Dans un monde professionnel où les organisations se transforment sans cesse, la culture sécurité reste souvent l’un des piliers les plus négligés. Pourtant, c’est elle qui, bien plus que des procédures ou des indicateurs, détermine la résilience d’une entreprise face aux risques.
Mais comment favoriser cette culture ? Comment mobiliser les équipes au-delà des discours ? Une piste inattendue, mais de plus en plus explorée, consiste à remettre le jeu, la réflexion collective et la remise en question au centre du processus.
1. Culture sécurité : un concept flou ou un levier de performance ?
Dans bien des entreprises, la culture sécurité est évoquée de manière floue. Elle se confond avec la conformité réglementaire, les audits ou encore le nombre d’accidents avec arrêt. Pourtant, elle ne se résume pas à ces éléments.
La culture sécurité désigne l’ensemble des croyances, des valeurs, des pratiques et des comportements partagés au sein d’une organisation concernant la gestion des risques et la prévention. Elle se traduit concrètement par la manière dont les collaborateurs perçoivent les dangers, prennent des décisions dans l’incertitude, signalent les incidents, ou encore abordent les écarts de comportement.
Une culture sécurité solide n’est pas une collection de règles appliquées mécaniquement : c’est une posture collective et volontaire. C’est aussi une condition de compétitivité durable, car elle améliore la fiabilité, renforce la confiance des parties prenantes et réduit les coûts liés aux défaillances humaines.
2. Pourquoi est-il si difficile d’améliorer la culture sécurité ?
Les freins sont nombreux. Parmi les plus courants :
- Le sentiment de déjà-vu : les campagnes de sensibilisation sont parfois perçues comme des injonctions descendantes peu connectées à la réalité du terrain.
- Le manque d’engagement managérial : si les cadres n’incarnent pas les messages sécurité, ils perdent toute crédibilité.
- La peur de parler : dans certaines organisations, signaler un incident ou une erreur expose à des sanctions, au lieu de favoriser un apprentissage collectif.
- La complexité des systèmes : plus les process sont rigides, moins les collaborateurs s’y reconnaissent, et plus ils développent des stratégies d’évitement.
La transformation culturelle nécessite donc des déclics individuels, mais aussi une dynamique de groupe. C’est là qu’intervient une approche innovante : utiliser des formats participatifs et ludiques pour créer cette impulsion.
3. Quand le jeu devient un outil stratégique
On pourrait penser que jouer n’a pas sa place dans une démarche aussi sérieuse que la prévention des risques. Et pourtant, les sciences cognitives et les retours d’expérience terrain montrent le contraire.
Le jeu, lorsqu’il est bien conçu, permet de :
- Mobiliser l’intelligence collective en sollicitant les expériences de chacun.
- Favoriser l’apprentissage par l’expérimentation, plutôt que par l’injonction.
- Mettre en débat des pratiques implicites, souvent invisibles dans les process écrits.
- Changer le regard sur la sécurité, en sortant de la posture défensive ou culpabilisante.
Prenons un exemple concret : un atelier en intelligence collective qui propose aux participants de résoudre des situations inspirées de cas réels, à partir de cartes (concepts, actions, cas pratiques). L’objectif n’est pas de gagner, mais de comprendre. On y explore des notions comme la vigilance partagée, les règles d’or, le retour d’expérience ou encore le leadership en sécurité.
Ce type d’atelier permet aux participants de prendre conscience de leurs propres représentations, mais aussi de découvrir celles des autres. Il crée de la réflexivité, un élément clé de la culture sécurité : être capable de s’interroger sur ce qu’on fait, comment on le fait, et pourquoi on le fait ainsi.
4. Trois questions qui valent mieux qu’un long discours
Améliorer la culture sécurité ne se décrète pas. Mais elle peut émerger si l’on prend le temps de se poser — collectivement — les bonnes questions. En voici trois, issues d’ateliers participatifs menés dans des secteurs variés :
Quelle est notre tolérance réelle aux écarts ?
Autrement dit : entre ce que disent nos procédures, et ce que nous acceptons au quotidien, quelle est la marge ? Qui décide, tacitement, de ce qui est acceptable ou non ? Ces zones grises sont souvent les révélateurs d’une culture sécurité en tension.
Comment réagissons-nous lorsqu’un incident survient ?
Est-ce un moment d’apprentissage ? De sanction ? D’oubli ? L’analyse post-événement n’est efficace que si elle est perçue comme juste, ouverte, et tournée vers l’avenir. Sinon, elle génère de la méfiance et de l’auto-censure.
Quand a-t-on parlé de sécurité pour la dernière fois… en dehors d’une réunion officielle ?
Une culture sécurité vivante se manifeste dans les échanges informels, les pauses café, les interactions spontanées. Si le sujet ne surgit que dans les revues trimestrielles, c’est qu’il est vécu comme une contrainte, et non comme un réflexe.
5. Un chantier systémique… mais accessible
Certes, faire évoluer la culture sécurité est une démarche de fond, qui suppose du temps, de la cohérence, et l’alignement de multiples leviers (management, formation, communication, outils…).
Mais l’un des leviers les plus puissants reste l’expérience vécue. À travers des formats participatifs, des jeux sérieux, ou encore des ateliers de type "fresque", il devient possible d'activer la prise de conscience sans générer de rejet.
Dans ces espaces, les collaborateurs explorent ensemble des situations réelles, identifient les leviers d’amélioration et co-construisent des plans d’action pragmatiques. Ils deviennent alors auteurs de leur culture sécurité, et non simples destinataires de consignes.
Conclusion : La sécurité est une compétence collective
Dans un environnement incertain, les entreprises les plus performantes ne sont pas celles qui ont les règles les plus strictes, mais celles qui savent réagir vite, apprendre en continu et mobiliser leur collectif autour d’objectifs communs.
La culture sécurité n’est pas un état à atteindre, mais un mouvement à entretenir. Pour cela, rien de tel que de se poser ensemble les bonnes questions, dans un cadre bienveillant et structuré. Car derrière chaque question bien formulée, il y a souvent une opportunité de progresser.
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Auteur : Aegide International.