6 dirigeants sur 10 rencontrent le problème
D’après le Baromètre santé 2010 de l’INPES, 16,4 % des actifs occupés déclarent consommer de l’alcool sur leur lieu de travail, en dehors des repas et des pots. La population féminine des cadres est concernée depuis peu par l'alcool. Les médicaments psychotropes et le cannabis sont les autres substances psychoactives les plus consommées en milieu de travail.Les entreprises peinent à trouver des solutions pour résoudre ces problèmes qui ont des impacts sur le travail, les équipes et la santé de l'individu consommateur. Pourtant 6 dirigeants sur 10 se sont trouvés confrontés à ces difficultés.
Des réponses médico–juridiques peu efficaces
Les réponses sont le plus souvent d’ordre médico-juridiques : corriger, soigner, voire sanctionner en fonction des effets de la consommation sur la personne et son environnement de travail. L'usage qui peut aboutir à la dépendance est vu comme une situation de vulnérabilité personnelle voire comme le signe d'une pathologie. L'aspect sécuritaire ou moral reste très prégnant et guide la prévention puisque la consommation est perçue comme un risque aggravant pour la santé de l'individu voire la sécurité des autres.
Les plans d'actions courants de l'entreprise porteront donc sur de l'information collective et une prise en charge individuelle extérieure correspondant au protocole établi avec la médecine du travail.
La prévention primaire n'existe pas pour ces situations : on n’envisage pas la causalité de l'usage de ces substances. Pourquoi les salariés consomment-ils ? Pour le plaisir qu'elles procurent, par vice et faiblesse, par vulnérabilité psychique ? Des études réalisées par les sociologues avancent des hypothèses intéressantes à prendre en compte et à investiguer.
Le travail réel, à la source de certains usages ?
Les salariés auraient besoin de ces substances pour réaliser leur travail. Ce qui est considéré comme délétère pour la santé permettrait en fait de donner des ressources aux collaborateurs pour faire leur travail et " tenir ". On rejoint ainsi les poilus de 14-18 à qui l’État-major donnait sans compter tabac et gnôle avant d'aller au combat. Si les actifs sont de gros consommateurs de SAP ou de médicaments, il faut envisager aussi pour certains cette consommation comme une stratégie d'adaptation ou de résilience. Les organisations de travail et les contraintes actuelles (surcharge, complexité, déplacements fréquents, changements, individualisation des objectifs et dissolution des collectifs) favoriseraient un usage contrôlé de ces substances pour se doper suivant les activités à réaliser ou pour trouver le sommeil après des journées trop denses.
D'où le choix des produits : alcool pour son effet euphorisant, cannabis ou cocaïne pour être plus performant intellectuellement, médicaments pour dormir, tabac pour décompresser et retrouver de la convivialité autour d'une cigarette, analgésique pour faire son activité malgré ses TMS...
Cette hypothèse rejoint la problématique de la QVT et des RPS : Les collaborateurs par ces stratégies masquées de consommation s'adapteraient ainsi aux organisations de travail mais au détriment de leur santé. Il est difficile de mettre en évidence systématiquement des liens directs de cause à effet. Toutefois dans nos enquêtes RPS, les collaborateurs nous avouent consommer des substances pour faire face au mal-être.
Parmi les solutions on pourrait donc préconiser l'encouragement à exprimer ses difficultés, cultiver la confiance autour du droit à l’erreur, bannir le culte de la performance et de la compétition entre salariés comme seul moteur de la motivation, lutter contre la déshumanisation des process et le sur-contrôle.
En tout état de cause, il apparait de plus en plus nécessaire de déployer une véritable culture managériale du dialogue et un travail pluridisciplinaire pour mieux prévenir ces consommations spécifiques.
Pour aller plus loin : webinar ADDICTIONS AU TRAVAIL : alcool, tabac, psychotropes, Comment gérer en entreprise, ces comportements ?
Auteur : Evelyne GUFFENS, EPITOME-CONSEIL.