J'ai trouvé une comparaison qui pourrait donner une idée de l'inefficacité de la médecine du travail. Cette comparaison est violente, elle n'a qu'une valeur relative, mais elle fait son effet.
Là, j'en vois qui pensent déjà, " au moins elle reconnait que ça sert à rien ". Pas du tout, je pointe les dysfonctionnements qui en font une machinerie inefficace. Allons-y.
Imaginons, une discussion au gouvernement haïtien : un ministre propose avant le tremblement de terre récent, une mesure pour mettre des normes anti-sismiques sur les bâtiments en construction neuve, en même temps que la reconstruction des bâtiments administratifs stratégiques en norme anti-sismique, et des mesures de prévention publique (formation des populations, refuges). Le ministre argumente, il avance que la faille risque de donner encore des secousses et que dans l'état actuel, les sismologues prévoient que des secousses importantes détruiraient la plupart des bâtiments et pourraient faire mourir un grand nombre d'habitants. Un silence se crée autour de sa proposition, tout le monde se regarde, personne ne répond. Puis, le chef du gouvernement se lève et balaie la proposition rapidement en estimant que tout cela serait bien trop coûteux. Trop cher, Monsieur.
Quelques mois plus tard, un tremblement de force 7 sur l'échelle de Richter détruit la ville et tue au moins 150000 personnes, nécessite des moyens internationaux colossaux, mobilise des centaines de secouristes du monde entier. Trop cher la prévention. Oui. Trop cher.
Voilà ce qui arrive à un médecin du travail qui présente des risques professionnels importants et les moyens de les prévenir dans un certain nombre d'entreprise: trop cher, trop coûteux, Docteur . Les échafaudages, trop cher, les aspirations pour les poussières de bois ? trop cher. Diminuer les cadences et adapter les postes de travail des ouvriers, trop cher. Les laisser prendre des pauses, (où ils pourraient se parler, quelle horreur), trop cher. Réparer la machine qui sort des pièces non conformes, trop cher, on préfère mettre la responsabilité sur ceux qui contrôlent les pièces, ils font trop de "non-conformités", ou ils laissent passer trop de défauts, ça c'est moins cher. Faire du désamiantage dans les normes, trop cher. Évacuer les fumées de soudage, trop cher. Prévoir de meilleurs délais pour les chantiers pour faire face aux aléas, trop cher.
Oui, toute la prévention a un coût, mais un mort sur un chantier a un coût aussi, 150000 morts de l'amiante a un coût. Et ce n'est pas en mettant dans le plan Santé-travail qu'il faudrait moins d'obèses dans les entreprises (cf Plan 2004-2009) qu'on va faire avancer les choses sérieusement. Ce n'est pas en donnant aux directeurs des services les commandes de la prévention en entreprise qu'on sera proche des difficultés de terrain.
L'indépendance des médecins du travail souvent prônée pour défendre le métier sert aux médecins à pouvoir mettre le doigt là où la prévention sera la plus efficace: poussières de bois, travail en hauteur, risque chimique, les projets transversaux ont un intérêt mais les projets de santé publique comme le sevrage tabagique ou la minceur des salariés n'augmentera pas la prévention des risques professionnels. L'indépendance des médecins du travail donne l'impression qu'alors les médecins n'en feraient qu'à leur tête, mais elle garantit que ces médecins gardent sur les entreprises ce regard extérieur précieux à ceux qui "ont le nez sur le guidon".
En attendant, les médecins n'ont toujours eu comme rôle de n'être que des conseillers...parfois transformés en bouffons: "la prévention mouhahah docteur, trop cher". Jusqu'à ce qu'on doive faire face à 24 suicides, 100000 morts de cancers, 30 morts et 2500 blessés par explosion, etc...Pour l'instant, les médecins parlent, les entreprises continuent comme ça.
A cette heure de la réforme de la médecine du travail, comment les écrits des médecins du travail sur la prévention des risques professionnels vont-ils être pris au sérieux ?
Auteur : Sentinelle
David22 le :
On parle plutôt de constructions para-sismique que anti-sismique...
SW le :
Le hic, c'est que le beau rôle que vous décrivez au médecin du travail, n'est pas tout-à-fait celui auquel il s'adonne le plus... Dans ma Société, il est venu une fois, a fait 2/3 recommandations, et c'est tout. Ah non, pas exactement tout: il fait, seulement une fois tous les 2 ans,subir à son centre une visite de contrôle à chacun de mes collaborateurs. Visite bien incomplète, (rien à voir par exemple avec ma visite médicale d'aptitude physique et mentale au pilotage d'avions, chez un médecin agréé, qui ne coûte que 40 euros). Je rappelle qu'en moyenne, la médecine du travail coûte 80 euros par an et par personne. En gros, donc, 160 euros pour une visite d'aptitude de base. Pas mal!
Je pensais que la mission de la MT pouvait aller plus loin, et j'ai par exemple demandé à la mienne, au début de la pandémie grippale si elle ne trouvait pas que rentrait dans ses fonctions "régaliennes" de prendre en charge l'achat et la distribution à ses adhérents de masques, puisqu'elle connait les distributeurs, est bien placée pour connaitre les effectifs et les conditions de travail de ses adhérents. De plus, le coût mutualisé sur lesdits adhérents aurait permis des tensions de trésorerie moins fortes, à une époque assez dégradée.
J'ai bien évidemment reçu une fin de non-recevoir: "Ceci ne nous concerne absolument pas" Ah bon????!!!!
Je fais partie de ceux qui en ont assez de payer autant pour si peu.
MARTIN le :
Commentaire sur un commentaire :
On a la Médecine du Travail que l'on se donne et/ou que mérite !!
jam le :
à M. SW,
La base de fonctionnement des services inter-entreprises de santé au travail (ex-Médecine du travail) est une association de droit privé type loi 1901 à but non lucratif.
En tant qu'association, votre service est certainement dirigé par un Conseil d'administration doté de membres élus représentant les employeurs (puisque d'après le code du travail, c'est aux employeurs à "organiser" la mise en œuvre d'un suivi médical). Je vous propose donc de vous investir à faire bouger les choses puisqu'elles ne vous conviennent pas. De nombreux employeurs se plaignent mais très peu veulent bien participer à la gouvernance de leur service.
Soyez logique avec vous même.
De plus, vous ne nous précisez pas le secteur de votre société, mais je pense que vous comprendrez que compte tenu des très fortes pénuries de médecins du travail, ceux qui sont présents se concentrent sur les entreprises à risques. Entre des salariés dans un bureau d'études informatiques et ceux travaillant dans l'huile de coupe entière génératrice de cancer de la peau ou ceux soudant avec des dérivés cancérigènes de cadmium... un choix est à faire.
Enfin, peut être ne savez vous pas que ces services sont en pleine mutation et que depuis quelques temps, ils se dotent progressivement d'ingénieurs sécurité, d'ergonomes ou de toxicologues qui peuvent vous accompagner, en parallèle au suivi médical, sur la réponse à vos obligations réglementaires. Renseignez vous auprès de votre service.
MM's le :
Article remarquable de la part de l'auteur.
Commentaire remarquable, de Jam du 04 février dernier...
C'est sûr, à force de se voiler la face, vis-à-vis de la Prévention-sécurité-santé, on n'a plus que ses yeux pour pleurer... Les morts, les conséquences pénalisantes au niveau tant humain, que matériel, que financier, etc... Les médecins du travail n'ont pas toujours la tâche facile... La Prévention, la santé, la sécurité, avant d'être une question de bon sens, c'est une question d'Etat d'esprit...
lecteur le :
L'article est très bon et les commentaires également.
Peut-être que le problème vient très simplement du manque de médecin...
Dans ce cas, il est inutile de vouloir ajouter des taches supplémentaires à des personnes débordées.
Il y a maintenant des IPRP qui pourraient peut-être pallier à ce manque de prévention.
Mais qui connaît vraiment les IPRP ?
Pour ce qui est du financement, de grâce, ne tapez pas encore dans la poche des petites entreprises, faute de quoi elles finiront par tout faire produire hors de France...
Il y a par contre des organismes étatiques ( comme la Cram ) avec des effectifs pléthoriques qui pourraient très certainement donner un peu de budgets pour la prévention au lieu de ne faire que de la répression...
Car finalement tout le monde est pour la prévention, même le "patron", c'est donc uniquement une question d'organisation mais, peut être que nous avons maintenant en France trop d'organisations et plus personne ne sait qui est responsable de quoi...