Les douleurs lombaires, ou lombalgies, touchent une majorité de la population active. Selon l’INRS, plus de deux salariés sur trois en âge de travailler ont déjà souffert de lombalgies, et une lombalgie sur cinq entraîne un arrêt de travail. Ces douleurs sont souvent liées à une mauvaise posture, un manque de renforcement musculaire et une répartition inégale des contraintes corporelles.
Pourtant, un élément fondamental est souvent négligé : les jambes.
Comprendre le rôle des jambes, mais aussi du tronc, des muscles profonds et de la posture, est essentiel pour prévenir les douleurs et améliorer la qualité de vie, que ce soit dans le sport ou au travail.
La biomécanique des jambes et du dos
Les jambes jouent un rôle crucial dans la stabilité de la colonne vertébrale. Elles agissent comme des amortisseurs et des stabilisateurs, répartissant les forces exercées sur le corps.
Une étude de l’INRS souligne que la compression des disques intervertébraux, un facteur clé dans les douleurs lombaires, peut être réduite par une posture adéquate et un renforcement musculaire approprié.
Lorsque nous marchons, courons ou portons des charges, la force générée par les jambes doit être transmise efficacement vers le tronc et la colonne. Si cette transmission est inefficace, les lombaires subissent un excès de contraintes, favorisant douleurs et blessures.
Les appuis au sol : la base de la posture et le rôle du bassin
Les recherches récentes confirment que nos appuis plantaires constituent un pilier fondamental du contrôle postural. Jean-Philippe Viseu, podologue et docteur en sciences du sport, l’a notamment montré dans sa thèse (Université Paris-Saclay, 2023) : la qualité des appuis au sol influence directement l’équilibre et la stabilité, jusque dans la performance sportive de haut niveau. Premier point de contact avec le sol, le pied conditionne l’alignement de toute la chaîne articulaire : chevilles, genoux, bassin, colonne vertébrale et oriente ainsi l’efficacité de nos mouvements
Un mauvais appui (pied trop pronateur, perte de mobilité des orteils, rigidité de la cheville) entraîne des compensations ascendantes. Le bassin, qui joue un rôle de charnière entre le bas et le haut du corps, est alors déséquilibré. Or, c’est lui qui transmet la force générée par les jambes vers le tronc, puis les membres supérieurs.
En résumé :
- Le pied initie et ancre.
- Le bassin transmet et équilibre.
- Le tronc profond stabilise et protège la colonne.
Les conséquences d’un déficit
Lorsque les jambes manquent de force ou de mobilité :
- La transmission de la force du bas vers le haut est inefficace → les bras et le dos compensent, ce qui entraîne des surcharges lombaires et un risque accru de douleurs.
- Le tronc profond (transverse et multifides) ne peut pas stabiliser correctement la colonne → fatigue et tensions accrues.
- Les mouvements deviennent moins puissants et moins efficaces, que ce soit pour soulever un objet, pagayer, courir ou rester longtemps assis.
De la même manière, des appuis plantaires déficients désorganisent toute la chaîne posturale et limitent l’efficacité des jambes, même si elles sont renforcées.
La ceinture interne et la transmission de force
Les jambes ne travaillent pas seules pour protéger la colonne. Elles transmettent la force au tronc grâce à la ceinture interne, composée principalement du muscle transverse de l’abdomen et des muscles paravertébraux.
- Transverse de l’abdomen : agit comme un corset naturel, stabilisant le tronc et répartissant les charges provenant des jambes vers la colonne.
- Muscles paravertébraux : longent la colonne et contrôlent le mouvement segmentaire des vertèbres, permettant une transmission efficace et sécurisée des forces générées par les jambes.
Cette synergie jambes / ceinture interne est essentielle pour prévenir les lombalgies. Sans un tronc stable, même des jambes puissantes ne suffisent pas à protéger la colonne.
C’est pourquoi les programmes de prévention recommandés par l’INRS et l’INSEP combinent travail des jambes et renforcement profond du tronc, pour une protection optimale du dos.
L’haltérophilie : un atout pour la prévention des blessures
Dans les années 2000, à l’INSEP, Yann Morisseau, préparateur physique historique de Teddy Riner, a contribué à faire de l’haltérophilie une composante essentielle de la préparation physique dans de nombreux sports de haut niveau.
Initialement réservée aux disciplines de force, elle s’est rapidement imposée comme un outil efficace de prévention des blessures et de renforcement global.
Cette approche a été une véritable révolution : elle a montré qu’il fallait travailler sur la mobilité de tout le corps, la force globale et la capacité à dompter l’apesanteur.
À cette époque, j’étais moi-même présent à l’INSEP et j’ai pu assister directement à cette transformation des méthodes d’entraînement. J’ai vu Yann Morisseau travailler et introduire ces principes qui allaient marquer durablement la préparation physique.
Très vite, ce principe est devenu une évidence dans la préparation physique : aucune discipline ne peut ignorer l’importance de la force des jambes et du gainage profond pour optimiser la transmission de la force et protéger la colonne vertébrale, en particulier au niveau lombaire.
Aujourd’hui, pour les personnes les plus motivées et ayant terminé tout processus de rééducation, l’haltérophilie apparaît comme la discipline sportive idéale pour en finir avec les douleurs lombaires chroniques et récurrentes. Elle permet non seulement de renforcer les muscles profonds du tronc, mais aussi d’améliorer la posture, la mobilité articulaire et la capacité à gérer les contraintes de la vie quotidienne. (FFHM)
L’INSEP intègre désormais l’haltérophilie dans ses programmes de formation, soulignant son efficacité dans la prévention des blessures et la longévité sportive.
Marcher ne suffit pas : vos jambes ont besoin de plus
Dans mon expérience au cabinet, je rencontre souvent des patients qui marchent plus de 10 000 pas par jour et pensent que cela suffit pour entretenir leurs jambes.
Or, si la marche développe surtout l’endurance, le cardio et la capacité pulmonaire, elle reste insuffisante pour maintenir la mobilité et la force articulaires.
Sans compléments ciblés : fentes avant, fentes arrière, fentes bulgares, propulsions unipodales sur marche ; le risque est de perdre en amplitude articulaire à cause de raideurs musculaires (exemple de séance type complémentaire plus bas ).
Chaque muscle a besoin d’être sollicité pour travailler sur son adaptabilité et rester performant. La simple marche ne couvre pas cette exigence.
Exercices pour optimiser la force, la mobilité et la transmission
Renforcement des jambes
- Squats complets : quadriceps, fessiers et ischio-jambiers, tout en mobilisant les hanches.
- Fentes avant et latérales : équilibre, coordination et mobilité des hanches.
- Pont fessier : active les fessiers et le transverse.
- Étirements des ischio-jambiers et fléchisseurs de hanche : meilleure amplitude.
- Gainage profond (planche, hollow hold) : engage le transverse et stabilise la colonne.
Appuis plantaires et transmission bassin–haut du corps
- Marche pieds nus sur différents supports (sable, herbe, tapis de proprioception).
- Montée sur pointes et contrôle de la descente : stabilité de la cheville et force du mollet.
- Mobilité des orteils : écartement, flexion, ramasser un objet avec les orteils.
- Équilibre unipodal (pied nu) : proprioception + gainage profond.
- Marche orteils : glisser le pied par traction des orteils sur le sol. Amplitudes très petites mais efficaces pour la voûte plantaire et la mobilité.
Conseil pratique : lors d’un effort intense (soulever un objet, pousser, tracter), pensez à expirer en contractant le transverse. Vos jambes génèrent la force, vos pieds l’ancrent, votre bassin la transmet, et votre dos reste protégé.
Mise en garde : ces exercices doivent idéalement être réalisés avec l’accompagnement d’un kinésithérapeute ou d’un coach sportif qualifié pour garantir une technique correcte et éviter les blessures.
Exemple de séance type complémentaire (à faire après marche, footing ou vélo)
- 10 squats (maximum d’amplitude, sans douleur, sans flexion du tronc).
- 10 fentes avant, 10 fentes arrière, 10 fentes bulgares.
- 10 montées sur pointes de pied (3 temps montée, 3 temps descente).
- 3 × 30 secondes équilibre unipodal yeux fermés.
- Marche orteils sur 10 m (le plus d’amplitude possible).
Remarque : Cette séance n’est qu’un exemple de routine. D’autres pratiques actives comme le yoga vinyasa, le Pilates dynamique ou encore certaines routines de mobilité fonctionnelle peuvent tout à fait remplir le même rôle. L’essentiel est de solliciter vos jambes et vos articulations dans toute leur amplitude, avec régularité et progressivité.
Conclusion : vos jambes, un investissement santé… et sécurité au travail
Protéger son dos et améliorer sa performance ne dépend pas d’un seul facteur, mais d’une synergie :
- la force et la mobilité des jambes,
- la qualité des appuis plantaires,
- le rôle central du bassin dans la transmission,
- l’activation du tronc profond.
Cette chaîne complète, du sol jusqu’au haut du corps, est la clé pour générer de la puissance, éviter les surcharges et protéger durablement la colonne vertébrale.
Ces principes, confirmés dans le sport de haut niveau et validés par la recherche scientifique, concernent chacun : travailleurs manuels, télétravailleurs, sportifs ou simples citoyens. Mais pour qu’ils deviennent de véritables réflexes au quotidien, la formation et la sensibilisation sont indispensables.
Encore faut-il choisir les bons intervenants. Les formations gestes et postures sont réellement efficaces lorsqu’elles sont animées par des professionnels de santé – kinésithérapeutes, spécialistes de la prévention santé – qui savent adapter les conseils aux réalités du terrain et aux contraintes propres à chaque métier.
C’est l’engagement de Cinésis Solutions Prévention Santé : proposer des formations pratiques, fondées sur la biomécanique, la science du mouvement et l’expérience clinique, afin que chaque salarié – qu’il soit sur un chantier, derrière un bureau ou en mouvement permanent – puisse préserver son dos et améliorer sa qualité de vie au travail.
En choisissant de former vos équipes avec des professionnels de santé, vous réduisez les risques de lombalgies, limitez les arrêts de travail et inscrivez votre entreprise dans une vraie démarche de prévention durable.
Pour en savoir plus et découvrir nos programmes de formation, retrouvez Cinésis Solutions Prévention Santé sur Inforisque.
Auteur : Johann Divaret, Cinésis.