Les chiffres sont sans appel : en huit ans, la consommation d’alcool et de stupéfiants en entreprise a plus que doublé. C’est ce que révèle l’étude « Révéler ce qui ne se voit pas », publiée en juin 2025 par iThylo (APERLI), spécialiste du dépistage en milieu professionnel. Basée sur l’analyse de plus de 110 000 dépistages, cette enquête met en lumière une tendance lourde, souvent ignorée ou minimisée : l’usage de substances psychoactives s’installe durablement dans le monde du travail.
Une banalisation préoccupante
Entre 2017 et 2025, le taux global de positivité aux tests d’alcool ou de stupéfiants est passé de 2,6 % à 5,3 %, soit une augmentation de 107 %. Derrière cette statistique inquiétante se cache une évolution profonde des usages. La cocaïne, autrefois marginale, connaît une explosion sans précédent : 13 fois plus de cas positifs en 2025. Le cannabis reste la substance la plus détectée (1,8 %), tandis que l’alcool enregistre des pics significatifs en soirée, surtout après 17h et en fin de semaine.
L’étude souligne que ces consommations ne sont plus des exceptions, mais des pratiques intégrées à certains environnements professionnels. Notamment sur les chantiers de nuit, où l’on trouve jusqu’à un salarié sur cinq testé positif.
L’ombre du Covid et la vulnérabilité des plus précaires
Un tournant apparaît en 2022, avec une forte accélération des cas positifs, probablement liée à l’impact du Covid : stress chronique, isolement, fatigue psychique et perte de repères ont fragilisé de nombreux salariés.
Les travailleurs précaires – intérimaires en tête – sont les plus exposés. Bien qu’ils ne représentent que 15 % de l’échantillon, ils concentrent 31 % des cas de consommation de cocaïne et 25 % de cannabis. Cette surexposition s’explique par des conditions de travail difficiles, un manque d’intégration, et l’absence d’interlocuteurs vers qui se tourner. Plus de la moitié d’entre eux déclarent ne pas savoir à qui s’adresser en cas de difficulté.
Des consommations ancrées dans les "zones grises"
L’étude révèle également des différences marquées selon les horaires et les lieux. Les dépistages après 17h affichent un taux de positivité à l’alcool deux fois supérieur à la moyenne. La consommation explose également sur les créneaux nocturnes (22h–1h), atteignant des taux de 5,3 %. Ces comportements traduisent souvent des tentatives de « tenir le coup », de gérer la fatigue ou de briser l’isolement.
Certaines régions sont plus touchées que d’autres : la Bretagne, par exemple, culmine à 6,6 % de positivité, contre seulement 2,8 % en Nouvelle-Aquitaine. En octobre, un pic saisonnier suggère une accumulation de stress ou une baisse de vigilance dans les entreprises.
De la prévention à l’accompagnement
Pour Jean-Jacques Cado, président d’iThylo, le dépistage ne doit pas être perçu comme une sanction mais comme un signal d’alerte. Depuis 2024, une ligne d’écoute a été mise en place pour aider les salariés concernés, souvent pour la première fois.
L’étude appelle à repenser la prévention des addictions : elle doit être inclusive (notamment envers les intérimaires), ancrée dans les réalités de terrain, portée par des professionnels formés et soutenue par des managers impliqués. En d’autres termes, il faut passer de la simple communication à une culture du soin et de l’écoute.
« Une affiche dans le couloir n’a jamais protégé personne », conclut Jean-Jacques Cado. « Ce qui compte, c’est la posture de l’organisation. »
L’alerte est claire : les entreprises doivent désormais ouvrir les yeux sur ce phénomène silencieux, mais aux conséquences bien réelles.
Auteur : Inforisque.Source : étude Révéler ce qui ne se voit pas.