :
💻 L'équipement de travail
🧎 La posture
🏡 L'environnement de travail
🎓 La formation des travailleurs
🏥 Le suivi médical
Lors de l'évaluation des risques professionnels et de la conception ou la mise à jour du document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP), il est impératif de prendre en compte les facteurs individuels des travailleurs sur les postes concernés.
En effet, l'âge, le sexe, la taille ou les maladies chroniques sont des facteurs à prendre en compte pour établir des mesures de prévention adaptées à tous les travailleurs.
Quelles mesures de prévention mettre en place ?
Organisation du travail
L'employeur doit dans un premier temps agir sur l'organisation du travail. Il doit ainsi mettre en place des pauses ou des changements d'activité afin de permettre aux travailleurs d'interrompre périodiquement le travail sur écran (Article R4542-4 C.Trav.).
La mise en place de pauses obligatoires à des moments stratégiques de la journée permet d'assurer une interruption du travail sur écran et permet aussi d'améliorer la cohésion d'équipe.
Équipement de travail
Le choix de l'équipement de travail est un élément essentiel dans la prévention des risques du travail sur écran.
En effet, les risques du travail sur écran proviennent en partie de l'adaptation du travailleur à son équipement. Ainsi, un équipement ergonomique et mieux adapté permettra de soulager considérablement le travailleur.
Par ailleurs, les équipements du poste de bureau doivent répondre à une réglementation bien précise.
Notez-le : Il est également important de choisir les équipements de travail en fonction de la spécificité de l'environnement et des lieux de travail.
Premièrement, les logiciels utilisés par les travailleurs doivent obligatoirement (Article R4542-5 C.Trav.) :
- être adaptés à la tâche à exécuter ;
- être faciles d'utilisation et adaptés au niveau de connaissance et d'expérience de l'utilisateur ;
- fournir des indications d'utilisation aux travailleurs ;
- utiliser un affichage de l'information dans un format et à un rythme adapté aux opérateurs ;
- correspondre aux principes d'ergonomie du traitement de l'information par l'homme.
Deuxièmement, l'écran doit obligatoirement répondre à ces caractéristiques (Article R4542-6 C.Trav.) :
- les caractères affichés doivent être clairement lisibles, dans une bonne définition, d'une dimension suffisante et avec un espace adéquat entre les caractères et les lignes ;
- l'image doit être stable ;
- la luminosité et le contraste de l'écran doivent pouvoir être modifiés par le travailleur en fonction des conditions ambiantes (lumière trop faible ou trop forte) ;
- la position et l'orientation de l'écran doivent également pouvoir être facilement modifiées par le travailleur. Il peut être installé sur un pied séparé ou sur une table réglable ;
- l'écran doit être exempt de reflets et de réverbérations susceptibles de gêner l'utilisateur.
Troisièmement, le clavier doit obligatoirement répondre à ces caractéristiques (Article R4542-7 C.Trav.) :
- il doit être inclinable et dissocié de l'écran afin de permettre au travailleur une position confortable qui ne provoque pas de fatigue des avant-bras ou des mains ;
- l'espace du bureau devant le clavier doit être suffisant pour appuyer les mains et les avant-bras de l'utilisateur ;
- le clavier doit avoir une surface mate pour éviter les reflets ;
- la disposition du clavier et les caractéristiques des touches doivent faciliter son utilisation ;
- les symboles des touches doivent être parfaitement lisibles dans une position de travail normale.
Enfin, le siège doit obligatoirement pouvoir être adapté en hauteur et en inclinaison par le travailleur et un repose-pied doit être fourni lorsque le travailleur en fait la demande (Article R4542-9 C.Trav.).
Focus : Les obligations concernant le choix de l'écran, du clavier et du siège s'appliquent uniquement dans la mesure où les tâches à effectuer par le travailleur n'entrent pas en contradiction avec les dispositions du Code du travail (Article R4542-11 C.Trav.).
Documentation: Brochure INRS, Écrans de visualisation Santé et ergonomie.
L'environnement de travail
L'environnement de travail constitue un autre facteur de risque du travail sur écran. Par ailleurs, il agit parfois comme un amplificateur de risques, notamment pour les risques de TMS et les risques psychosociaux.
Ainsi, l'environnement de travail doit répondre à une réglementation précise afin de fournir des conditions de travail optimales aux travailleurs :
- le bureau doit être suffisamment grand pour que le travailleur organise son équipement (écran, clavier, documents, etc.) (Article R4542-8 C.Trav.) ;
- l'espace de travail doit être suffisamment grand pour que le travailleur puisse avoir une position confortable (Article R4542-8 C.Trav.) ;
- les dimensions et l'aménagement du poste de travail doivent offrir suffisamment de place pour que le travailleur puisse changer de position et se déplacer (Article R4542-10 C.Trav.) ;
- le support de documents doit être stable, réglable et positionné de façon ergonomique afin d'éviter les mouvements inconfortables de la tête, du dos et des yeux ;
- le taux d'humidité du local doit être constamment satisfaisant (entre 40 et 60 % d'humidité) (Article R4542-14 C.Trav.) ;
- l'ordinateur et les équipements de travail ne doivent pas surchauffer dans la mesure où cela pourrait gêner les travailleurs (Article R4542-12 C.Trav.) ;
- l'ordinateur et les équipements de travail ne doivent pas produire un bruit qui pourrait gêner ou affecter l'audition des travailleurs (Article R4542-15 C.Trav.) ;
- les radiations doivent être réduites à des niveaux négligeables (Article R4542-13 C.Trav.).
Focus : Il est recommandé d'effectuer la conception des lieux de travail à travers une démarche ergonomique globale mise en place dans l'entreprise.
Documentation: brochure INRS sur l'aménagement et la conception des bureau de travail.
Suivi médical
Le suivi médical permet de s'assurer que les travailleurs présentent des conditions physiques adéquates pour l'exécution de leur travail.
Ainsi, tous les travailleurs affectés à des postes de travail sur écran doivent avoir préalablement effectué une visite d'information et de prévention accompagnée d'un examen approprié des yeux et de la vue (Article R4542-17 C.trav.).
Si les résultats de l'examen révèlent un défaut oculaire du travailleur, ce dernier peut bénéficier d'un examen ophtalmologique complémentaire à la charge de l'employeur (Article R4624-36 C.Trav.).
Par ailleurs, l'employeur doit faire examiner par le médecin du travail tous les travailleurs qui se plaignent de troubles visuels (Article R4542-18 C.Trav.).
Formation
La formation au travail sur écran permet notamment aux travailleurs d'adopter une approche ergonomique de leur poste de travail.
Cette formation doit porter sur les modalités d'utilisation de l'écran, de l'ordinateur ainsi que des logiciels utilisés pour le poste de travail (Article R4542-16 C.Trav.).
Elle doit être effectuée avant la première prise de poste du travailleur et à chaque fois que l'organisation du poste subit une modification importante.
Les dispositions réglementaires ne précisent pas dans le détail le contenu de la formation. Néanmoins, afin de prévenir aux mieux les risques de TMS, il est recommandé de former les travailleurs sur l'approche optimale d'utilisation d'un ordinateur et notamment sur :
- la position des bras, du cou, du dos, des jambes ;
- l'agencement de l'équipement de travail (clavier, souris, écran) ;
- le réglage de la luminosité ;
- les changements de postures ;
- l'utilisation des ordinateurs portables ;
- etc.
Focus : Pour obtenir une posture de moindre inconfort, voici quelques recommandations :
- le haut de l'écran doit être au niveau des yeux ;
- le clavier est à une distance de 10 à 15 cm du bord du bureau ;
- l'angle du coude doit être supérieur à 90° ;
- les avant-bras doivent être proches du corps et les mains dans leurs prolongements ;
- les pieds sont reposés et à plat ;
- le dos doit être droit ou légèrement en arrière et soutenu par le dossier du siège ;
- etc.
Documentation: Brochure INRS, Mieux vivre avec son écran.
Quelle est la responsabilité de l'employeur ?
L'employeur a une obligation générale de sécurité envers ses salariés. Ainsi, si la santé ou la sécurité de ses salariés est mise en danger, il peut engager sa responsabilité civile et pénale.
Comme nous l'avons vu plus haut, dans le cas du travail sur écran, les travailleurs sont exposés aux risques de TMS. Les TMS sont des troubles reconnus comme des maladies professionnelles (Annexe II : Tableau n° 57 CSS).
Ainsi, lorsqu'un travailleur est victime d'un TMS qu'il estime dû à ses conditions de travail, la CPAM doit mener une enquête pour déterminer le caractère professionnel ou non de la maladie (Article R441-13 C.Trav.).
Si l'enquête révèle des manquements, la faute inexcusable de l'employeur peut être reconnue et ce dernier verra alors sa responsabilité civile engagée (Article L452-1 C.Trav.).
La faute inexcusable de l'employeur peut être reconnue :
☑️ par absence, insuffisance ou défaut des mesures de prévention des risques (Cour de cassation, 2e chambre civile, 22.09.2022, n° 20.23725) ;
☑️ lorsque l'employeur n'a pas pris les mesures de prévention nécessaires par méconnaissance du danger (Cour de cassation, 2e chambre civile, 8.10.2020, n° 18-25.021).
Par ailleurs, la responsabilité pénale de l'employeur peut également être engagée sur le fondement du Code pénal et notamment pour :
☑️ la mise en danger d'autrui (Article 121-3 C. pén.) ;
☑️ le fait de causer des blessures sur autrui (Article 222-20 C.pén.) ;
☑️ le fait de causer la mort d'autrui (Article 221-6 C.pén.).
Attention : Au-delà de la responsabilité de l'employeur, en cas d'infraction à l'obligation générale de santé et de sécurité et aux principes de prévention, l'inspection du travail peut mettre en demeure l'employeur (Article L4721-1 C.Trav.).
Ce qu'il faut retenir
☝️Le travail sur écran concerne classiquement les travaux dits “de bureau” ;
☝️Il expose particulièrement les travailleurs à des risques de TMS ;
☝️ La prévention du travail sur écran agit particulièrement sur l'équipement de travail, l'environnement de travail et la formation des travailleurs ;
☝️ Les TMS sont reconnus comme des maladies professionnelles.