Conflits de valeurs au travail : qui est concerné et quels liens avec la santé ?

Classé dans la catégorie : Institutionnels

Six actifs occupés sur dix signalent être exposés à des conflits de valeurs dans leur travail. Cinq situations d’exposition peuvent être identifiées. La plus fréquente concerne deux actifs occupés sur dix, qui vivent des conflits éthiques car ils doivent faire des choses qu’ils désapprouvent, même si par ailleurs ils ont les moyens de bien faire leur travail.

Les autres situations touchent chacune un actif occupé sur dix. Certains doivent faire un travail qu’ils jugent en grande partie inutile, ce à quoi s’ajoute, pour d’autres, l’absence de fierté du travail bien fait. D’autres encore estiment manquer de moyens pour bien faire leur travail mais se sentent malgré tout fiers du résultat. Le dernier cas concerne les personnes qui cumulent la plupart des conflits de valeur.

Les salariés les plus exposés aux conflits de valeurs et à leur cumul déclarent plus fréquemment une santé physique et mentale dégradée.

Parmi les facteurs de risques psychosociaux au travail, les conflits de valeurs sont une dimension émergente et encore peu étudiée. Ils sont définis comme « l’ensemble des conflits qui portent sur des choses auxquelles les travailleurs octroient de la valeur : conflits éthiques, qualité empêchée, sentiment d’inutilité du travail, atteinte à l’image du métier».

Les conflits éthiques interviennent lorsque le travail entre en contradiction avec les convictions personnelles. La « qualité empêchée » décrit des situations où l’organisation du travail ou l’état des équipements dont disposent les travailleurs ne permettent pas un « travail bien fait ». Le « travail inutile » indique une situation où le travailleur ne voit ni la finalité ni le sens de son activité.

Dans l’enquête Conditions de travail et Risques psychosociaux réalisée en 2016 par la Dares, 19 questions permettent d’appréhender les conflits de valeurs. Ainsi, 61% des actifs occupés estiment devoir faire « toujours, souvent ou parfois des choses qu’ils désapprouvent », 54% « ne pas pouvoir faire du bon travail, devoir sacrifier la qualité » et 30% « toujours souvent ou parfois » devoir « mentir à des clients, des patients, des usagers, des collègues ».

Quels sont les principaux conflits de valeurs et qui sont les travailleurs les plus exposés ? Certaines situations de travail favorisent-elles l’émergence de ces facteurs de risques ? Les conflits de valeurs sont-ils corrélés avec des indicateurs de mauvaise santé au travail ? Telles sont les questions aux-quelles cette étude apporte un éclairage.

Six profils d’exposition aux conflits de valeurs

Les personnes en emploi peuvent être classées en six groupes au regard de leur exposition aux conflits de valeurs.

  • 40 % sont peu ou pas concernées par ce risque.
  • 18% rencontrent des conflits éthiques même si elles ont les moyens de travailler correctement (« En conflits éthiques mais avec les moyens de bien travailler »).
  • 12% éprouvent la fierté du travail utile et bien fait, malgré l’insuffisance des moyens (« Fierté d’un travail utile et bien fait malgré l’insuffisance des moyens »).
  • 11% ressentent leur travail comme inutile même si elles disposent de moyens pour l’accomplir (« Travail inutile mais avec les moyens pour bien le faire »).
  • 8% estiment que leur travail manque de sens et de qualité (« Un travail qui manque de sens et de qualité »).
  • Enfin, 11 % d’actif occupés sont confrontés à un cumul de conflits de valeurs (« Surexposés aux conflits de valeurs »).

40 % d’actifs occupés peu ou pas exposés aux conflits de valeurs

40 % des actifs occupés sont peu ou pas exposés aux conflits de valeurs. Aucun d’eux n’estime que son travail est parfois ou jamais utile aux autres, contre 27 % pour l’ensemble des actifs occupés. De même, pratiquement aucun d’eux n’éprouve un manque de fierté du travail bien fait (contre 26% dans l’ensemble). En outre, 40% de ces personnes (contre 61%) déclarent devoir toujours, souvent ou parfois faire des choses qu’elles désapprouvent, cette dernière modalité en regroupant à elle seule 33%. Enfin, seules 26% estiment « ne pas pouvoir faire du bon travail, devoir sacrifier la qualité » (contre 54 % en moyenne).

Ces actifs occupés sont un peu plus souvent en contrats précaires : 30% d’entre eux sont apprentis, stagiaires, en contrats aidés ou CDD contre 24% pour l’ensemble des actifs occupés (tableau 2). Cette précarité les amènerait à accorder moins d’importance aux conditions de travail que les travailleurs stables. Ainsi, 28 % d’entre eux disent continuer à penser au travail en dehors du lieu de travail, contre 41% pour l’ensemble (tableau 4). Cette « distance » avec le travail leur permettrait de « relativiser les difficultés de leur situation présente, en la considérant comme provisoire ».

Cette situation touche un peu plus souvent les hommes, les plus de 50 ans et les travailleurs indépendants (tableau 2). Les métiers les plus concernés sont les assistantes maternelles, les conducteurs de véhicules, les coiffeurs, les ouvriers du second œuvre du bâtiment, les aides à domicile ou les bouchers, charcutiers et boulangers (tableau 3).

Ces personnes sont moins exposées aux pénibilités physiques, ainsi qu’aux autres facteurs de risques psychosociaux : seules 12% d’entre elles doivent travailler sous pression, contre 31% de l’ensemble de la population ; 27% ont vécu au moins un changement important dans leur travail au cours des 12 derniers mois, contre 39 % en moyenne (tableau 4). Elles sont également moins nombreuses à estimer être « plutôt mal payées compte tenu du travail réalisé » (26 % contre 38 %).

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