Management par le stress : délictueux et… inefficace

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Le 4 juillet dernier, les juges ont mis en examen l'ancien PDG de France Télécom, Didier Lombard suite à la vague de suicides qui avait frappé l'entreprise en 2008 et 2009 (2).

Troubles psychiques et politique managériale

Quelle que soit son issue finale, cette procédure fera date. Indépendamment même des spécificités du dossier, elle démontre en effet qu'après des années de déni, le stress professionnel devient, dans notre pays, une préoccupation majeure. De façon moins spectaculaire, d'autres décisions de justice récentes vont dans le même sens. Dans un arrêt du 10 mai dernier, la 5e chambre de la Cour d’appel de Versailles a ainsi considéré que le constructeur automobile Renault était coupable d'une “faute inexcusable” suite au suicide d'un technicien informatique. Pour les juges, “l'entreprise n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié du danger auquel il était exposé en raison de la pénibilité avérée de ses conditions de travail et de la dégradation de celle-ci” .

Une question complexe

La responsabilité de Renault a été engagée sur le fondement de l'article L 4121-1 du Code du Travail qui impose à l'employeur une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés. Comme le précise l'avocate Florence Bouchet dans un récent article, les juges reprochent à Renault “l’absence de contrôle de la charge et des horaires de travail du salarié comme facteur ayant contribué à une dégradation continue de ses conditions de travail” (2).

Ces procédures suscitent bien sûr de nombreuses questions. Certains observateurs s'interrogent ainsi quant à la légitimité des magistrats pour juger du bien fondé de décisions managériales. D'autres soulignent avec raison la difficulté pour les juges de déterminer les responsabilités de chacun dans les drames survenus. Lors de sa première audition par les juges, l'ancien PDG de France Télécom n'a pas manqué d'évoquer “le contexte économique, technologique et réglementaire dans lequel évoluait la société France Télécom. Il a notamment évoqué des règles de concurrence particulièrement défavorables que les pouvoirs publics ont imposées à cette entreprise” (2). Une façon de rappeler que l'entreprise ne vit pas en vase clos et que le niveau de stress des salariés résulte aussi de facteurs extérieurs qu'elle ne maîtrise pas. La question est donc complexe et le travail des juges ne sera pas aisé…

Le stress contre la performance

Ces décisions ont cependant un mérite : avertir clairement les entreprises qu'adopter délibérément un management par le stress n'est pas une option mais un délit. Si bien que, même dans le contexte extrêmement concurrentiel créé par la mondialisation, le devoir des dirigeants consiste à viser la performance tout en cherchant à réduire le stress de leurs collaborateurs.

Par chance, les deux objectifs sont parfaitement conciliables. La plupart des experts en management considèrent en effet que le management par le stress est, de surcroît, foncièrement inefficace. Le psychologue du travail Patrick Légeron souligne ainsi que “la peur pousse à l'inhibition et est donc rarement associée à la motivation. Toutes les recherches le confirment : nous progressons beaucoup plus quand nos comportements adaptés sont récompensés que lorsque nos comportements inadaptés sont punis. La recherche du plaisir est un bien plus puissant moteur pour l'homme que l'évitement de la peur” (3). Une fois encore, il ne faut donc pas opposer prévention, des risques et performance de l'entreprise. Comme l'ont bien compris la plupart des chefs d'entreprise, les deux vont en réalité de concert !

  1. “Suicides: l'ex-PDG de France Télécom mis en examen pour harcèlement moral”, AFP, 05/07/12.
  2. "Suicide et faute inexcusable de l’employeur”, par Florence Bouchet, www.eurojuris.fr.
  3. Voir La Lettre Alter&Go n° 56, septembre 2011 (www.alteretgo-groupe.com).

Auteur : La rédaction de Point Org Sécurité

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