Organisations remodelées par la mondialisation, accélérations technologiques et impacts des crises financières: les enjeux liés aux conditions de travail sont un élément clef de l’actualité. L’Anact choisit donc d’en questionner les tendances contemporaines à travers un abécédaire, commenté par Pascale Levet, directrice technique et scientifique de l’Anact.

Extraits de l'abécédaire

ACTIVITÉ - ACTION - ACCOMPLISSEMENT

Ce qui était vrai du temps de l’Organisation scientifique du travail est aujourd’hui criant dans les systèmes productifs contemporains, tertiarisés et dématérialisés: l’activité créatrice de valeur va bien au-delà de ce qui est prescrit «théoriquement » pour la réaliser. Car elle engage l’individu «totalement»: connaissances, énergie, motivation, subjectivité, autonomie, volonté d’émancipation… Avec un risque plus fort de se perdre dans le travail. « Si, il y a 40 ans, les revendications des salariés portaient sur la protection de leur intégrité physique, elles s’axent davantage aujourd’hui sur le besoin d’accomplissement et d’action possible dans et sur l’activité de travail, explique Pascale Levet, directrice technique et scientifique de l’Anact. Ce qui suppose de s’interroger en profondeur sur les conditions favorisant l’épanouissement et la capacité d’agir des individus au sein d’un collectif de travail (pour aller plus loin, voir « Zoom sur les populations au travail »). Et repositionne totalement le débat sur les conditions de travail. »

ENTREPRISE – EMPLOI - ÉQUILIBRE

L‘accès puis le maintien en emploi deviennent une obsession: plus d’un salarié sur deux estime ne pas être à l’abri du chômage. Cette inquiétude est devenue une composante des conditions de travail, l’entreprise étant d’abord le lieu de l’emploi avant d’être celui du travail. Une fois l’entreprise garante de cet emploi, c’est l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle qui est recherché. Avec une frontière de plus en plus ténue entre ces deux sphères, notamment parce que le développement des outils numériques permet d’être joints et de joindre en tous lieux, à tous moments.

FONCTION PUBLIQUE

Les fonctions publiques voient leurs dispositifs sur les conditions de travail évoluer, avec l’accord sur la santé et la sécurité de 2009 et la transformation des CHS en CHSCT. La mue était déjà entamée depuis plusieurs années, qui rapproche le fonctionnement du secteur public de celui du privé: développement des approches clients, mise en place des « modes projet » avec la loi organique de loi de finances, recherche de l’efficience à travers la revue générale des politiques publiques… transformant les conditions de travail dans le secteur public.

GOUVERNANCE – GLOBALISATION

Définissant la façon dont les grandes décisions stratégiques sont prises, la gouvernance est de plus en plus ouverte à des logiques marchandes, lesquelles ont nourri la globalisation de l’économie. Les conséquences en sont connues: recentrage sur le coeur de métier, transformation des grandes entreprises en « portefeuilles de processus », hypercompétition, tensions entre donneurs d’ordre et sous-traitants… « L’impact sur le travail est majeur : comment répondre aux exigences, souvent contradictoires, entre nouvelles règles et normes, qui font s’affronter des stratégies marchandes, commerciales, techniques, financières totalement hétérogènes? Ainsi, le travail, d’abord exclu du champ de la gouvernance, investit aujourd’hui ces questions. »

MÉTIER - MARGES DE MANOEUVRE - MANAGEMENT

Le management (les managers et les pratiques qu’ils déploient) se situe au point de rencontre des contradictions des organisations et des conflits : soit il règle la question en pilotant par l’aval (objectifs multiples et reporting), soit il participe de plain-pied au dialogue sur le travail en le confrontant à la réalité du terrain. Il contribue alors à la définition de l’organisation, à son déploiement, son but et son sens, et délivre des arbitrages en matière d’allocation des ressources. « C’est seulement dans cette posture que le management… manage le travail, qu’il rend possible un réel soutien organisationnel. Manager le travail, c’est explorer l’activité, ses routines, ses résultats, les ressources qu’elle nécessite, les marges de manoeuvre existantes dans l’exercice d’un “métier” (au sens noble du terme), les priorités… sans éviter les débats de valeurs et l’expression des points de vue sur le travail. Des enjeux qui en appellent d’autres, relatifs aux ressources humaines, à l’évaluation et à la reconnaissance. »

STRESS – STRATÉGIE - SANTÉ

Les conditions de travail sont-elles devenues stratégiques ? Elles ne relèvent plus seulement d’enjeux de santé et de prévention, ne sont plus seulement le traitement de symptômes (de stress, de troubles musculosquelettiques, d’accidents…), mais doivent plus largement permettre le développement des individus pour « participer aux conditions du renforcement de la liberté d’action ». D’où un élargissement progressif des politiques de prévention vers « la promotion de la santé au travail » (pour aller plus loin, voir encadré Zoom sur) et l’intérêt d’un outillage stratégique des acteurs et des instances sur le volet travail (CHSCT, CE, comités de direction, conseils d’administration…).

TRAVAIL

Le point final et mot synthèse de l’abécédaire. Enjeu de société, enjeu de performance des entreprises, enjeu d’accomplissement des individus… que sera le travail de demain? La façon dont les différents acteurs (salariés, employeurs, syndicats, clients, actionnaires, sous-traitants, fournisseurs etc.) parviennent ou non à coopérer est partie intégrante des tensions qui traversent le travail… « Les termes du débat sur les nouvelles formes de mobilisation de la main-d’oeuvre renvoient à l’importance de dialoguer autour des enjeux, du contenu et des effets du travail sur l’entreprise, les individus et les collectifs. Débat sur le travail comme activité: “Ce que je fais permet-il d’atteindre les buts que je me fixe et que l’on me fixe?” Débat sur le travail et de ses effets sur les compétences, l’identité professionnelle, la santé, la performance… Débat, enfin, sur le travail organisé: sa gestion, son évaluation, sa division et les limites et opportunités qu’il pose à la capacité d’action des individus et des collectifs. »

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Auteur : ANACT.