Les décrets qui déterminent le contenu de la fiche pénibilité ainsi que l'arrêté qui en fixe le modèle ont été publiés au journal officiel du 31 janvier (notre article). Les entreprises disposent maintenant de tous les textes pour passer à la rédaction de leurs fiches, sachant qu'une circulaire doit encore être publiée.
Quelles expositions consigner ?
Certaines entreprises qui ont entamé le travail de rédaction des fiches nominatives se demandent si elles doivent y consigner les expositions antérieures à 2012. Les avocats conseils d'entreprise que nous avons interrogés répondent tous par la négative. Pour Marie-Laurence Boulanger, avocat associé au sein du cabinet Fromont Briens, "les entreprises n'ont nullement l'obligation de retracer dans ces fiches les expositions antérieures au 1er janvier 2012".
Il résulte en effet de l'article 118 de la réforme des retraites que les fiches pénibilité concernent "les expositions intervenues à compter d'une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2012". En l'absence de date figurant dans les décrets, il st possible de s'en tenir aux expositions survenues à partir du 1er janvier 2012.
Nul besoin de retracer la carrière de chacun des salariés avant cette date. "La fiche pénibilité ne commence qu'à partir du 1er janvier ", confirme Michel Ledoux, du cabinet Ledoux et associés.
Quid des expositions aux agents chimiques ?
Attention toutefois, concernant notamment les salariés exposés aux agents chimiques dangereux, même si l'ancienne fiche d'exposition disparaît au profit de la fiche pénibilité, la traçabilité des expositions est une obligation de l'employeur depuis 2001 (pour les CMR) et 2003 (pour les autres agents chimiques dangereux). Pour des raisons pratiques, il peut être logique de reporter les expositions aux agents chimiques antérieurement au 1er janvier 2012. Cependant, l'article 4 du 2eme décret (voir ici) précise que sinon, lors du départ du salarié, il faudra lui remettre aussi la fiche d'exposition aux agents chimiques validée jusqu'au 31 janvier 2012 (définie par l'ancien article R4412-58) en plus de la fiche pénibilité.
Expositions réelles ou potentielles ?
Dès l'instant, que le salarié est exposé à l'un au moins des facteurs de pénibilité listés par le décret et mentionnés dans le modèle, l'employeur, quels que soient ses effectifs, doit rédiger une fiche nominative. Peu importe aussi le niveau d'exposition. Si le salarié est exposé, une fiche doit être rédigée. "Dès l'instant que l'exposition est effective, explique Franck Dremaux, avocat associé du cabinet PRK, une fiche doit être rédigée".
Qu'en est-il lorsque l'exposition est seulement éventuelle compte tenu des mesures de prévention collectives mises en oeuvre ? Faut-il pour ces salariés rédiger une fiche ? "Le modèle prévu par l'arrêté sème le trouble car il mentionne les mesures de prévention", admet Franck Dremaux. Michel Ledoux estime lui que "puisque l'employeur doit indiquer ces mesures de prévention, doivent y figurer les salariés potentiellement exposés".
Le CHSCT a intérêt à s'intéresser à ces fiches
Sur ces questions, l'approche des avocats conseils des syndicats et salariés paraît différente de celle des avocats travaillant pour les entreprises. Certes, la rédaction de ces fiches d'exposition est un acte unilatéral de l'employeur sur lequel les élus du personnel ont peu de levier d'action, admet Guillaume Letertre, avocat du CHSCT d'Areva, mais le CHSCT peut tenter de dire son mot s'il est en désaccord sur le contenu de ces fiches, le problème étant qu'il na pas accès à ces fiches nominatives.
Le CHSCT, tout comme les syndicats, est en effet très attaché à la traçabilité des expositions subies par un salarié. Or pour avoir un sens, cette traçabilité, juge un avocat, doit remonter "à partir du moment où le salarié est entré dans un poste exposé". En cas de contentieux ultérieur sur ces fiches, ajoutent certains avocats qui voient monter de façon importante le nombre de contentieux liés à la retraite et à la pénibilité, qui peut savoir dans quel sens trancherait la Cour de cassation : application limitative de l'arrêté ou vision plus extensive...
Document à télécharger : L'arrêté du 30/1/2012 (modèle de fiche d'exposition)
Auteur : Par Rédaction des Actuel, actuEL-HSE.
Pour découvrir actuEL-HSE.fr gratuitement pendant 2 semaines, cliquez ici.
Sur le même sujet : Fiche de prévention des expositions à certains facteurs de risques professionnels Par Marie-Thérèse Giorgio, AtouSante.com.
JOEL le :
Je trouve cette prise de position un peu hative, en effet, la date de prise de poste figure bien sur la fiche de pénibilité, il faut donc bien mentionner la date à laquelle le salarié est entré à ce poste. Vous ne pouvez pas indiquer qu'un salarié est soumis depuis le 1 janvier 2012 à des facteurs de pénibilité alors qu'il travaille depuis 20 ans au même poste pénible !
Le point de vue ne doit pas être juridique mais de bon sens.
Joël
C. Pachoud le :
Voici mon analyse :
Il faut distinguer période d’exposition et facteurs de pénibilité.
En effet, les décrets n’imposent pas de retracer les périodes d’exposition antérieures à 2012.
De ce fait, les facteurs de pénibilité à retenir dans la fiche de prévention seront ceux qui préexistent au 1er janvier 2012.
Par exemple, si le risque vibration était présent pour une certaine catégorie de salariés dans une entreprise avant 2012 et qu’il a disparut (de fait notamment d’actions de prévention), il n’a pas lieu d’être consigné dans la fiche de prévention.
La date du 1er janvier doit donc être prise en compte pour l’identification des facteurs de pénibilité préexistants.
Seules les expositions survenues depuis le 1er janvier 2012 doivent faire l’objet d’une fiche. Cependant, la rédaction de cette fiche n’exonère par l’employeur de sa responsabilité éventuelle pour toutes les expositions antérieures au 1er janvier 2012.
Par contre, concernant un facteur de pénibilité présent au 1er janvier 2012, il est nécessaire de mentionner la date à laquelle le salarié est entré dans le poste concerné et cette date peut être antérieure à 2012.
Pour reprendre l’exemple des agents chimiques dangereux, la même logique doit être adoptée mais en prenant en compte l’exposition des salariés, non au 1er janvier 2012, mais au 1er janvier 2003 (c’est à dire l’ancienne fiche disparaît pour laisser sa place à celle sur la pénibilité sans pour autant écraser les données antérieures).
Cordialement,
Christophe Pachoud.
Webmaster le :
Un grand merci pour avoir partagé votre analyse avec nous, elle est très pertinente.