Cela inquiète les défenseurs de l'environnement et ne satisfait pas des députés socialistes.
"Le débat en séance publique doit désormais s’engager et rassurer en inscrivant notamment dans la loi le principe de non régression du droit de l’environnement", défend la députée socialiste Sabine Buis (Ardèche). Avec d’autres députés de la majorité, elle a déposé un amendement modifiant dans ce sens l’article 28 du projet de loi "pour la croissance et l’activité" du ministre de l’Économie Emmanuel Macron. "Le gouvernement est tout à fait ouvert au dépôt et au vote de l’amendement pour garantir la non-régression en matière de droit de l’environnement", a assuré Ségolène Royal mardi 29 janvier lors d’une séance de questions au gouvernement.
"Un chèque en blanc"
En trois articles (26, 27 et 28), Emmanuel Macron projette le fameux "choc de simplification", en matière d’environnement. Le projet de loi – pour lequel la procédure accélérée a été enclenchée par le gouvernement – sera encore discuté toute cette semaine en séance publique à l’Assemblée nationale, qui l’a examiné en commission spéciale au mois de janvier. Le hic pour les parlementaires : en matière d’environnement, le projet de loi inscrit essentiellement des habilitations autorisant le gouvernement à décider lui-même, quelques mois après la promulgation du texte, d’ordonnances qui fixeront les règles du jeu. "La réforme par ordonnance nous prive d’un débat qui pourtant nous engage", regrette Sabine Buis. Quant aux députés écologistes, ils refusent de "signer un chèque en blanc".
"C'est un vrai chantier à mener"
Les deux premiers articles (26 et 27) s’attaquant au droit de l’environnement sont parvenus à faire l’objet d’un consensus. L’article 26 prévoit d’étendre à toutes les régions, pour les projets d’installations soumises à l’autorisation "présentant un intérêt majeur pour l’activité économique", l’expérimentation de l’autorisation unique ICPE et de généraliser l’autorisation unique Iota. L’article 27 élargit quant à lui, toujours pour les projets "présentant un intérêt majeur pour l’activité économique", l’expérimentation du certificat de projet à l’Ile-de-France. L'article 28, en revanche, relatif à la simplification du droit de l’environnement et de l’urbanisme, continue à cristalliser les débats. "Depuis des mois, il n’est question que de faire toujours plus simple, toujours plus court avec le droit de l’environnement. Mais le drame de Sivens nous a mis une claque : on voit bien que les questions d’information et de participation du public, d’impact environnemental de projets d’aménagement, doivent être prises au sérieux. C’est un vrai chantier à mener", défend Florence Denier-Pasquier, vice-présidente de FNE (France Nature Environnement).

BERTRAND GUAY / AFP
Mieux border
L’article 28 a fait l’objet d’amendements demandant sa suppression pure et simple, durant l’examen par la commission. Mais les députés savent qu’un amendement de suppression sera retoqué à coup sûr, alors ils tentent de mieux border les mesures qui pourraient être prises par ordonnances. Que viserait précisément le gouvernement dans ces ordonnances ? D’abord, d'"accélérer l’instruction et la délivrance de l’autorisation des projets de construction et d’aménagement et favoriser leur réalisation", puis de "modifier les règles applicables à l’évaluation environnementale des projets ainsi qu’à celle des plans et programmes de construction et d’aménagement", de "réformer les procédures destinées à assurer la participation du public à l’élaboration de certains projets d’aménagement et d’équipement, afin de les moderniser et de les simplifier", et enfin d'"accélérer le règlement des litiges relatifs aux projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement". Vaste programme.
Et l'étude d'impact ?
À la fin de la liste des ordonnances de l’article 28, un amendement est venu préciser que le CNTE (conseil national de transition écologique) devra être associé à leur élaboration, et qu’il pourra "mettre en place une formation spécialisée pour assurer le suivi des travaux et la préparation des avis qui sont mis à la disposition du public". Les députés socialistes ne comptent pas s’arrêter là : ils sont huit à avoir déposé un amendement commun pour que le travail du CNTE se fasse "sur le fondement d’une étude d’impact préalable rendue publique par le Gouvernement, qui détaille les motifs de complexité du droit de l’environnement, leurs conséquences, notamment économiques et le cadre juridique constitutionnel, européen et international dans lequel doivent s’inscrire les mesures à prendre". "La qualité du remède dépend de celle du diagnostic", soulignent-ils.
La suite
Emmanuel Macron l’assure et le répète : les parlementaires et le CNTE seront "régulièrement informés" de la rédaction des ordonnances, elles seront "présentées et débattues par les commissions compétentes" et "une consultation par Internet sera organisée". Mais pour le député Arnaud Leroy (PS, Français de l’étranger), cela ne suffit pas : "Il faut laisser les états généraux de la modernisation du droit de l’environnement travailler sur cette question sérieusement et ne pas fragiliser le droit de l’environnement". L’examen en séance publique, sans doute en fin de semaine compte tenu du rythme actuel des discussions, relancera le débat. Si les articles sont adoptés, ce sera au tour du Sénat de se pencher dessus, avant la mise en place d’une CMP (commission mixte paritaire).
Deux amendements adoptés en faveur des électro-intensifs
Les industries électro-intensives ont été choyées par la commission spéciale qui a examiné le projet de loi. Deux amendements, l’un porté par Bernadette Laclais (SRC, Savoie), l’autre par François Brottes (SRC, Isère) leur donne des droits nouveaux.
- Le président de la commission des finances défend l’interruptibilité, c’est-à-dire lorsque des industriels acceptent de se déconnecter instantanément du réseau "en cas de menace grave" sur son fonctionnement. "Pour l’année 2015, l’interruptibilité concernera seulement 3 acteurs industriels en France, pour une capacité de 600 MW et une enveloppe totale de 18 millions d’euros. Ces chiffres sont très en deçà des mécanismes équivalents mis en place en Allemagne, en Espagne ou en Italie, qui assurent plusieurs centaines de millions d’euros aux électro-intensifs situés sur ces territoires", expose-t-il. La compensation devra être recalculée, en prenant en compte l’objectif de constituer une capacité totale interruptible qui permette d’assurer le fonctionnement normal du réseau et en reflétant "le coût complet de la défaillance que l’interruption des consommateurs finals concernés permet de prévenir ou réduire".
- Quant à Bernadette Laclais, il instaure notamment un "droit à la rémunération" pour les électro-intensifs "dont l’activité principale est exposée à la concurrence – les critères seront fixés par voie réglementaire. Ce droit à la rémunération sera "lié à leur capacité contributive à la stabilité et à l’optimisation du système électrique".
Trois autres articles créés
- L’article 8 septies prévoit une étude de faisabilité portant sur la création d’une filière française de déconstruction des navires.
- L’article 27bis s’attaque aux délais de recours pour les installations d’énergies renouvelables, qui relèvent de diverses réglementations (urbanisme, ICPE, loi sur l’eau, etc.) et les aligne sur le délai de recours de droit commun de deux mois à compter de la publication de l’autorisation, quelle que soit la décision attaquée.
- L’article 54 bis touche à la TGAP pour "libérer le potentiel de développement d’un secteur prometteur, à savoir celui des biocarburants produits à partir de matières premières d’origine animale (EMHA)", selon les explications de Christophe Caresche (PS, Paris).
Auteur : Par Élodie Touret, actuEL-HSE.
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