Pourquoi les règles ne suffisent pas en prévention ?

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Quand la routine devient un danger

Qui n’a jamais vu un collègue ignorer une règle de sécurité, tout en sachant qu’elle est essentielle ? C’est un paradoxe courant en entreprise : les accidents ne surviennent pas nécessairement par ignorance, mais bien souvent par excès de routine. Et cela ne concerne pas seulement les jeunes ou les intérimaires. Les collaborateurs expérimentés, pourtant bien informés, sont aussi concernés. Pourquoi ? Parce qu’ils ne voient plus le risque. Il est devenu invisible à force d’habitude. À force de répétition, les gestes deviennent automatiques, les risques deviennent invisibles, les règles deviennent des habitudes qu’on contourne sans même s’en rendre compte. Ce phénomène est profondément ancré dans le fonctionnement de notre cerveau. Il ne s’agit pas d’un manque de formation, mais d’un effet bien connu de la psychologie cognitive.

Pourquoi les règles ne suffisent plus : le poids des biais cognitifs ?

Notre cerveau, dans un souci d’efficacité, utilise des raccourcis mentaux appelés biais cognitifs. Ces mécanismes automatiques nous permettent de prendre des décisions rapides, mais parfois au détriment de la sécurité.

En prévention, quatre biais sont particulièrement notoires :

  • Le biais de normalisation du risque : un comportement dangereux devient acceptable parce qu’il n’a jamais eu de conséquences visibles. Exemple : "Je téléphone au volant depuis des années, je n’ai jamais eu d’accident, donc ce n’est pas dangereux."
  • Le biais de conformité sociale : on calque notre comportement sur celui du groupe. « Si personne ne porte de casque autour de moi, je ne le porte pas non plus. ».
  • Le biais de disponibilité : si je n’ai pas été témoin d’un danger récemment, je le crois improbable. "Un incendie ici ? Je n’en ai jamais vu."
  • Le biais de confirmation : on filtre les informations pour qu’elles confirment nos croyances. "Je manipule ce produit sans gants depuis longtemps, je n’ai jamais été brûle, il n’est donc pas dangereux."

Ces biais ne sont ni des défauts moraux ni des preuves d’incompétence. Ce sont des réflexes naturels. Mais ils rendent les règles seules inefficaces. Il ne suffit pas de dire "faites attention" pour que l’attention soit réelle.

Comment hacker notre cerveau et sortir du mode « pilote automatique » ?

Face à ces automatismes mentaux, la solution n’est pas de recouvrir vos murs d’affiches et de consignes. Il faut créer des interruptions volontaires du mode pilote automatique. Des moments où l’on réfléchit, où l’on discute, où l’on se remet en question.

Des outils simples peuvent avoir un grand impact :

  • Les “15 minutes sécurité” permettent de discuter en équipe d’un sujet de prévention, d’un incident récent, ou d’un comportement observé. C’est un espace pour remettre la sécurité au centre, collectivement.
  • Les checklists de vérification obligent à reconsidérer chaque étape avant d’agir. Elles aident à rendre visible ce que le cerveau commence à ignorer.
  • Les retours d’expérience (REX) « participatifs » confrontent les représentations aux faits réels. En partageant ce qui a failli mal tourner ou ce qui s’est bien passé, on restaure une conscience active du risque.
  • Les mises en situation, en passant par le jeu, permettent de (re)vivre une situation à risque, de la ressentir émotionnellement, et donc de mieux s’en souvenir. Cela permet de "secouer" les certitudes.

Quels résultats ?

Les données confirment ce que l’on observe sur le terrain. Selon le British Safety Council (2022), les formations dites "actives" – où les participants expérimentent, interagissent, s’impliquent – permettent une adoption des comportements sûrs 2,5 fois plus élevée que les formations classiques. On passe de 20 % de changement durable à plus de 50 %.

Conclusion : construire une culture de la sécurité, ensemble

La prévention n’est pas un combat contre l’ignorance. C’est un travail collectif contre l’habitude. Pour embarquer durablement les collaborateurs, il faut cesser de raisonner en termes de règles à faire respecter, et commencer à penser en termes d’expériences à faire vivre.

Car on ne change pas un comportement avec une affiche. On le change avec une situation vécue, une émotion ressentie, une conversation entre collègues. Ce que le cerveau n’analyse plus, il faut lui redonner à voir, à entendre, à ressentir. Et surtout, à partager.

Le cerveau aime ce qui l’implique. Donnons-lui des raisons d’adhérer. Faisons de la prévention une dynamique vivante, concrète, et surtout collective.

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