Le “présentéisme” : un péril pour la santé des travailleurs et la performance de l’entreprise

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On connaissait l’absentéisme. Voici désormais le présentéisme.” Or, si le second est, par définition moins facilement repérable que le premier, il représente également un symptôme de dysfonctionnement menaçant la santé des salariés et la performance globale de l’entreprise. Voici un aperçu de ce nouveau mal aussi insidieux que redoutable.

Bien sûr, un salarié présent attire moins l’attention qu’un salarié absent. Spontanément, collègues et employeurs s’inquiètent davantage du salarié qui manque à l’appel que de celui qui reste présent à son poste de travail lorsque tous rentrent chez eux... Or, comme le souligne un récent dossier de la revue Travail & Changement, c’est un tort, car la présence excessive au travail, baptisée “présentéisme”, constitue, au même titre que l’absentéisme, le signe d’un dysfonctionnement auquel il convient de remédier.

Plusieurs formes de présentéisme

Concept nouveau dans l’univers du management et des ressources humaines, le présentéisme souffre encore d’une définition floue. Comme le relève l’Anact, “il évoque tantôt le burn-out aux conséquences dramatiques, tantôt des horaires à rallonge ou encore le fait de venir au travail malade, de témoigner de son engagement en restant tard le soir, pour montrer sa motivation ou de faire tout simplement acte de présence sans avoir la ‘tête au boulot’”. Pour Hervé Lanouzière, directeur général de l’Anact, ces différentes définitions (voir encadré) convergent toutefois vers une réalité vérifiée par de nombreux managers : “une personne est physiquement présente sur son lieu de travail mais dans des conditions telles que ni sa santé, physique ou mentale, ni la qualité de son travail ne sont au rendez-vous. Comme si faire ‘acte de présence’ primait sur le travail lui-même, quel qu’en fût le coût.

Un symptôme de dysfonctionnement organisationnel

On ne saurait mieux souligner que le présentéisme n’est pas du seul ressort de la prévention des risques parce qu’il affecte en réalité la performance de l’entreprise. Selon l’Anact, “le coût global du présentéisme serait même plus important que celui de l’absentéisme, avec un nombre de jours présentéistes plus élevé que le nombre de jours absentéistes, entraînant une présence au travail dans de mauvaises conditions”. Pour les experts, ce coût résulte avant tout de la dégradation progressive du climat de travail et de la baisse de la qualité du travail accompli. Les malfaçons, les erreurs, les retards sont les signes qui doivent alerter sur l’existence de comportements présentéistes. L’attention portée à ces données incite d’ailleurs à réviser notre façon d’évaluer la performance. Pour l’Anact, “il faut s’affranchir d’une sorte d’idéal gestionnaire qui voudrait que la performance soit subordonnée à une présence effective de longue durée au travail. Comme si l’unité de mesure centrale restait le temps...

Des signaux d'alerte à décrypter

Plus concrètement, comment déceler ce mal insidieux ? La tâche n’est pas aisée car, comme le souligne Patrick Nestour, représentant de la CFDT et agent d’exécution à la SNCF, “l’absentéisme est mesurable, alors que le présentéisme ne l’est pas”. Pour autant, les managers concernés ne sont pas totalement dépourvus d’outils. “Il existe des points de repère assez simples pour les managers : les heures supplémentaires systématiques, l’explosion des comptes épargne-temps et l’impossibilité de prendre des congés, des flux d’information (mails...) tard le soir ou le week-end”, analyse Thierry Rousseau, chargé de mission du département Changements technologiques et organisationnels de l’Anact.

Libérer la parole et l'intelligence collective

Reste alors à savoir comment remédier à ces dysfonctionnements lorsqu’ils sont identifiés. La tâche n’est certes pas aisée, car elle implique de mener une réflexion globale sur l’organisation du travail. En effet, dans sa forme toxique tant pour la santé du salarié que pour la performance de l’entreprise, le présentéisme ne relève pas, au premier chef, de comportements volontaires de la part des salariés. Il trouve bien plutôt son origine dans des dysfonctionnements organisationnels.

Pour les identifier, Thierry Rousseau suggère de libérer la parole : “Les managers peuvent organiser des espaces de discussion sur le contenu du travail, de façon individuelle ou collective : pointer une mauvaise gestion des flux de dossiers, une mauvaise planification des tâches ou une mauvaise répartition de la charge de travail...” Une méthode qui, à l’instar de celles misent en œuvre pour lutter contre le stress et les risques psychosociaux, a l’immense avantage de libérer l’intelligence collective et de “créer de l’engagement en donnant du sens au travail, moteur de performance”.

Les trois visages du présentéisme selon l'Anact

  • Être présent sur son lieu de travail mais “de manière paradoxale”, sans engagement, sans être complètement en possession de ses moyens : perte de concentration, perte de sens, démission intérieure, retrait de la vie sociale de l’entreprise...
  • Être présent de manière excessive (dépassement d’horaires, travail hors de l’entreprise le soir et le week-end) : surengagement et surinvestissement, perte des frontières travail/hors travail. Les cadres sont particulièrement touchés par cette forme de présentéisme.
  • Être présent en mauvaise santé de manière volontaire ou de manière involontaire : forme de surengagement, de craintes également de perdre son emploi ou par solidarité avec les collègues qui pourraient se trouver avec une surcharge de travail du fait de l’absence.

Pour aller plus loin : Travail & Changement n°334, de mars-avril 2014, librement consultable sur www.anact.fr.

Auteur : La rédaction de Point Org Sécurité

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