Harcèlement moral : nul besoin d’ajouter des conditions à la loi pour caractériser le délit

Classé dans la catégorie : Général

Dans un contexte de forte mésentente, une aide-soignante est mise à l’écart par 6 de ses collègues. Alors que la cour d'appel avait estimé que les charges contre ce groupe ne suffisaient pas à caractériser le délit de harcèlement moral, la Cour de cassation infirme l’analyse.

C’est un signalement de la médecine du travail qui lance l’affaire. Il sera suivi d’une enquête interne, puis d’une plainte d’une aide-soignante de l’hôpital de Perpignan, qui débouche sur l’ouverture d’une information pour harcèlement moral envers 6 autres aides-soignants. Une affaire qui se retrouve devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, et lui donne l’occasion de rappeler ce qui caractérise le délit de harcèlement moral, tel définit dans l’article 222-32-2 du code pénal : il n’est notamment pas nécessaire que les agissements en cause aient eu dès le départ pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à la dignité et à la santé de la victime.

Le harcèlement moral dans le code pénal
"Constitue le délit de harcèlement moral le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel", pose la Cour de cassation en guise de rappel.

6 aides-soignants condamnés par le tribunal correctionnel

Les 6 aides-soignants mis en cause sont renvoyés devant le tribunal correctionnel, qui les condamne pour harcèlement moral, en retenant "la mise à l’isolement accompagnée d’un comportement général comprenant des actes diversifiés et réitérés, l’ensemble ayant pour conséquence la dégradation des conditions de travail de la victime pouvant porter atteinte à son intégrité physique et psychologique". Saisie par l’hôpital et par le procureur, la cour d'appel réforme ce premier jugement et déboute l’aide-soignante de ses demandes.

Forte mésentente

Dans le service régnait une "forte mésentente" admise par tous, écrit la cour d'appel. L’élément déclencheur tient à une "ligne de planning dérogatoire" dont bénéficiait l’aide-soignante qui se plaint de harcèlement moral, et qu’elle refuse de "restituer". Dans l’équipe, c’est vécu comme un "avantage indu" et les relations de travail se dégradent fortement à partir de ce moment, l’un des 6 aides-soignants décide de mettre à l’écart sa collègue et il est suivi par les autres. Cette "mésentente", la cour d'appel la considère comme un "acte unique perdurant pendant une période donnée vécue par Mme O [l’aide-soignante] comme un ostracisme du seul groupe en cause à son encontre".

À conforter par "d’autres agissements de nature différente"

Les prévenus objectent une "réciprocité de comportements". L’aide-soignante "s’isol[ait] elle-même" et a eu "une ou plusieurs altercations" avec ses collègues, ce qu’elle ne nie pas. La cour d'appel veut bien "supposer avérés les faits répétitifs allégués (repas jetés ou dégradés, disparition volontaire de tenues de travail, menaces anonymes". Elle note aussi "la surcharge de travail" et "l’inaction apparente de la hiérarchie", qui ont "très largement contribué à la dégradation des conditions de travail". Mais pour les juges d’appel, cela ne suffit pas à "constituer le délit reproché" aux 6 prévenus : "cet agissement de même type [la mise à l’écart initiale] qui a perduré doit être conforté par d’autres agissements de nature différente", d’autant qu'"il n’est pas établi que cette décision de mise à l’écart […] ait eu pour objet ou pour effet d’attenter à la dignité et à la santé de leur collègue".

La cour d'appel a ajouté à la loi une condition

Pour la Cour de cassation, avec un tel jugement, la cour d'appel "a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas" et n’a ainsi "pas légalement justifié sa décision", elle "n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations". La cour d'appel "ne pouvait écarter la qualification de harcèlement moral en se fondant sur le fait que la décision de mise à l’écart n’aurait pas eu 'initialement' pour objet ou pour effet d’attenter à la dignité et à la santé de leur collègue, quand une telle circonstance était inopérante dès lors que cette mise à l’écart avait fini par avoir un tel objet ou un tel effet". Au début de l’affaire, le médecin du travail avait bien constaté une "dégradation inquiétante de l’état de santé de Mme O.", et il mettait en cause les "problèmes rencontrés du fait du positionnement d’un groupe d’aides-soignants". Aujourd’hui, l’affaire est renvoyée devant une nouvelle cour d'appel pour être de nouveau examinée.

 

 

 

Pour découvrir actuEL-HSE.fr gratuitement pendant 2 semaines, cliquez ici.

Les derniers produits : Toutes les categories