EPR de Flamanville : la sécurité au travail bafouée

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Une douzaine de jours après qu'un salarié se tue sur le chantier du réacteur nucléaire de troisième génération EPR en construction à Flamanville, le journal L'Humanité révèle la "sous-estimation" systématique des accidents du travail sur le chantier de l'EPR de Flamanville en publiant des extraits d'un note accablante rédigée par l'ASN (autorité de sûreté du nucléaire).

Le jour même, le procureur de la République confirme les faits et précise qu'il a été saisi de l'affaire par l'ASN quelques jours plus tôt.

Un ancien responsable sécurité prêt à parler

L'Humanité a aussi publié le témoignage d'un ancien responsable de la sécurité du chantier : "Responsable contrôle sécurité dans une filiale de Bouygues, j'ai été appelé à la rescousse en novembre 2009 sur le chantier de l'EPR parce que le taux de fréquence des accidents du travail était très élevé. Quand je suis arrivé, c'était la foire ! Il y avait un énorme problème sur le site, les responsables de la prévention restaient planqués dans leurs bureaux… Je me rappelle avoir sorti un ouvrier blessé au cœur du réacteur sur une planche en plastique. [...] Avec mon équipe de 20 personnes, on avait réussi à faire baisser le taux d'accident. [...] Je pensais apporter des meilleures conditions de sécurité, mais en réalité c'était plutôt pour donner bonne conscience aux dirigeants. En août 2010, un ouvrier qui avait des problèmes d'addiction avec l'alcool est tombé dans les escaliers. Quand j'ai vu qu'il y avait inscrit "accident suite à un malaise" sur la note de sécurité, je n'ai pas supporté, j'ai écrit un mail aux dirigeants et au secrétaire du CHSCT. J'ai décidé de faire valoir mon droit d'alerte et de retrait. J'ai été mis à pied, avant d'être licencié. J'ai depuis été auditionné par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et par la gendarmerie."

42 infractions à la règlementation du travail et de la sécurité

"Bouygues et plusieurs filiales et sous-traitants du groupe sont soupçonnés d'avoir dissimulé des accidents du travail sur le chantier du réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche). Bouygues est responsable du génie civil de ce chantier, qui emploie plus de 3.000 personnes et dont EDF est maître d'ouvrage. Le rapport de l'ASN cité par L'Humanité constate 42 infractions à la réglementation du travail et de la sécurité, passibles d'amendes, et un "délit d'obstacle aux missions de l'inspecteur du travail" passible d'un an d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende. Il explique que, pour l'année 2010, sur 112 accidents recensés sur le chantier, 38 n'ont pas fait l'objet d'une déclaration ou d'une inscription au registre des accidents du travail.

Il constate que le directeur de projet de Bouygues interrogé sur ces faits "semble reporter toute la responsabilité des défauts de déclaration sur le corps infirmier qui n'aurait pas correctement rempli sa mission". Mais l'ASN ajoute que ce responsable "reconnaît explicitement que la direction de la société Bouygues sur le chantier a été informée de façon globale de la dissimulation des accidents du travail dès août 2010". (Reuters)

Bouygues conteste les conclusions du rapport

"Chez EDF, maître d'œuvre du chantier, on assurait alors «faire le maximum» pour améliorer la situation. Le directeur du chantier a été ­remplacé il y a quelques mois. Mais selon Bouygues qui pilote le génie civil de ce chantier de plus de 3000 ouvriers, les non-déclarations d'accident «relèvent d'initiatives personnelles». Vingt personnes dédiées à la sécurité rappellent «régulièrement» les consignes. En conséquence, «l'entreprise récuse fermement toute démarche intentionnelle de non-déclaration des accidents et toute initiative visant à éluder l'information de l'inspection du travail ou à détourner sa surveillance". (Le Figaro.fr). Le constructeur n'hésite d'ailleurs pas à affirmer dans son communiqué que "à l'insu des entreprises membres du GIE en charge du génie civil, certaines fiches médicales d'intervention n'ont pas été établies correctement par le personnel de l'infirmerie interentreprises. Les éventuelles absences de déclaration qui sont évoquées ne peuvent être que la conséquence d'initiatives malencontreuses du personnel de l'infirmerie". (Batiactu.fr)

 

Auteur : Par Sophie Hoguin, actuEL-HSE

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