Chaque année, le passage à l’heure d’hiver marque la fin des longues journées lumineuses… et le retour des matinées glacées.
Un double changement que le corps, comme les rythmes de travail, encaisse souvent mal.
Entre fatigue accrue, baisse de vigilance, froid mordant et luminosité réduite, les accidents du travail, de trajet et de la vie courante connaissent une hausse significative entre novembre et janvier.
Et si cette période de transition n’était pas qu’une histoire d’horloge, mais une véritable question de prévention ?
Quand le corps n’est pas encore passé à l’heure d’hiver, le changement d’heure n’a rien d’anodin : il modifie nos repères internes (sommeil, digestion, vigilance, température corporelle).
Selon l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance (INSV), il faut 3 à 7 jours pour que notre horloge biologique s’ajuste complètement.
Durant ce laps de temps, la vigilance baisse, la concentration est altérée, et les réflexes sont ralentis.
Une étude publiée dans Sleep Medicine a même observé une augmentation de 5 à 10 % des accidents du travail dans les jours suivant le changement d’heure.
Pourquoi ?
Parce que le manque de lumière perturbe la production de mélatonine, l’hormone du sommeil.
Résultat : on se sent plus fatigué le matin, moins attentif en fin de journée — exactement quand la visibilité baisse et que les conditions de travail se dégradent.
Le froid, facteur aggravant dans tous les métiers
Le froid ne touche pas que les ouvriers du BTP.
Les agents d’entretien, soignants à domicile, personnels logistiques, chauffeurs, agriculteurs, éboueurs, techniciens de maintenance ou encore agents communaux sont eux aussi exposés à des conditions climatiques parfois extrêmes.
Le corps, pour maintenir sa température, détourne le sang vers les organes vitaux : les muscles et les extrémités se refroidissent, la souplesse et la réactivité diminuent.
Résultat : les gestes deviennent plus raides, la prise d’objet moins précise, et la fatigue musculaire plus rapide.
D’après la DREETS, le froid peut :
- augmenter de 20 % les risques de chutes sur le lieu de travail
- réduire la force de préhension
- aggraver les troubles musculosquelettiques (TMS) liés aux postures statiques.
Une simple manutention, une marche sur une surface humide, une sortie du véhicule… et l’accident arrive.
Le boom du vélo-travail : quand la prévention commence sur le trajet
Ces dernières années, le trajet domicile-travail à vélo a explosé.
Selon l’Observatoire du Vélo et des Mobilités Actives, plus de 1,2 million de Français utilisent régulièrement leur vélo pour aller travailler (chiffres 2024).
Mais avec l’heure d’hiver, la visibilité chute de 30 % en moyenne sur les trajets du matin et du soir.
Et les chiffres sont parlants :
- L’ONISR rapporte une hausse de +28 % des accidents de cyclistes dans le mois qui suit le passage à l’heure d’hiver.
- 60 % des collisions impliquant un cycliste se produisent entre 17h et 21h en période hivernale.
- En 2023, 245 cyclistes ont perdu la vie sur les routes françaises, une hausse de 13 % par rapport à 2019.
Les raisons principales :
- éclairage individuel insuffisant
- vêtements sombres
- fatigue visuelle et manque d’attention des automobilistes
- conditions météo (brouillard, pluie, chaussée glissante).
Les bons réflexes :
- porter un gilet ou un brassard réfléchissant (obligatoire de nuit) ;
- vérifier son éclairage avant/après chaque trajet ;
- ralentir dans les zones mal éclairées ;
- éviter d’écouter de la musique ou de téléphoner.
Et côté employeurs : pourquoi ne pas intégrer un “kit sécurité vélo-hiver” dans la politique de mobilité (lampes LED, bandes réfléchissantes, gants thermiques) ?
Chez Cinésis, nous abordons aussi cette réalité dans nos formations hybrides, nous avons pu dernièrement au-delà de la prévention des risques physiques mettre un atelier d’analyse posturale personnalisée pour aider les salariés à ajuster leur position et le réglage de leur vélo, afin d’éviter douleurs et sur-sollicitations.
Parce que la prévention commence parfois bien avant le poste de travail.
Tertiaire, logistique, industrie : le risque d’inactivité aussi
Dans les bureaux chauffés, la menace semble moins visible… mais elle existe.
Le froid, la fatigue saisonnière et le manque de lumière naturelle entraînent une baisse d’énergie et de mouvement.
Résultat : la sédentarité hivernale s’installe, favorisant douleurs dorsales, raideurs cervicales, et troubles circulatoires.
Une enquête menée par Santé Publique France indique que 64 % des actifs passent plus de 7 heures par jour assis en hiver, contre 53 % l’été.
Les effets combinés du manque de lumière et de mouvement entraînent aussi une chute du moral et de la motivation.
Un cercle vicieux : plus on est fatigué, moins on bouge… et moins on bouge, plus le corps se fatigue.
Quelques chiffres qui parlent
Après le passage à l’heure d’hiver, les accidents de trajet augmentent de +17 % la première semaine (source : Assurance Prévention, 2023).
En France, 564 000 accidents du travail ont été recensés en 2022, dont 738 mortels (Assurance Maladie – Risques Professionnels).
L’indice de fréquence des accidents du travail avec arrêt s’élève à 33,8 pour 1 000 salariés.
Entre octobre et janvier, 42 % des décès de piétons surviennent dans la pénombre (ONISR).
Le froid et la fatigue saisonnière augmentent la probabilité d’accident musculaire de 30 % selon l’INRS.
6 gestes simples pour passer l’hiver en sécurité
- S’échauffer 5 à 10 minutes avant de démarrer sa journée : rotation des poignets, mobilisation du dos et des épaules, marche active (exemple réveil musculaire Cinésis)
- Superposer plusieurs couches fines plutôt qu’un vêtement épais : meilleure isolation et plus de mobilité.
- Rester hydraté : le froid masque la sensation de soif, mais le corps continue de perdre de l’eau.
- Bouger régulièrement : sur chantier, au bureau ou en conduite, évitez la posture figée de plus de 45 minutes.
- Améliorer la visibilité : lampes, gilets réfléchissants, éclairage des zones extérieures, pauses visuelles pour limiter la fatigue oculaire.
- Soigner le sommeil : coucher régulier, exposition à la lumière naturelle dès le matin, éviter les écrans la nuit.

En entreprise : penser prévention “globale et saisonnière”
Chaque automne, il est utile de programmer une “semaine de vigilance hiver” dans les plans de prévention :
- Sensibilisation aux risques liés à la lumière et à la fatigue ;
- Contrôle du matériel d’éclairage ;
- Adaptation des horaires d’intervention ;
- Communication autour des trajets domicile-travail (notamment à vélo ou en trottinette).
Les entreprises de tous secteurs gagnent à intégrer le cycle saisonnier dans leur culture sécurité.
L’humain, lui, reste calé sur la lumière du jour, pas sur l’horloge officielle.
Chez Cinésis nous accompagnons les structures dans cette démarche, avec des formations qui mêlent prévention, pédagogie et intervention de professionnels de santé.
Replacer le corps au centre de la sécurité au travail, toute l’année.
En conclusion
Le passage à l’heure d’hiver, ce n’est pas juste “une heure de sommeil en plus” : c’est un moment où nos repères physiologiques, nos rythmes de travail et nos trajets changent.
Qu’on soit ouvrier du BTP, soignant, livreur, technicien, cycliste du matin, ou salarié de bureau, le trio froid, fatigue, faible luminosité constitue un risque bien réel pour la santé et la sécurité.
La prévention, ici, c’est d’abord de préparer le corps et l’environnement à ce nouveau rythme : éclairer, bouger, s’adapter, anticiper ; parce qu’en hiver, le soleil se couche plus tôt, mais la vigilance, elle, ne doit jamais s’endormir !
Auteur : Johann Divaret, Cinesis.