Si l'on en croit le témoignage des entreprises, il va en s'effaçant pour laisser les salariés au premier plan.
Près de 23 % des salariés travailleraient dans une entreprise où existe un "espace de discussion". Elu thème de l’année par l’Anact (agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail), la mise en place de ce type d’espace – pour beaucoup, immatériels – va souvent de pair avec une évolution de la place du manager de proximité (voir notre article). Cela va de la gestion "plus participative" à son effacement presque total... Comme c'est souvent le cas dans les entreprises libérées qui incarnent actuellement le nec plus ultra de la qualité de vie au travail (voir notre article). Plusieurs sociétés étaient invitées par l’Anact et l’OSI (observatoire social international) ce mardi 8 décembre à Paris pour faire part de leur expérience en matière d'espaces de discussion.
L’effacement du manager
Bertrand Ballarin est directeur des relations sociales chez Michelin. En 2013, son service a lancé sur une vingtaine de sites une démarche expérimentale qui, selon lui, aurait fait grimper de cinq points le taux de satisfaction des ouvriers au travail. Au centre de la démarche, l’effacement de l’agent de maîtrise et la possibilité pour les opérationnels "d’organiser et d’animer le progrès de l’activité de travail, de prendre des décisions sans nécessairement en rendre compte au n+1", analyse-t-il. L'aménagement d'espaces de discussion tient aussi une place cruciale : toutes les 8 heures, les opérateurs "discutent, débattent et mettent en place des micro-chantiers si besoin de revoir certains modes opératoires par exemple", poursuit Bertrand Ballarin. Le manager, lui, n'intervient pas dans ces espaces. "Il prend de la distance et laisse ses équipiers sur le terrain", pour n’intervenir qu’en support à la résolution de problèmes. Chez le groupe SOS, spécialisé dans l’entrepreneuriat social, le manager n’est pas non plus inclus dans l’espace de discussion qui se tient une fois par mois. En tout cas pas en tant qu’animateur : cette tâche est confiée à intervenant extérieur. L’encadrement trouve davantage sa place dans les ateliers de management proposés en parallèle des espaces de discussion.
"Pas simple" pour les n+1
"Briefs, débriefs, analyses de risques, groupes de pairs, points d’arrêt chantier… Nous avons énormément de rites", énumère Christine Depigny, responsable santé au travail chez GRDF. Des rites qu’il faudrait faire converger avec le concept d’espace de discussion tel qu’il est conçu par l’Anact, estime-t-elle aussi. "Mais ce qui fait vraiment la différence, ce sont les managers, les marges de manœuvre et les moyens que nous leur donnons", insiste-t-elle. Pourtant, certaines des actions menées par le groupe autour des espaces de discussion ont finalement abouti elles aussi à un effacement relatif du manager. Sur la prévention des risques liés au travail des techniciens avec le public par exemple, priorité a été donnée à l’échange de pratiques entre les travailleurs eux-mêmes. "Certains managers ont été déroutés : quand il est question de dialogue professionnel, nous ne sommes plus dans le 'il faut que', 'il n’y a qu’à'... Et ce n’est pas forcément simple pour eux", constate Christine Depigny. Une évolution qui a nécessité "une formation assez lourde de l’encadrement", reconnaît-elle.
Un management plus participatif
Chez Orange aussi, le développement d’espaces de discussion implique un accompagnement parallèle des managers. "Ils ont surtout besoin de savoir comment changer de posture pour être en soutien et laisser faire les salariés", relate Marie Leclerc, responsable de la direction environnement de travail. Ils restent néanmoins plutôt présents dans les espaces en question : il s’agit de réunions pluridisciplinaires, le manager y participe au même titre que d’autres acteurs tels le salarié, le médecin du travail, les préventeurs… Ces espaces sont mis en place en amont des projets – "pour anticiper leur impact sur le travail des salariés" – ou pendant leur déploiement, sous la forme de temps de réunion dédié ou de "coordinations inter-équipes". Marie Leclerc explique qu’Orange souhaite les "banaliser". Et compte justement pour cela outiller les managers de proximité. "Guide, carte à jouer, jeux de rôles… Le but est qu’ils parviennent à animer une équipe de façon plus participative", résume-t-elle.
Auteur : Par Claire Branchereau, actuEL-HSE.
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