ActuEL-HSE.fr : En quoi un inspecteur du travail joue-t-il un rôle dans la prévention des TMS ?
Lionel Groléas : Notre métier a été créé pour défendre le droit et la santé des salariés dans l'entreprise. Notre mission est de faire appliquer le droit du travail dont font partie intégrante les principes généraux de prévention. Et contrairement aux idées reçues, l'inspecteur du travail ne joue pas qu'un rôle de contrôle mais aussi de détection, d'explication, de remise dans son contexte. Donc de prévention. Bien sûr il faut garder à l'esprit que nous ne sommes pas pour autant des préventeurs. Nous ne pouvons pas prescrire de solutions.
ActuEL-HSE.fr : Comment décidez-vous des entreprises que vous allez visiter pour les TMS ?
Lionel Groléas : Il y a autant de manière d'inspecter que d'inspecteurs. Généralement, nous sommes mis en alerte soit par des chiffres d'accidents et de maladies du travail anormalement élevés, soit par l'intermédiaire d'une réunion du CHCST (en direct ou à la lecture du compte-rendu). Enfin, nous pouvons être alertés directement par un salarié ou, lors d'une visite aléatoire, nous en rendre compte nous-mêmes.
ActuEL-HSE.fr : Comment se passe concrètement une inspection de ce type, comment êtes-vous accueilli ?
Lionel Groléas : Que ce soit sur la thématique des TMS ou pour d'autres sujets, je visite généralement l'entreprise avec l'employeur et/ou le chargé de sécurité. Quand je constate des difficultés ou des défaillances, je les mets en regard du document unique pour savoir si l'évaluation a été faite et comment est abordée la prévention. Cela permet d'amener un dialogue contradictoire avec l'entreprise et éventuellement de faire prendre conscience à l'employeur des risques qu'il fait encourir à ses salariés (et par voie de conséquence à lui-même). La verbalisation n'est pas le but premier de notre visite mais si l'entreprise est vraiment très rétive nous adoptons des réponses graduées.
ActuEL-HSE.fr : Le gouvernement a lancé récemment le 3eme volet de sa campagne de sensibilisation aux TMS. Sur le terrain, les mentalités évoluent-elles ?
Lionel Groléas : Les mentalités et la connaissance des TMS évoluent bien sûr. Mais lentement. Une majorité d'employeurs découvrent encore les TMS. Et il est fort à parier que la prévalence des TMS est sous-évaluée. Beaucoup de syndromes restent cachés. La campagne gouvernementale a l'avantage de lancer le mouvement pour des débats et des actions de prévention. De plus en plus, le raccourci "TMS = gestes et postures" tend à s'effacer pour laisser place à l'idée de causes multifactorielles. C'est à partir de là qu'on va vraiment pouvoir avancer et que l'inspecteur du travail prend toute sa place.
ActuEL-HSE.fr : Pour quelles raisons ?
Lionel Groléas : Tout simplement parce que nous sommes des généralistes et que nous sommes donc aptes à appréhender le contexte global du travail dans l'entreprise. En arrêtant de limiter les TMS à une problématique de manutention manuelle, on va pouvoir s'attaquer au fond des choses. Il m'arrive souvent d'expliquer aux employeurs qu'en s'attaquant au sujet des TMS il vont traiter plein d'autres risques et ils vont devoir réfléchir à toute l'organisation du travail.
ActuEL-HSE.fr : Vous êtes formateur pour d'autres inspecteurs en matière de prévention de TMS, vos collègues sont-ils tous aussi enthousiastes ?
Lionel Groléas : Nombre de mes collègues sont réticents à se former sur ces sujets parce qu'ils craignent que cela ne soit trop technique. Mais les formations n'ont pas pour ambition de les faire devenir des spécialistes de TMS capables de trouver des solutions sur le terrain. Simplement d'avoir suffisamment de bagages pour analyser le niveau d'évaluation des risques d'une entreprise en sachant quoi et où regarder.
ActuEL-HSE.fr : Comment se passe concrètement ces formations ?
Lionel Groléas : Ce sont les régions qui ouvrent ou non des sessions de formation, choisissant les thématiques en fonction de priorités régionales ou départementales. Les formations TMS sont organisées par l'INTEFP (institut national du travail et de la formation professionnelle). J'interviens généralement en binôme avec un ingénieur sécurité ou un médecin du travail. En 3 jours nous abordons tous les aspects des TMS : de la physiologie et la biomécanique aux questions organisationnelles et managériales.
Auteur : Par Sophie Hoguin, actuEL-HSE