Risque invisible, impact réel : repenser la sécurité mentale au travail

Classé dans la catégorie : Risques pour l'Homme au travail

Alors que les risques physiques au travail tendent à reculer grâce aux progrès technologiques, un autre type de danger gagne du terrain de manière silencieuse mais inquiétante : les risques psychosociaux (RPS). La campagne « Parlons santé mentale ! », lancée en 2025 par le ministère du Travail, vise justement à briser les tabous autour de cette problématique devenue centrale dans les entreprises.

La santé mentale des salariés est en effet dans une zone critique. Selon une enquête Opinion Way pour le cabinet Empreinte Humaine, 81 % des actifs déclarent ressentir une fatigue mentale liée à leur activité professionnelle. Plus alarmant encore, près d’un salarié sur deux serait en détresse psychologique modérée ou élevée, et un sur dix en burn-out sévère. Ces chiffres ne sont pas seulement des indicateurs de mal-être individuel : ils traduisent un dysfonctionnement structurel des organisations de travail.

Les causes identifiées sont connues : surcharge de travail, objectifs flous ou contradictoires, manque de reconnaissance, tensions hiérarchiques, sollicitations imprévues. Autant de facteurs qui, pris isolément, peuvent sembler anodins mais qui, combinés, deviennent toxiques. Et si la vie personnelle peut aggraver le mal-être, sept salariés sur dix en détresse pointent leur travail comme cause principale.

Pourtant, la loi est claire. L’article L4121-1 du Code du travail impose à tout employeur de « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale » de ses collaborateurs. Le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) est l’outil clé de cette obligation. Encore faut-il qu’il soit pris au sérieux. Or, seuls 62 % des employeurs déclarent avoir un DUERP intégrant les RPS, et moins de la moitié évaluent réellement la santé psychologique de leurs équipes.

Ce manque d’engagement est d’autant plus problématique que des solutions simples existent, y compris pour les petites entreprises : clarifier les rôles, écouter activement les salariés, ajuster les charges de travail, favoriser l’autonomie, créer des espaces d’expression. Ce sont autant de leviers qui peuvent transformer profondément l’ambiance de travail et prévenir l’usure mentale.

L’enjeu ne se limite pas à la santé des individus : il touche directement à la performance des organisations. L’étude Opinion Way révèle que dans les entreprises où la sécurité psychologique est élevée, seuls 37 % des salariés sont en détresse contre 58 % dans les structures rigides. Ces entreprises affichent aussi de meilleurs résultats en matière d’innovation, d’engagement et de fidélisation.

Les mutations du travail – numérisation, intensification des rythmes, baisse de l’autonomie – alimentent une charge mentale croissante. En 2017, 58 % des salariés déclaraient devoir fréquemment interrompre leur tâche pour en commencer une autre non prévue, un chiffre en nette hausse depuis 1994. Ce morcellement du travail contribue à une perte de repères et d’efficacité.

Le mal-être au travail n’est donc ni une fatalité, ni la faute de quelques individus. Il est le reflet d’évolutions profondes qui appellent des réponses collectives, structurées et déterminées. Traiter les RPS avec autant de sérieux que les risques physiques n’est plus une option : c’est un impératif de santé publique, mais aussi un levier stratégique pour l’avenir des entreprises.

Source : “PARLONS SANTÉ MENTALE !” – Les entreprises se mobilisent contre les risques psychosociaux.

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