Situation d'urgence sur le lieu de travail : le protocole, c'est la vie

Classé dans la catégorie : Général

L'urgence n'est pas le cœur de métier des services de santé au travail. Il n'empêche, elle demande aux praticiens une forte préparation en amont, qu'il s'agisse d'une explosion ou d'une crise cardiaque. Les protocoles les plus précis possible sont-ils la solution ? Les avis sont partagés.

"Nous sommes sur un chantier de construction, où travaillent deux équipes : celle du donneur d’ordre, et celle du sous-traitant. La structure en hauteur casse, et provoque plusieurs chutes. Le bilan est d’un mort et un blessé grave". Dans cette tragique anecdote, entendue au salon Préventica qui se tenait à Lyon cette semaine, les services de médecine du travail sont loin d’être les premiers prévenus et les premiers sur les lieux. Comment doivent-ils s’organiser pour répondre à ce type de situation ? Philippe Havette est le médecin coordinateur du groupe La Poste. C’est aussi le président de la SFMTU (société française de médecine du travail et d'urgence). Pour lui, l’urgence est "un élément de prévention tertiaire", auquel les praticiens comme lui ne sont pas toujours très bien préparés – "même si tous sont a priori à même de gérer une urgence" –. Mais il croit aussi qu’avec un protocole et deux mots, la donne peut changer.

Passer un appel efficace

Ces deux mots : "anticipation" et "préparation". Avec cela, même une petite entreprise sans service de santé au travail autonome peut faire face à l’urgence affirme Philippe Havette. Il planche sur le sujet avec ses homologues depuis un certain temps, sous la forme d'un groupe de travail. Dans ce cadre, il a a constaté avec surprise qu’en cas de crise cardiaque, chute ou explosion sur un lieu de travail, le premier attendu du Samu et des médecins urgentistes est "un appel de qualité". Qu’il émane d’un infirmier du travail ou d’un employeur. Pour répondre à cet attendu, le groupe de travail a mis sur pied un protocole qui se présente sous la forme d'une feuille A4. Y sont indiqués le numéro à contacter et le type de description attendue, tant au niveau des symptômes que de l’adresse. "À Paris, pour une entreprise à la Défense", indique Philippe Havette, "souvent la première consigne est d’appeler le service d’accueil de l’immeuble, qui accueillera ensuite les secours". "C’est pareil pour une PME, elle doit veiller à ce que les secours ne perdent pas de temps à chercher un accès", compare-t-il.

Pas de "prêt-à-porter"

Le groupe de travail a aussi élaboré des protocoles-type pour des situations plus précises. Ils recensent alors les gestes à effectuer immédiatement après la survenue de l’accident, les règles à appliquer dans les 5 minutes qui suivent, les éléments à transmettre au médecin du travail s’il n’est pas là, et au Samu lorsqu’il arrive sur les lieux. Parfois même, ils incluent la procédure d’évacuation prévue. Toutefois, il ne s’agit pas là de "prêt-à porter", nuance Philippe Havette : "Chaque médecin du travail doit adapter le protocole que nous proposons à son entreprise, à la taille et aux moyens de son service". Par ailleurs, ces protocoles ne servent à rien si n’en sont pas informés des acteurs comme les secouristes du travail, les éventuels pompiers de l’entreprise, les membres du service de médecine du travail, le CHSCT, la direction et les managers. Tout aussi important : que ces protocoles soient établis "bien en amont", car "plus l’accident est grave, plus il est déstructurant" assure le médecin. "Il faut alors être méthodique."

Un protocole souple ?

Et dans le cas où l’on est seul ? demande une infirmière du travail à Philippe Havette. "La semaine dernière, j’ai reçu une personne avec une douleur thoracique", relate-t-elle, "et je n’ai pas suivi le protocole prévu : trop long, trop compliqué". Pour le praticien, qui tient sa ligne, "c’est qu’il faut le revoir". Il n’est visiblement pas adapté à la situation réelle, c’est à dire à une prise en charge en solo. "En mon absence", poursuit-il, "les infirmières de mon service savent quels gestes faire, selon le type de situation, et à quel numéro me joindre". D’autres préfèrent prévoir la présence d’un tiers, "un assistant ou un secouriste du travail". Le médecin rappelle également que "le Samu a un rôle de conseil, en plus de la prise en charge" : il conseille donc vivement un appel en cas d’urgence. Reste que pour certains, seul ou pas, un process trop millimétré s’avère inopérant à l'instant T, car l’urgence peut demander de la "créativité" aux médecins. D’autres estiment que les protocoles, "c’est bien", mais qu’il vaudrait peut-être mieux "dire ce qu’il ne faut pas faire". Rapport aux "bonnes volontés" qui veulent aider en cas d’urgence, mais s’avèrent souvent trop encombrantes pour les services de santé au travail. C'est par exemple le chef de service inquiet qui va rester au chevet du salarié blessé.

Coordination et formation

"Il faut savoir les écarter", tranche Philippe Havette, qui insiste sur le rôle de coordinateur que doit souvent revêtir le médecin du travail en cas de crise. "Ce qui est important", martèle-t-il, "c’est que l’équipe sache comment elle doit intervenir, à chaque fois, comment sont distribués les rôles". La préparation en amont de tous ces aspects peut-elle limiter "l’effet de surprise" provoqué par la crise ? Le praticien semble persuadé que oui. Une autre piste se dessine parmi les solutions : celle d’intégrer au parcours de formation des médecins du travail davantage de formation et de sensibilisation à l’urgence. "Dans le cadre de la formation initiale, les médecins sont formés sur un ou deux jours à l’urgence", explique Philippe Havette. "Dans le cadre du Duist (diplôme inter-universitaire de santé au travail) des infirmières, c’est également pris en compte. Et puis il y a des diplômes spécialisés". Mais est-ce suffisant ? Et quid des collaborateurs médecins, qui pourraient être amenés à remplacer le médecin du travail ? Selon le praticien, la question se pose d’autant plus que la prise en charge de l'urgence peut donner une autre dimension à la profession de médecin du travail, trop souvent limitée à la visite de contrôle.

 

 

 

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