Comme la grande majorité des pays industrialisés, la France doit faire face au vieillissement de sa population. L'évolution démographique pose la question du maintien dans l'emploi des salariés âgés. Les enjeux sont de taille : endiguer les risques de pénuries de main d'oeuvre et préserver l'équilibre des régimes de retraite. Le vieillissement de la population active est aussi l'occasion d'engager une réflexion approfondie sur les conditions de travail. Leur amélioration apparaît en effet comme un levier important pour maintenir les seniors dans l'emploi et prévenir l'usure prématurée de l'ensemble des salariés.
Aujourd'hui, moins de 37 % des 55-64 ans exercent une activité professionnelle. Cette particularité place la France en queue de peloton des pays européens en matière de travail des seniors. Bien que l'âge légal soit fixé à 60 ans, en 2009, l'âge moyen du départ en retraite était de 57,7 ans. Le recours aux préretraites a largement contribué à accélérer la sortie du monde du travail des salariés les plus âgés. Les inaptitudes définitives représentent une autre cause de cessation d'activité. Certaines entreprises risquent à présent de perdre l'expérience et les compétences nécessaires à leur réussite. Le sous-emploi des seniors met également en péril l'équilibre des régimes de retraite par répartition. Pour la plupart des gouvernements européens, le maintien des seniors dans l'emploi constitue désormais une priorité. En France, cette volonté politique s'est traduite par l'adoption d'une loi obligeant toutes les entreprises de plus de 50 salariés à établir un plan d'action relatif à l'emploi des 55-64 ans.
Avec le temps...
Le vieillissement est un processus normal, qui démarre dès qu'un être humain a terminé sa croissance, vers l'âge de 20 ans. À mesure qu'un individu vieillit, il multiplie les expériences de vie, au travail et au-dehors, qui vont venir enrichir ses compétences, ses connaissances, et contribuer au développement de sa conscience professionnelle. Sur le plan fonctionnel en revanche, on observe un déclin mais, dans de bonnes conditions, celui-ci reste modéré. Certes, la force physique diminue, le salarié devient moins rapide, il voit diminuer ses capacités de récupération ; mais à 60 ans, un salarié en bonne santé dispose encore de 80 % des potentialités dont il disposait à l'âge de 20 ans, il a donc de toutes les capacités fonctionnelles pour assurer son travail pourvu que les conditions s'y prêtent. Par ailleurs, l'expérience acquise lui permet de compenser certaines faiblesses par l'organisation et l'anticipation. Cela suppose qu'on lui laisse les marges de manœuvre lui permettant de mettre son expérience à profit. S'il n'est pas contraint par des situations qui l'obligent à puiser exagérément dans ses réserves physiques ou mentales : contraintes temporelles fortes (travail à la chaîne, cadences imposées par des machines ou des collègues plus jeunes), manutention de charges lourdes ou maintien de postures pénibles, travail de nuit ou posté, changements techniques ou organisationnels brutaux... le salarié senior est en mesure de fournir un travail de bonne qualité, voire de s'épanouir dans son travail.
De meilleures conditions de travail
À 60 ans, l'état de santé des salariés varie selon les activités pratiquées tout au long de leur parcours professionnel. La durée d'exposition aux contraintes augmente avec l'âge, et les pénibilités se cumulent. Un environnement professionnel trop sollicitant peut provoquer l'usure prématurée des salariés, ce qui pose un double problème : celui du maintien dans l'emploi des seniors, mais aussi celui de l'usure prématurée des jeunes. L'amélioration des conditions de travail ne peut pas se réduire à un simple transfert des pénibilités vers les plus jeunes ; elle doit bénéficier à toutes les catégories de salariés. Ce faisant, elle contribuera à la bonne santé globale de l'entreprise. Cela suppose par exemple d'alléger le travail physique grâce à des assistances mécaniques ou en automatisant les tâches les plus pénibles. On peut encore instaurer une rotation des tâches pour éviter les gestes répétitifs sur des longues périodes. Il s'agit également d'éviter de fixer arbitrairement des délais trop courts ou irréalisables, d'optimiser l'organisation du travail pour préserver les marges de manœuvre : réguler son activité, mettre en place des stocks tampons, optimiser ses déplacements... Des adaptations ergonomiques spécifiques peuvent enfin être réalisées, prenant par exemple en compte les modifications de la vision qui surviennent avec l'avancée en âge. Cependant, la prévention des risques pour les salariés vieillissants doit s'envisager de façon globale, dans le cadre d'une politique d'amélioration des conditions de travail.
Valoriser les parcours et les expériences
Pour qu'un salarié senior se maintienne dans son emploi, continue à y fournir un travail de qualité et s'y sente bien, il est nécessaire qu'il soit en bonne santé, mais aussi compétent et motivé. Le maintien de la compétence passe notamment par la formation. Malheureusement, on observe que le taux d'accès à la formation continue chute de moitié pour les salariés de plus de 45 ans. Ce déséquilibre est la conséquence de préjugés selon lesquels les capacités d'apprentissage diminueraient au-delà de cette limite. Or, l'apprentissage est possible à tout âge. Les méthodes pédagogiques doivent simplement faire davantage appel aux acquis de l'expérience qu'à des cours purement magistraux. Enfin, la motivation au travail passe par l'évolution des représentations liées au vieillissement, mais aussi par le développement de l'attractivité ! de l'emploi pour les seniors : espoir de progression, de développement, projets... permettront au salarié senior de rester investi dans son travail, et de faire bénéficier les plus jeunes de son expérience, par exemple à travers la pratique du tutorat. Ainsi se conserveront et se transmettront les savoirs et savoir-faire indispensables à la réussite d'une entreprise.
En savoir plus :
- Publication : "Bien vieillir au travail"
- Publication : "L'emploi et la santé au travail des seniors en Europe"
- Article [PDF] : "D'une gestion par l'âge à une gestion des âges"
- Site web : "Priorité seniors"