Travail illégal : les donneurs d'ordre ne doivent pas fermer les yeux

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Un décret du 30 mars 2015 précise les nouvelles obligations des employeurs en matière de lutte contre les fraudes au détachement de travailleurs et contre le travail illégal qui résultent de la loi du 10 juillet 2014. L'obligation de vigilance des donneurs d'ordre et maîtres d'ouvrage est renforcée.

La lutte contre les fraudes au détachement et contre le travail illégal est affichée comme l'une des priorités du gouvernement. En février dernier, le Premier ministre Manuel Valls et le ministre du Travail François Rebsamen ont annoncé un nouveau plan d'action (voir notre article), dont certaines des mesures sont prévues dans le cadre du projet de loi Macron. La loi du 10 juillet 2014 contre le dumping social a déjà renouvelé le cadre légal. Un décret d'application a été publié mardi 31 mars au Journal officiel. Il précise les nouvelles obligations des employeurs qui détachent des salariés en France et l'obligation de vigilance des donneurs d'ordre et des maîtres d'ouvrage.

Lutte contre la concurrence sociale déloyale

Documents à présenter en cas de contrôle

L'entreprise qui détache des salariés sur le territoire français doit être en mesure de présenter un certain nombre de documents en cas de contrôle : l'autorisation de travail, l'examen médical préalable, les bulletins de paie, les documents permettant de vérifier le versement d'un salaire minimum, les horaires de travail, la prise de congés payés et les conditions d'assujettissement aux caisses de congés et intempéries, la convention collective applicable, le paiement effectif du salaire, la désignation d'un représentant de l'employeur. D'autres documents visent à vérifier l'activité réelle de l'employeur : la régularité de sa situation sociale lorsqu'il est hors de l'Union européenne, le lieu de recrutement du salarié, le droit applicable au contrat, le nombre de contrats exécutés.

Désignation d'un représentant

La loi du 10 juillet 2014 a posé le principe d'une désignation d'un représentant de l'entreprise sur le territoire français, chargé d'assurer la liaison avec les agents de contrôle. Le décret précise que ce dernier accomplit au nom de l'employeur les obligations qui lui incombent. L'autorité de contrôle doit être en mesure de connaître son identité précise, ses coordonnées et la durée de sa désignation, qui ne peut excéder la période de détachement.

Déclaration du détachement

L'employeur qui détache un ou plusieurs salariés doit adresser une déclaration, préalablement au détachement, à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation. Cette déclaration, qui doit être adressée à l'unité territoriale de la Direccte chargée des questions de travail dans le ressort de laquelle s'effectue la prestation, est plus détaillée que ce prévoyait le code du travail jusqu'à présent.

La déclaration doit comporter des informations relatives à :

  • l'entreprise et notamment – ajoute le décret – la désignation du ou des organismes auxquels l'employeur verse les cotisations de sécurité sociale ;
  • l'adresse des lieux successifs où doit s'accomplir la prestation, la raison sociale du représentant en France, les dates de la prestation, l'activité principale exercée ;
  • l'identité des salariés détachés et leurs lieux d'hébergements successifs, ainsi que les modalités de prise en charge par l'employeur des frais de voyage, de nourriture et, le cas échéant, d'hébergement.

À noter : le décret prévoit une déclaration spécifique pour les entreprises de travail temporaire.

Obligation de vigilance des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre

La loi du 10 juillet 2014 impose aussi de nouvelles obligations aux donneurs d'ordre et maîtres d'ouvrage, parmi lesquelles l'obligation de vérifier que son sous-traitant respecte bien ses nouvelles obligations et les règles du droit du travail (lire notre article). Le décret précise que le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre demande au sous-traitant avant le début de chaque détachement une copie de la déclaration de détachement transmise à la Direccte et une copie du document désignant le représentant de l'entreprise.

Renforcement des sanctions administratives

La loi du 10 juillet 2014 a renforcé les sanctions en matière de fraude et de travail illégal. Ainsi, l'agent de contrôle qui constate un manquement à l'une de ces obligations transmet au Direccte un rapport. Celui-ci peut alors décider de prononcer une amende administrative. Le Direccte informe l'entreprise du montant de l'amende et l'invite à faire part de ses observations dans les 15 jours. Ce n'est que passé ce délai que l'administration émet le titre de perception, ou non, selon les observations faites par l'entreprise mise en cause.

Possibilité pour les syndicats d'agir en justice

La loi du 10 juillet 2014 reconnaît aux organisations syndicales représentatives la possibilité d'ester en justice en cas de travail dissimulé ou de détachement frauduleux. Le décret précise que le salarié doit en être informé par tout moyen permettant de conférer une date certaine. Le salarié peut s'y opposer dans les 15 jours. Le syndicat peut alors exercer lui-même les voies de recours et le salarié peut intervenir à tout moment dans l'instance.

Des informations à intégrer dans le registre du personnel

  • Une copie des titres autorisant l'exercice d'une activité salariée des travailleurs étrangers et une copie des déclarations de détachement doivent être annexée au registre unique du personnel et rendues accessibles aux délégués du personnel et aux agents de contrôle.
  • Par ailleurs, le bilan social doit mentionner le nombre de salariés de l'entreprise détachés ainsi que le nombre de salariés détachés accueillis.

Concurrence sociale déloyale et travail illégal

Responsabilité financière des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre

La loi du 10 juillet 2014 impose au donneur d'ordre de faire cesser toute situation de non-respect du salaire minimum légal ou conventionnel, d'un sous-traitant direct ou indirect. Le décret précise que suite à l'injonction, l'employeur a 7 jours pour informer le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre des mesures prises pour faire cesser la situation. Ce dernier transmet l'information à l'agent de contrôle (ou l'absence de réponse). S'il ne réagit pas, il est responsable solidairement du paiement des rémunérations et indemnités dues à chaque salarié et des cotisations et contributions afférentes. Les mêmes règles s'appliquent en matière de respect de la législation du travail (libertés individuelles et collectives, discriminations et égalité professionnelle, protection de la maternité et de la paternité, durée du travail,..) Dans ce cas, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre s'expose à l'amende prévue pour les contraventions de 5e classe, soit au plus 1 500 € (3 000 € en cas de récidive). Notons que le décret porte à 5 000 euros hors taxe (contre 3 000 euros jusqu'à présent) le montant à partir duquel les donneurs d'ordre et maîtres d'ouvrage vérifient lors de la conclusion du contrat que le prestataire est bien à jour de ses obligations de déclaration et de paiement.

Obligation de vigilance en matière d'hébergement

La loi a créé une obligation de vigilance du donneur d'ordre ou du maître d'œuvre en matière d'hébergement, afin que ces derniers vérifient que les salariés de leur cocontractant ou d'un sous-traitant ne soient pas hébergés dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine. Le décret précise que l'employeur qui reçoit une injonction informe dans les 24 heures le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre des mesures prises pour faire cesser la situation. Ce dernier doit en informer l'administration. En cas d'absence de régularisation effective de la situation par l'employeur, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre est tenu de prendre sans délai à sa charge l'hébergement collectif des salariés dans des locaux aménagés. Les syndicats peuvent également agir dans ce domaine en respectant les mêmes règles qu'en matière de détachement frauduleux.

Fermeture administrative

Le préfet, depuis 2011, peut décider une fermeture administrative de l'entreprise. Le décret précise que pour décider une telle sanction d'au plus 3 mois, le préfet tient compte : de la nature, du nombre, de la durée de la ou des infractions relevées, du nombre de salariés concernés ainsi que de la situation économique, sociale et financière de l'entreprise ou de l'établissement. La même appréciation est opérée pour la sanction d'exclusion des contrats administratifs.

 

 

 

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