La Commission européenne remet en cause l'évaluation des risques

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La Commission européenne a adopté le 22 octobre un Plan d’action destiné à réduire les obligations d’information des entreprises. Ce plan, qui fait partie de la campagne "Meilleure Réglementation", couvre treize domaines différents. Il promet une réduction des coûts pour les entreprises de l’ordre de 40 milliards d’euros par an.

Des directives communautaires sur la santé et la sécurité au travail (SST) sont concernées par le plan. Pour la directive-cadre de 1989, la Commission envisage une série de propositions : exempter certaines petites entreprises de l’obligation d’établir une évaluation des risques, réduire le nombre d'inspections sur les lieux de travail, inciter les Etats membres à limiter la transposition des directives SST aux obligations minimales qui y sont définies. Les réductions de coûts promises par la Commission s’élèveraient à environ 650 millions d’euros par an en ce qui concerne la santé et la sécurité.

Les organisations syndicales sont fortement opposées à ce plan. Sous prétexte de réduire les formalités administratives, la Commission remet en cause de nombreuses obligations des employeurs de recueillir, traiter et transmettre des informations. De cette manière, elle porte atteinte aux droits des travailleurs, des consommateurs et à la possibilité pour les Etats membres de faire respecter les lois.

Supprimer l’évaluation des risques dans les petites entreprises créerait un système à deux vitesses où les travailleurs des petites entreprises cesseraient de bénéficier d'une approche préventive. Cette proposition est totalement illogique. Ce sont probablement les petites entreprises qui ont le plus grand besoin d'une évaluation des risques dans la mesure où elles sont peu habituées à une approche systématique et préventive des risques du travail.

Le plan repose sur des calculs concernant les coûts administratifs et les réductions qu’entraîneraient certaines propositions qui ont été effectués par un consortium de consultants privés. Ce consortium a réuni des données éparses en organisant des interviews dans quelques Etats communautaires. Ces données ont été ensuite extrapolées à l’ensemble des pays communautaires sur la base d’hypothèses fragiles et souvent inexactes. La Commission n'a pas respecté une règle démocratique élémentaire. Il aurait fallu rendre publiques les analyses du consortium des consultants privés avant d'engager le débat politique. Des calculs très approximatifs sont considérés comme des données sûres alors qu'ils n'ont jamais été soumis à un examen critique. Les documents du consortium révèlent leur ignorance des situations nationales. Au lieu d'un travail statistique sérieux, ils manient les chiffres comme des matériaux de propagande. Le seul objectif est de montrer que la santé au travail est une charge administrative qui coûterait beaucoup trop cher.

L’opération s’est, jusqu’à présent, déroulée en trois étapes. La DG entreprises a encadré l’activité du consortium. Elle a également été la structure d’appui du groupe Stoiber qui a repris la plupart des propositions du consortium tout en adoptant une approche encore plus hostile aux droits des travailleurs sur la question de l’évaluation des risques. D’après Laurent Vogel, directeur du département Santé et Sécurité de l’ETUI : "On a assisté à quelque chose qui ressemble énormément à un spectacle de ventriloquie. Pour imposer son point de vue aux autres secteurs de la Commission, la DG entreprises s’est servie de la voix du consortium de consultants privés. Ensuite, elle a poussé le groupe Stoiber à reprendre en écho l’essentiel des propositions. Elle vient de marquer un coup en imposant ses vues dans un document qui engage toute la Commission et qui constitue une sorte de testament de la Commission Barroso I adressé à la Commission Barroso II."

Le groupe Stoiber reçoit en récompense un engagement de M. Barroso de le transformer en un organe permanent de la bureaucratie communautaire. Le consortium a été payé 17 millions d’euros. Un mauvais départ s’il s’agit de réduire les coûts administratifs.

Source : ETUI-HESA

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