OGM: la Commission désavouée par 22 pays

L’interdiction de cultiver du maïs OGM (1) en Autriche et Hongrie a été confirmée lundi 2 mars par un vote à la majorité du conseil Environnement, désavouant la Commission. Saluée par les associations et le Meeddat, cette décision conforte le moratoire français sur le maïs MON 810 qui devrait être bientôt réexaminé.

«C'est un résultat très sévère pour la Commission», a déclaré à l’AFP Jean-Louis Borloo, ministre français de l’environnement. Réunis au sein du conseil Environnement, les 27 ministres de l’Union européenne (UE) devaient se prononcer sur la proposition de la Commission visant la levée de trois clauses de sauvegarde (2) qui permettent une interdiction de culture temporaire du maïs Mon 810 (Monsanto) en Autriche et Hongrie, et du maïs T 25 (Bayer) en Autriche. Or cette requête a été rejetée par 22 Etats membres sur 27, «à une large majorité qualifiée, sans précédent sur le sujet», selon le Meeddat. Les votes «contre» ont totalisé 282 voix sur 345 pour le Mon 810 (278 voix pour le T 25), dépassant le seuil requis des 255 voix. Seuls 5 pays, l'Estonie, la Finlande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, et la Suède ont voté «pour». «Les votes de l'Allemagne, de la Belgique et de l'Espagne ont été déterminants», a souligné à l’AFP Jean-Louis Borloo.

Le conseil Environnement a ainsi confirmé ses votes antérieurs de 2006 et 2007 (3). Entre temps, les données sur les impacts environnementaux des OGM fournies par l’Autriche et la Hongrie ont été jugées non pertinentes par l'Agence européenne pour la sécurité des aliments (Efsa) qui a conclu à l’absence de risque. Si la majorité n’avait pas été atteinte, la Commission aurait donc pu imposer la levée des interdictions.

Ce vote est une bonne nouvelle pour les partisans du moratoire français sur le Mon 810, adopté en février 2008, et qui s’inquiétaient de sa remise en cause suite à la publication du rapport controversé de l’Afssa (4). «Après avoir admis celle de nos voisins, il n’y a pas de raison que les Etats membres s’opposent à la clause de sauvegarde française», souligne Lylian Le Goff de France nature environnement (FNE). Sur demande de la Commission, l’arbitrage pourrait être rendu dans les prochaines semaines par les ministres européens suite à l’échec d’obtention d’un accord par les experts le 16 février (5). L’association Greenpeace qui se réjouit «du désaveu infligé à la Commission», appelle les ministres à le confirmer lors du vote sur les moratoires français et grec.

In fine, la décision la plus attendue est celle du renouvellement de l'autorisation du Mon 810 prévu cette année. «Nous souhaitons que soient maintenues les clauses de sauvegarde nationales jusqu’à ce qu’une décision soit prise sur le renouvellement éventuel de l’autorisation de ces OGM», indiquent le ministre chargé de l’environnement et la secrétaire d’Etat à l’écologie dans le communiqué du Meeddat.

Les ministres européens de l'environnement ont en outre réaffirmé leur volonté d’une évaluation renforcée «prenant en compte les particularités territoriales et les impacts potentiels des OGM à moyen et long terme», conformément aux conclusions du conseil Environnement du 4 décembre dernier (6). Le Conseil a d’ailleurs justifié son vote en rappelant que le maïs Mon 810 n’a pas encore été réévalué conformément aux nouveaux critères harmonisés sur le risque environnemental introduits par la directive 2001/18/EC qui remplace la directive 90/220/EC par laquelle le Mon 810 avait été approuvé. «Ce vote prouve que le principe de précaution est de plus en plus reconnu au sein de l’UE», souligne Lylian Le Goff. «Une instance indépendante, pluridisciplinaire, et dotée de moyens pour réaliser des contre-expertises doit être mise en place afin qu’une véritable évaluation des risques puisse être conduite», souligne-t-il, arguant que les évaluations actuelles se fondent uniquement sur les dossiers fournis par les industriels.

«A force de jouer les garçons coursiers pour les firmes de biotechnologie, José Manuel Barroso s’est fait désavouer, déclare Christian Berdot de l’association des Amis de la terre. Il était temps que les votes des Etats membres représentent enfin la volonté de l’immense majorité des citoyens européens.»

(1) Organismes génétiquement modifiés
(2) Selon la législation européenne, un Etat membre a le droit d'appliquer une clause de sauvegarde temporaire contre un OGM, malgré l’autorisation européenne, en invoquant de nouvelles informations scientifiques mettant en doute l'innocuité de ce produit.
(3) Dans le JDLE «Bras de fer à Bruxelles sur le maïs génétiquement modifié en Hongrie»
(4) Dans le JDLE «Maïs Mon 810: l’étrange publication du rapport de l’Afssa»
(5) Dans le JDLE «OGM: la France conserve sa clause de sauvegarde»
(6) Dans le JDLE «Les ministres européens de l’environnement réclament une meilleure évaluation des impacts des OGM»

Les experts en colère

Un collectif d'experts sur les OGM, regroupant des scientifiques de l’Efsa et de l’Afssa, a lancé lundi 2 mars une pétition dénonçant «le dénigrement, voire la diffamation dont ils sont l'objet» et réaffirmant leur «indépendance de toute appartenance à un groupe d'intérêts en relation avec leur mission», selon l’AFP. Faisant allusion à la polémique suscitée par le récent avis de l’Afssa, ils considèrent que «les conclusions de leurs expertises ne doivent pas servir de prétextes à des prises de positions basées, en réalité, sur des arguments économiques, sociologiques ou politiques».

Auteur : par Sabine Casalonga, JDLE

Réactions...

bocielbleu le :

Le problème, c'est qu'on n'a aucun recul réel sur les véritables effets des OGM. Si ce n'est que ces OGM ont la particularité d'être rendus stériles, du fait de la modification génétique, induisant une dépendance économique des agriculteurs vis à vis des firmes productrices des graines génétiquement modifiés, condamnés à acheter indéfiniment ces graines.
De toutes façons, ces firmes n'auront pas dit leurs derniers mots et feront tout pour obtenir tôt ou tard gain de cause.
Mais une chose est sûre : les consommateurs ne sont pas obligés d'acheter ces produits; A chacun de pouvoir discerner ce qui est bon pour lui. Il existe encore un nombre certain de produits sains, non génétiquement modifiés qui sont effectivement bons pour la santé...

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