Explosion d'une armoire électrique - #balancetonrisque

L'analyse des experts

" Il est toujours délicat d’analyser et de commenter un événement accidentel en vidéo sans connaître précisément le contexte des installations et de l’intervention en cours. Néanmoins le fait accidentel et les conséquences visibles sur ces images permettent d’établir quelques rappels d’usage pour les opérations d’ordre électrique ou non électrique à proximité immédiate d’installations sous tension tels que des TGBT.

De prime abord, nous pouvons constater que plusieurs portes d’armoires électriques présentes dans le local sont ouvertes. Cela peut laisser penser à une intervention de maintenance en cours, planifiée ou non, ou bien à une pratique volontaire visant à laisser les portes ouvertes sur la durée pour mieux ventiler certains équipements en surchauffe et ainsi éviter des risques de détérioration matériel, voire de départ de feu. Cette situation engendre cependant d’autres risques pour les personnes puisque la protection mécanique des circuits, contre les contacts électriques directs et arc électrique (court-circuit par ionisation de l'air), n’est dans ce cas plus assurée. D’autres mesures de prévention pourraient pallier à cette situation telles que la délimitation et le balisage de la zone de travail (cf. § 4.3.1.3 norme NF C18-510*) mais cela ne semble pas non plus avoir été respecté sur cette situation.

Concernant le fait accidentel en lui-même, les deux intervenants sont face à l’une de ces armoires électriques ouvertes en conservant une certaine distance des parties nues sous tension (a priori dans la de zone voisinage simple si présence de basse tension), puis subissent tout à coup les effets d’une explosion provenant de cette même armoire.

Sans connaître précisément la nature ici, plusieurs causes potentielles peuvent conduire à des explosions et des incendies d'origine électrique telles que l’échauffement des câbles dû à une surcharge, un court-circuit entraînant un arc électrique, un défaut d'isolement, un contact défectueux, ou bien encore la foudre.

A noter qu’une ventilation insuffisante, l’accumulation de poussières ou de dépôts de graisse, le stockage de matériaux inflammables à proximité, ou l’empilement de câbles empêchant l’évacuation de la chaleur, sont des facteurs aggravants qui peuvent accélérer les échauffements.

En tout état de cause, une telle explosion avec effet de blast peut entraîner des blessures physiques graves, des brûlures notamment dues aux impacts de métal en fusion (environ 4000°C), des troubles respiratoires dû aux dégagements de fumées toxiques, des blessures des tissus mous et des organes internes, des déficits sensoriels, car au-delà des effets de l’explosion, l’arc électrique engendre le risque d'électrisation voire d'électrocution.

Bien qu’ici, par chance, les deux intervenants ne semblent pas être grièvement blessés, il est indispensable dans ces circonstances que les victimes soient rapidement examinées par les services médicaux. J’évoque ici “la chance” car la probabilité, de sortir indemne d’un tel événement sans les équipements de protection individuels adéquats, est faible. Nous pouvons en effet constater que les intervenants ne portent pas de casque adapté ni d’écran facial.

Pour des interventions avec risque électrique, armoire ouverte, il est primordial pour se protéger d’être équipés de :

• casque de protection, avec jugulaire, conforme aux normes EN 397 et EN 50365 + écran facial conforme à la norme EN 166 avec filtres UV et IR
• vêtements de travail conformes à la norme IEC 61482-2 (protection contre les dangers thermiques d'un arc électrique), voire des vêtements isolants conformes à la norme EN 50286 suivant les opérations réalisées
• chaussures de sécurité adaptées au risque électrique (résistance électrique suffisante), voire chaussures dites isolantes normées EN ISO 50321-1
• gants de protection en matériau isolant conformes à la norme EN 60903 adaptés suivants les tensions et la classe électrique
• tapis isolant normé EN ISO 50321-1 adapté à la classe électrique.

Au-delà de la nécessité de porter les EPI adaptés, derniers remparts en cas d’accident, il est essentiel que les intervenants soient dûment habilités (et donc préalablement formés) aux opérations d’ordre électrique ou non électrique qu’ils sont susceptibles de réaliser.

Tout travail ou intervention ne nécessitant pas la présence de tension, doit être réalisé hors tension en respectant préalablement la procédure de consignation électrique.

A ce titre, les opérations sous-tension doivent être strictement limitées aux situations pour lesquelles la mise hors-tension n’est techniquement pas possible et nécessite dans ce cas pour les intervenants de posséder une habilitation électrique spécifique “travaux sous-tension”.

Mais finalement qu’est ce qui aurait pu éviter un tel accident ?

Sur l’aspect technique, pour éviter ce type d’accident il faut prévenir l’origine du problème c’est à dire agir sur les causes probables d'explosion/incendie évoquées plus haut, notamment par :

• la vérification initiale des installations électriques permanentes, à la mise en service par un organisme accrédité, puis la vérification annuelle du maintien en état de conformité,
• un contrôle régulier par thermographie infrarouge (parfois exigé par les assureurs) permettant de déceler des échauffements anormaux, des défauts de serrages de cosses, etc.,
• la mise en oeuvre d’actions correctives suite aux éventuelles observations relevées lors de ces contrôles,
• la planification et la réalisation de l’entretien régulier des matériels notamment par des actions de dépoussiérage des installations et équipements électriques,
• la fermeture à clé systématique des armoires électriques avec ventilation naturelle efficace, prévoir le cas échéant des mesures techniques permettant de mieux ventiler.

Concernant les aspects organisationnels et humains, une évaluation préalable du risque aurait dû être conduite par les deux intervenants. La norme NF C18-510*, précise d’ailleurs que “l’analyse du risque électrique doit précéder toute opération d’ordre électrique ou d’ordre non électrique afin de définir et de mettre en place, lors des opérations, les mesures de prévention appropriées pour la protection des personnes et des biens”.

Que ce soit une intervention dite urgente, qui sort du cadre d’une intervention classique, ou que ce soit pour une intervention planifiée, cette analyse les aurait amené à mieux identifier et garder leur distance vis à vis des zones de danger définies dans cette même norme (et expliquées dans le cadre des formations habilitations électriques). En effet la norme NF C18-510* précise également les zones dites de voisinage simple et de voisinage renforcé qu’engendre l’ouverture d’une armoire basse tension <1000V (dans l'hypothèse que ce soit le cas dans cette vidéo). Les intervenants se trouvant dans cette zone de voisinage, ils se sauraient alors préalablement équipés en mettant en œuvre les équipements de protection décrits plus haut.

L’application de modes opératoires préétablis face à ce type de situation de travail devrait également permettre de faciliter la mise en œuvre des mesures de prévention adaptées.

En conclusion, cet accident rappelle le danger de l’énergie électrique parfois négligé car non directement visible. Il est donc crucial pour s’en protéger de respecter la réglementation et les normes de sécurité en vigueur, de former régulièrement, et de doter correctement les équipes face à ce risque majeur. Enfin, il restera essentiel de développer pour chacun le réflexe d’analyse des risques systématique avant chaque intervention et ce, peu importe les risques présents afin de garantir la santé et la sécurité de tous en toute circonstance.

*Norme NF C18-510 document technique de référence en France pour la maîtrise des opérations dans un environnement à risques électriques "

Le concept #balancetonrisque

Le concept #balancetonrisque est un partage à visée pédagogique créé par Inforisque. Tous les jeudis, retrouvez dans la lettre du risque une vidéo commentée et analysée par un expert HSE.