Pour une meilleure reconnaissance des risques psychosociaux : la bataille est régulièrement remise sur le tapis. Après le stress professionnel, c'est au tour du burn-out de faire l'objet de toutes les attentions. Fin janvier 2013, le cabinet d'expertise Technologia a divulgué un chiffre alarmant : en France, plus de 3 millions de personnes auraient un risque élevé de faire un burn-out, soit 12,6 % des actifs. Ce chiffre, tiré d'une étude menée en ligne auprès de 1 000 individus représentatifs de la population active occupée, indique notamment que le travail excessif et compulsif concerne 19 % des cadres. Les plus touchés sont les exploitants agricoles (23,5 %) et les commerçants et chefs d'entreprise (19 %). Cette étude corrobore l'enquête Sumer sur les risques professionnels dont la livraison de mars 2012 indiquait que "la demande psychologique, définie comme la charge mentale qu'engendre l'accomplissement des tâches […], tend à augmenter entre 2003 et 2010 pour toutes les catégories socioprofessionnelles" (voir notre article). Dans la foulée, Technologia a lancé un appel pour "une reconnaissance du syndrome d'épuisement au tableau des maladies professionnelles". D'ores et déjà signé par plus de 4 000 personnes, il est notamment soutenu par deux confédérations syndicales, Force Ouvrière et la CFE-CGC. Le débat est lancé, complexe.
Valérie Langevin, experte des risques psychosociaux à l'INRS (Institut national de recherche et de sécurité), revient sur le phénomène et en analyse les enjeux.
Qu'est-ce que le burn-out ?
Valérie Langevin : Également appelé syndrome d'épuisement professionnel, consécutif à un stress chronique, il se caractérise par trois dimensions qui se mettent en place chronologiquement. D'abord un épuisement physique et émotionnel fort : le salarié se sent vidé, ce qui aboutit à un sentiment de saturation et de lassitude. Il y a ensuite un effet de dépersonnalisation, de mise à distance de l'autre et du travail. Une sensation de gâchis peut envahir la personne touchée par le burn-out. Enfin, cela entraîne inévitablement une diminution de l'investissement au travail.
D'où vient le terme burn-out ?
Valérie Langevin : Le concept scientifique est apparu dans les années 70. Ce syndrome a d'abord été étudié auprès des professions d'aides comme les psychothérapeutes, les soignants et les enseignants ensuite. Dans ces métiers particulièrement, les professionnels peuvent s'user dans la relation à l'autre… devenir carbonisés de l'intérieur. C'est d'ailleurs de là qu'est né le terme burn-out. Puis, dans les années 90, les scientifiques ont étendu le champ de leur recherche à d'autres professions dès lors que l'investissement au travail et dans son métier est important. Cette condition est essentielle pour parler du burn-out et pas seulement de stress chronique.

Ce syndrome d'épuisement peut-il être reconnu comme une maladie professionnelle ?
Valérie Langevin : Le débat sur ce sujet dépasse largement notre cadre hexagonal. En France, pour que l'on puisse parler d'une maladie professionnelle, il faut d'abord qu'elle soit considérée comme une maladie au sens large. Or il n'existe aucun consensus ni national ni international sur le fait que le burn-out soit une maladie en tant que telle. Le débat est donc d'abord scientifique et médical. Mais il est aussi politique car l'entrée d'une maladie dans un tableau des maladies professionnelles s'appuie sur une négociation entre les partenaires sociaux. Plus généralement, aujourd'hui, aucune affection d'origine psychique ne figure au tableau des maladies professionnelles.Quelles seraient les conséquences pour les salariés d'une reconnaissance du burn-out ou d'une maladie liée comme maladie professionnelle ?
Valérie Langevin : D'abord, il faut savoir qu'un salarié peut faire une demande de reconnaissance d'une affection psychique comme maladie professionnelle, par exemple une dépression consécutive à un burn-out. Mais, pour cela, il doit présenter un dossier devant une commission spécialisée [le CRRMP (comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles), NDLR]. De manière générale, à partir du moment où une affection est reconnue comme maladie professionnelle — qu'elle entre dans le cadre d'un tableau ou que ce soit à l'issue du système complémentaire –, il y a un avantage financier pour le salarié, de par la prise en charge automatique des frais médicaux à 100 % par la Sécurité sociale. Une reconnaissance en maladie professionnelle a aussi une portée symbolique forte pour les salariés touchés. Enfin, pour l'entreprise, cela a également des conséquences : comme nous sommes dans un système assurantiel, cela induit une majoration des cotisations mais aussi une incitation à mettre en place des mesures de prévention. Mais pour le burn-out, nous ne sommes pas à l'heure actuelle dans ce cas de figure…
Auteur : Par Manuel Jardinaud, actuEL-HSE.
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