Mais qu'elles aient choisi d'impliquer davantage les salariés, de simplifier les règles de sécurité ou de faire appel à des consultants, toutes constatent qu'il y a du progrès à faire. Et il repose sur les épaules des managers.
Il y a deux ans, Bruno Macchabée se prend "une claque". Son entreprise, dont il dirige le pôle santé-sécurité, a décidé de faire évoluer ses pratiques en termes de culture sécurité. Elle lance diagnostic et questionnaires auprès de ses salariés mais doit se rendre à l'évidence : au vu du "grand décalage" constaté entre les "gens de terrain" et leurs managers en la matière, avant que de parler d'évolution, il va falloir revoir les fondamentaux. Cette entreprise, c'est GRT Gaz, et elle est loin d'être un cas isolé. De nombreuses entreprises comme celle-ci était représentées hier, lors de la conférence annuelle de l'Icsi (Institut pour une culture sécurité industrielle) dont le thème était l'évolution de la culture sécurité.
Trop de règles à appliquer
Pour régénérer cette culture, qu'elles pensent souvent avoir acquise depuis un certain temps (voir notre article), chacune a ses "trucs". Ainsi, Prezioso-Technilor s'est penchée sur le nombre de règles de sécurité en vigueur dans l'entreprise. "On en avait beaucoup", raconte Frédéric Marsac, le responsable QSE du groupe, qui poursuit : "Il fallait qu'on dégage des règles essentielles, des incontournables, applicables par tous nos métiers." Idem chez Bouygues Bâtiment IDF où un socle de cinq règles de base a été élaboré. "Il y avait trop de règles pour qu'elles soient toutes intériorisées et appliquées", argumente Sophie Clerc, chargée de la prévention et de la sécurité au sein du groupe.
Former directeurs et managers
Chez Bouygues, le diagnostic a surtout mis l'accent sur la nécessité de former le comité directeur et la hiérarchie intermédiaire aux enjeux de la culture sécurité. Un constat fait également chez Sanofi, où le diagnostic a été réalisé il y a quatre ans. Pour former directeurs de sites et managers, l'entreprise a même décidé d'organiser des "visites de terrains", là où Total met en place des "ateliers". Testés au sein de la filière angolaise du groupe, ils permettent de faire intervenir médecins du travail et psychologues auprès des salariés cette fois. Une façon, selon Xavier Watremez, ingénieur sécurité, de montrer aux employés qu'ils ont une marge de manœuvre dans la mise en place et l'évolution d'une culture sécurité.
Impliquer les salariés

Susciter l'adhésion et l'engagement du personnel à ce sujet est une des pistes qu'explore Prezioso-Technilor, puisqu'une partie de ses managers et salariés ont été impliqués dans la fabrication de supports de sensibilisation à la sécurité. De même chez EDF. L'entreprise n'ira pas jusqu'à "faire la révolution" – laisser aux salariés l'entière appréhension et gestion de leur sécurité sur les sites – mais Valérie Lagrange, qui travaille sur le management de la sûreté et des facteurs humains pour le groupe, insiste : "Il faut que chacun se sente comptable de la sécurité" (voir notre article). Selon elle, cette prise de conscience passe par des "petites choses". Comme le passage sur le terrain de consultants en facteurs humains, "non pas en remplacement, mais en appui des managers", souligne la responsable.
Le rôle de trop du manager ?
Cette initiative d'EDF met surtout en lumière un élément soulevé par l'ensemble des intervenants invités par l'Icsi hier : peu importe les stratégies déployées par les entreprises pour faire "évoluer" (ou pour créer) leur culture sécurité, elles reposent toujours sur les épaules des managers (voir notre article). Ceux-là même qui se sentent parfois "délaissés" par leur hiérarchie, signale Jean-Paul Cressy, délégué fédéral CFDT. "C'est le rôle des managers de porter la culture sécurité, en plus de tout le reste", renchérit Florence Osty, sociologue et chercheuse spécialiste du travail. "Mais peut-être devrait-on les accompagner pour qu'ils puissent tenir les objectifs, et trouver la posture la plus tenable pour eux ?", ajoute-t-elle. Une prise en compte qui serait une vraie "évolution".
Auteur : Par Claire Branchereau, actuEL-HSE.
Pour découvrir actuEL-HSE.fr gratuitement pendant 2 semaines, cliquez ici.