Chaque été, la chaleur devient un vrai défi sur les lieux de travail. Et quand les températures grimpent, c’est tout le corps qui en souffre. Pour les employeurs, il ne s’agit plus seulement de confort, mais bien de santé, de sécurité et de prévention. Heureusement, il existe aujourd’hui des règles claires et des solutions concrètes pour agir.
Travailler sous la chaleur : quels risques ?
Travailler en période de fortes chaleurs, notamment en cas de canicule, peut avoir de lourdes conséquences sur la santé : fatigue intense, déshydratation, maux de tête, vertiges, voire perte de connaissance. Le corps peine à réguler sa température, ce qui peut mener à un coup de chaleur, une urgence médicale pouvant être fatale si elle n’est pas prise en charge rapidement.
Certains métiers sont particulièrement concernés : chantiers, entrepôts, cuisines, travail en extérieur, ou encore milieux industriels mal ventilés. Mais personne n’est totalement épargné, surtout dans des bâtiments où la température grimpe vite sans climatisation.
Ce que dit la loi
Depuis le décret n° 2025 482 du 27 mai 2025, de nouvelles obligations s’imposent aux employeurs pour protéger les travailleurs lors d’épisodes de chaleur intense.
Désormais, le Code du travail intègre un chapitre dédié à la prévention des risques liés à la chaleur (articles R.4463 1 à R.4463 8), applicable à tous les employeurs, mais aussi aux travailleurs indépendants et aux secteurs agricoles.
Trois niveaux de vigilance déclenchent des mesures obligatoires :
- Jaune : anticipation et premières mesures de prévention
- Orange : renforcement des actions et des protections
- Rouge : mesures exceptionnelles, voire arrêt temporaire d'activité
Concrètement, cela signifie que les employeurs doivent :
- Évaluer les risques liés à la chaleur dès la vigilance jaune, et mettre à jour le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
- Adapter l'organisation du travail (horaires, pauses, rotation des tâches, équipements).
- Mettre à disposition au moins 3 litres d’eau fraîche par jour et par salarié en l'absence d’eau courante.
- Fournir des équipements de protection adaptés (vêtements légers, protections solaires, etc.).
- Aménager des zones de repos à l’ombre ou rafraîchies.
- Sensibiliser et former les salariés aux signes de coup de chaleur et aux bons réflexes.
L’Inspection du travail est désormais habilitée à intervenir rapidement, à exiger des mesures correctives dans un délai court (jusqu'à 8 jours) et, si besoin, à prononcer l’arrêt temporaire d'une activité en cas de danger grave et imminent.
Les entreprises qui trouvent des solutions concrètes
Bonne nouvelle : de plus en plus d’acteurs innovent pour améliorer le quotidien des salariés exposés à la chaleur.
Biodata Bank a mis au point un bracelet intelligent qui détecte les signes de surchauffe corporelle et alerte le porteur lorsqu’il est temps de faire une pause et se rafraîchir.
G-Heat, de son côté, propose des vêtements rafraîchissants spécialement conçus pour les travailleurs en extérieur. Grâce à une technologie textile avancée, ils aident à garder le corps à une température stable, même en plein soleil.
Ce qu’il faut retenir
La chaleur au travail, ce n’est pas qu’une question de confort : c’est un enjeu de santé publique. Et avec les évolutions climatiques, c’est un sujet qu’aucune entreprise ne peut se permettre d’ignorer.
Adopter les bons réflexes, s’appuyer sur les textes de loi, et miser sur l’innovation, c’est protéger ses équipes, améliorer les conditions de travail, et éviter les accidents.
Chaleur au travail : le nouveau décret est-il à la hauteur des défis climatiques ?
Depuis le 1er juillet 2025, un nouveau décret encadre les obligations des employeurs face aux épisodes de chaleur intense. Dans un contexte où les températures records deviennent la norme, cette avancée réglementaire apparaît comme un pas dans la bonne direction. Mais est-ce vraiment suffisant pour protéger les travailleurs, notamment ceux exposés en extérieur ?
Les mesures imposées par le décret : des bases indispensables
Le décret précise plusieurs obligations clés pour les employeurs :
- Adapter les horaires de travail afin d’éviter les pics de chaleur les plus dangereux ;
- Mettre à disposition de l’eau potable en quantité suffisante, indispensable pour lutter contre la déshydratation ;
- Aménager les postes (ventilation, brumisateurs, ombrages) pour réduire la température ambiante ;
- Fournir des équipements adaptés, comme des vêtements légers et des couvre-chefs ;
- Former les équipes aux bons réflexes et à la détection des signes de coups de chaleur.
Sur le papier, ces mesures semblent pertinentes et nécessaires.
Mais ce cadre réglementaire manque peut-être d’ambition face à un changement climatique structurel
Malheureusement, le décret laisse plusieurs points essentiels en suspens :
- Aucune température limite précise au-delà de laquelle le travail doit être interrompu n’est définie ;
- Tout repose sur l’appréciation locale des risques, ce qui peut entraîner des décisions très variables d’une entreprise à une autre ;
- La gestion de la chaleur intense continue de se faire au coup par coup, sans stratégie anticipative.
En pratique, cela signifie que dans beaucoup de situations, les salariés restent exposés à des températures extrêmes simplement parce que le niveau de vigilance n’a pas été déclenché officiellement.
Conséquences concrètes : un vrai dilemme pour les entreprises et des populations vulnérables oubliées
Dans ce flou réglementaire, ce sont souvent les managers de terrain qui doivent arbitrer entre la continuité du service et la santé des travailleurs, parfois au détriment de cette dernière.
Et comme d’habitude, les plus fragiles — travailleurs saisonniers, intérimaires, personnes en situation précaire — sont les plus exposés, faute de protections et d’accompagnement adaptés.
Aller plus loin
Pour nous, face à ce dérèglement climatique devenu structurel, il ne suffit plus de réagir “au cas par cas” :
- Fixer des seuils clairs et contraignants, au-delà desquels certains travaux doivent être suspendus ;
- Anticiper et adapter l’organisation du travail en amont, et pas uniquement lorsqu’il fait déjà trop chaud ;
- Développer une véritable culture sécurité climatique, ancrée dans la durée et l’expérience terrain.
La sécurité au travail : une démarche humaine et collective
La sécurité au travail est bien plus qu’une simple obligation réglementaire : elle est le miroir de nos valeurs et de l’évolution de nos sociétés.
Aujourd’hui, nous ne pouvons plus nier la réalité du dérèglement climatique, qui bouleverse nos conditions de travail et exige une adaptation profonde et collective. Protéger les travailleurs face à la chaleur extrême, c’est avant tout reconnaître ce nouveau défi et construire ensemble des réponses solides, durables et humaines.
Auteur : Eléana GOMEZ, Coven.