La prévention des risques liés à l’utilisation de produits CMR : un enjeu de santé au travail
La prévention des risques liés à l’utilisation de produits « CMR » (cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques) est une des priorités retenues dans le PNSE (plan national santé-environnement) et le PST2 (plan santé au travail n°2, 2010-2014). En effet, diverses enquêtes et données quantitatives justifient cette vigilance : le nombre de cancers en progression dans les pays industrialisés, l’utilisation croissante de produits chimiques, dont CMR (4,8M de T en 2005) ; une enquête CRAM –DRTEFP en 2005 portant sur 1782 entreprises montre que 2 entreprises sur 5 utilisent des CMR de catégories 1 et 2 ; dans l’enquête SUMER de 2003, 13% des salariés sont exposés aux risques chimiques liés à l’utilisation de CMR.
D’autre part, de rares enquêtes montrent la difficulté des entreprises à se saisir de ces risques (ex : campagnes de contrôle du ministère du travail sur l’utilisation de plusieurs CMR en 2006 et sur les activités du bois en 2008) et de nombreux travaux ont montré la sous-estimation des cancers liés au travail. Dans ce contexte, identifier le danger, communiquer sur les risques liés aux CMR apparaît être un a priori pour la prévention, la prévention primaire en particulier.
Pourquoi une démarche d’étude-action sur l’approche de ces risques dans les entreprises ?
Dans le cadre d’un appel à projet de lNCA (Institut du Cancer), l’ARACT de Picardie, en collaboration avec l’Université Picardie-Jules Verne et l’ANACT, réalise une étude-action afin de mieux comprendre la représentation de danger et des risques CMR, les démarches de prévention, leurs freins et les conditions de progrès.
L’étude-action a concerné 9 entreprises Picardes (volontaires et signataires d’une convention). Sur la base d’analyse documentaire, d’observations des situations de travail, entretiens individuels (70 entretiens dont 9 chefs d’entreprise, 5 médecins du travail, 3 techniciens de la CARSAT) et collectifs, nous nous sommes attachés à mettre en lumière les ressources de l’activité individuelle et collective en matière de prévention du risque CMR, au plus près du travail.
Un état des lieux de la situation des risques cancérogènes a été fait dans les activités concernées par les entreprises volontaires (FAR : fiches d’aide au repérage INRS, bibliographie), ainsi que de la démarche de prévention de l’entreprise et de la connaissance et de la représentation qu’en ont les différents acteurs. Il y a eu 70 entretiens (individuels pour la plupart) concernant le dirigeant, des opérateurs, cadres intermédiaires responsables sécurité, CHSCT ou DP,…) et leurs partenaires en prévention (médecins du travail et IPRP des SST, contrôleurs des CRAM, inspecteurs et contrôleurs du travail). Ces entretiens ont été complétés par des observations des situations repérées lors de l’état des lieux, choisies en concertation avec l’entreprise.
Les réunions de travail associant les acteurs de l’entreprise (choix des situations ciblées, réunion de travail autour de la restitution des résultats) ont permis également d’enclencher une réflexion sur les conditions permettant une approche des expositions aux risques CMR, sur la dynamique des acteurs en faveur d’une prévention de ces risques et d’avoir un regard sur les ressorts et les freins.L’étude-action permet d’éclairer les questions suivantes :
- En quoi, détecter, mais aussi parler de ces risques est un enjeu pour la prévention ? Faisant l’hypothèse que les représentations des salariés et des dirigeants (centrées sur certaines voie de pénétration sous estimant les autres, des croyances de surprotection, les peurs et le déni du risque) font obstacle à la prise de conscience et la communication, au partage de connaissances sur les risques cancérogènes dans les entreprises.
- En quoi la nature même des CMR présente des difficultés particulières pour leur repérage dans les entreprises, y compris pour leurs spécialistes en hygiène et sécurité ? Faisant l’hypothèse que le lien santé-exposition (« petites expositions répétées », effets différés) rend plus complexe l’approche de ces risques, et demande une approche fine des situations de travail.
- La prévention résulte-t-elle d’une construction collective ? Faisant l’hypothèse que la connaissance des situations de travail n’est pas partagée ou mal partagée entre les Directions d’entreprises et les personnels, quelles seraient les conditions d’une telle construction, au plus près du travail réel ?
A partir des monographies restituées aux entreprises, les résultats obtenus contribuent à développer ce questionnement en mettant en perspective les résultats d’investigation et la démarche d’étude/action elle-même, en tant qu’objet d’analyse.
Auteur : CESTP ARACT
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