Santé au travail en Europe : l'enquête de Dublin montre une légère amélioration, mais le fossé entre travailleurs persiste

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Le 12 avril dernier, la Fondation pour l’amélioration des conditions de vie et de travail a présenté au Parlement européen à Bruxelles le rapport de synthèse de son enquête sur les conditions de travail en Europe, souvent surnommée "Enquête de Dublin", en référence à la ville qui accueille cet organisme de l'Union européenne.

Quelque 40.000 travailleurs issus de 34 pays d’Europe, dont les 27 membres de l’Union européenne, ont été interviewés sur leur travail. Une partie de l’enquête, menée en 2010, porte sur les risques du travail pour la santé.

Près d'un quart des travailleurs estiment que leur sécurité et leur santé sont menacées à cause de leur travail, contre un tiers en 2000. Les réponses varient fortement en fonction du statut et du secteur. Ainsi, 13 % des femmes occupant un poste de direction estiment leur santé menacée par leur travail, contre 46 % des femmes actives dans le secteur agricole. Les auteurs constatent également une nette différence en fonction du genre : 29 % d'hommes contre 19 % de femmes. Ce fossé serait dû en partie au phénomène de ségrégation professionnelle, les hommes étant plus nombreux dans des professions à risques élevés tels que celles d'agriculteur, de pêcheur, d'opérateur industriel.

Risques physiques toujours présents

Malgré la baisse des emplois dans l’industrie, l'exposition aux risques physiques traditionnels (bruit, vibrations, exposition à des substances chimiques, à de la poussière ou de la fumée, port de charges lourdes, etc.) reste un problème majeur sur les lieux de travail. Depuis la première enquête, qui remonte à 1991, le pourcentage de travailleurs exposés à ces risques a augmenté. Par rapport à l’édition précédente (2005), l’on observe un léger recul en ce qui concerne l’exposition aux vibrations, au bruit, au port de charges lourdes. Par contre, de plus en plus de travailleurs doivent adopter des positions fatigantes ou pénibles et effectuer des mouvements répétitifs de la main ou du bras pendant au moins un quart de leur temps de travail. Respectivement 46 % et 63 % des travailleurs européens sont concernés.

Le rapport épingle un phénomène inquiétant : les risques physiques ont augmenté depuis 2005 dans certains pays qui se situent traditionnellement dans la moyenne européenne. Il s’agit notamment du Luxembourg, de la Belgique et de la Hongrie.

Des variations sont évidemment observées en fonction des secteurs. Les travailleurs du secteur de la santé sont les plus exposés aux risques chimiques et biologiques. Ce n’est pas une surprise car les médecins et infirmières doivent régulièrement manipuler du matériel infecté, de même que des produits chimiques afin de désinfecter les instruments médicaux.

D’autres observations sont plus inattendues. Ainsi, les risques liés aux postures sont relativement répandus parmi les travailleurs des services et de la vente. Les auteurs du rapport l’expliquent par le fait que ces métiers impliquent souvent de rester debout pendant de nombreuses heures et d’effectuer des gestes répétitifs, notamment du fait du scannage des achats.

En matière de risques physiques, le « hit-parade » est occupé par les travailleurs de la construction, suivis par ceux de l’agriculture puis de l’industrie.

Parmi les rares tendances positives mises au jour par l’enquête, on retiendra principalement la nette diminution de travailleurs exposés à la fumée de tabac. Les législations adoptées ces dernières années dans plusieurs pays en vue d’interdire le tabagisme sur le lieu de travail semblent porter leurs fruits.

Bien-être au travail : l'influence du management

Les questions des enquêteurs portaient également sur leur exposition aux risques psychosociaux. Six questions visaient à évaluer le nombre de travailleurs victimes de "comportements sociaux hostiles" : insultes verbales, attention sexuelle non désirée, menaces et comportements humiliants, violence physique, harcèlement et intimidation harcèlement sexuel. Les réponses varient très fortement en fonction des pays : en Autriche et en Finlande, plus de 20 % des répondants s'estiment victimes de "comportements sociaux hostiles", contre moins de 10 % dans la plupart des pays du sud de l'Europe. Manifestement le contexte culturel oriente considérablement les réponses, comme les enquêteurs l'avaient déjà souligné dans l'enquête de 2005.

L'enquête examine également le manque de soutien social sur le lieu de travail. Une baisse assez sensible est observée par rapport à 2005 : la proportion de travailleurs s'estimant insuffisamment soutenus par des collègues passe de 15 % à 10 %, et de 24 % à 19 % quand il est question de manque de soutien par un supérieur hiérarchique.

Par ailleurs, près de 9 % des travailleurs estiment que leur travail implique "toujours" ou "la plupart du temps" d'accomplir des tâches qui entrent en conflit avec leurs valeurs personnelles.

En matière de bien-être au travail, le rapport épingle l'impact du style de management sur le ressenti des travailleurs : les employés qui évaluent positivement leur manager sont près de deux fois plus nombreux à rapporter être satisfaits de leurs conditions de travail que ceux qui ont un avis négatif vis-à-vis du management.

Une très vaste majorité (90 %) des travailleurs s'estiment très bien informés quant aux risques de leur travail. Ces chiffres positifs sont à nuancer en fonction des types de contrat et des professions : 16 % des employés non qualifiés et 13 % des intérimaires ou des CDD sont mal ou pas du tout informés. Source : Eurofound, 5th European Working Conditions Survey. Overview report

Consulter Le rapport (en anglais).

Auteur : ETUI.

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