Harcèlement moral en cascade : l'entreprise doit sensibiliser ses managers

Classé dans la catégorie : Général

Une entreprise ne peut pas licencier pour faute grave un salarié auteur de faits de harcèlement moral à partir du moment où lui-même est victime de harcèlement. Seule la cause réelle et sérieuse peut être retenue dans cette situation où l'entreprise n'a pas sensibilisé ses managers à la question.

Le harcèlement moral peut faire tâche d'huile au sein d'une entreprise : le harcelé devient alors lui-même harceleur. Tel était le cas dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt du 29 janvier dernier. Les juges ont eu à se pencher d'une part sur le harcèlement moral dont se plaignait un salarié et d'autre part sur le harcèlement dont lui-même aurait fait preuve à l'égard de ses collaborateurs. Dans ce cas, l'entreprise ne peut pas se dédouaner de sa propre responsabilité dans ces harcèlements en cascade, avertit la Cour de cassation.

Licencié pour avoir harcelé son équipe

Un salarié est embauché en 1986 en tant que chef de vente d'une société automobile, concessionnaire de Renault. Il se voit par la suite confier la responsabilité de deux sites de la société. En 2007, il fait une tentative de suicide, à la suite de laquelle il est en arrêt de travail pendant deux mois. A l'issue de son arrêt de travail, il est déclaré apte à son poste par le médecin du travail. Un an après, le salarié est convoqué à un entretien préalable de licenciement et mis à pied à titre conservatoire suite à un incident avec l'un de ses collègues. Il lui est reproché "un management constitutif d'un harcèlement". Mais le salarié estimant avoir lui-même été victime de harcèlement conteste son licenciement en justice.

Un harceleur lui-même harcelé

Le salarié soutient qu'il a été soumis à une pression insupportable en vue d'atteindre des objectifs de plus en plus élevés. Il rappelle sa tentative de suicide motivée par un état dépressif dus aux agissements de son employeur qui l'a démis d'une grande partie de ses fonctions devant ses collaborateurs. Par ailleurs, le contexte a peut-être également joué un rôle, comme le rappelle l'une des attestations d'un collègue, l'entreprise ayant été rachetée deux fois, en 2001 puis en 2006, et a subi à chaque fois un changement de méthode et des nouvelles procédures.

La cour d'appel, comme la Cour de cassation, reconnaissent le harcèlement moral dont il a été victime. "Le changement de propriétaire et de dirigeant de la société en 2001 puis en 2006, s'était traduit, pour l'encadrement, par une pression constante et une baisse des moyens et prérogatives, et pour le salarié, par l'impossibilité de mener une vie familiale normale et une dégradation de son état de santé".

Pas de formation récente au management

Le fait d'avoir été lui-même victime de harcèlement va influer sur la solution retenue par les juges.

Les juges constatent la réalité des faits qui sont reprochés au salarié. Ils tiennent compte des attestations de collègues qui dénoncent un management quasi-militaire et la démission récente de plusieurs collaborateurs qui en aurait résulté. Le salarié lui-même reconnait un "management rigide" mais qui ne confine toutefois pas, selon lui, à du harcèlement moral. Surtout, le manager insiste sur le fait que son employeur "n'ait pas cherché à résoudre le problème par la mise en œuvre de méthodes de gestion différentes, rappelant qu'il n'a pas bénéficié de formation au management depuis 1997".

Des circonstances atténuantes pour le manager

Un argument qui va emporter l'adhésion des juges, qui atténuent la gravité de ses fautes. Si le salarié a bien commis des faits de harcèlement moral justifiant son licenciement, la cour d'appel renvoie l'employeur à sa propre responsabilité. Une position que la Cour de cassation confirme. "Le salarié était lui-même victime de harcèlement moral et l'employeur alerté à plusieurs reprises sur cette situation ne l'avait pas sensibilisé à la difficulté d'exercice de ses fonctions". Dès lors, son licenciement s'il était justifié "ne pouvait reposer sur une faute grave". Seule la cause réelle et sérieuse peut être retenue.

Documents joints : Arrêt du 29 janvier 2013 .

 

Auteur : Par Florence Mehrez, actuEL-HSE.

 
Pour découvrir actuEL-HSE.fr gratuitement pendant 2 semaines, cliquez ici.

Les derniers produits : Toutes les categories