Pratiques addictives, agir sur les facteurs liés au travail

Présentes en milieu professionnel comme ailleurs, les pratiques addictives peuvent être favorisées par certaines conditions de travail. Pour construire une démarche de prévention collective, associée à la prise en charge des cas individuels, l’implication de l’ensemble des acteurs est essentielle. L’instauration d’un climat de confiance également.

Les consommations d’alcool, de tabac, de médicaments psychotropes et de cannabis - pour les plus courantes - existent dans tous les secteurs d’activité et toutes les catégories professionnelles. Occasionnelles ou répétées, elles peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé et la sécurité des personnes. D’après une enquête de l’INRS menée fin 2021 auprès des professionnels des services de santé au travail, les médecins du travail évaluent à 8,6 % les salariés en difficulté avec l’alcool et à 7 % ceux qui le sont avec le cannabis, en augmentation de 2 points depuis la précédente enquête en 2009. Les données issues de la cohorte épidémiologique Constances montrent que toutes les catégories socioprofessionnelles sont concernées par le cannabis, quel que soit l’âge et le genre. Les ouvriers et les employés sont pour leur part les plus concernés par le tabagisme. Enfin, la consommation de médicaments anxiolytiques est observée majoritairement chez les femmes.

Tous concernés

L’origine des pratiques addictives peut être recherchée aussi bien dans la sphère privée que professionnelle. Si avoir un emploi a globalement un effet protecteur vis-à-vis des pratiques addictives, certaines conditions de travail et pratiques professionnelles peuvent en favoriser la survenue. On peut par exemple citer les pots ou repas d’affaires avec boissons alcoolisées, des facteurs culturels (par exemple dans le BTP) ou liés au métier (dans la fabrication, la vente ou la distribution d’alcool notamment), le travail en contact avec du public, les horaires atypiques (nuit, week-end, horaires fragmentés…), la charge de travail (horaires de plus de 48h par semaine), le travail isolé, le port de charges lourdes, le travail au froid ou à la chaleur, etc. Par ailleurs, la perception et l’impact des risques liés aux pratiques addictives est variable d’une entreprise à l’autre et le poids du tabou souvent présent. L’addiction est une maladie qui souffre de représentations négatives. Les patients ont peur et parfois honte d’en parler. Culturellement, il peut y avoir un paradoxe : si la consommation d’alcool dans un cadre festif est souvent associée à la normalité, trop consommer peut devenir un problème.

Quelle prévention initier ?

La réussite d’une démarche de prévention nécessite l’appropriation du sujet par la direction et l’implication de l’ensemble des acteurs de l’entreprise, en s’appuyant notamment sur le Comité social et économique (CSE). Son élaboration doit se faire dans un esprit de concertation, d’accompagnement et de soutien, plutôt que dans une logique de répression ou de sanction. Elle peut passer par la constitution d’un groupe de travail pluridisciplinaire piloté par l’employeur, ou son représentant. Un socle commun de représentations doit se mettre en place, si possible, en dehors d’une situation dégradée ou d’une urgence à traiter. Pour cela, il faut qu’un climat de confiance soit instauré à tous les niveaux. Le service de prévention et de santé au travail a pour mission de conseiller l’employeur, les salariés et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires pour prévenir la consommation d’alcool et de drogues sur le lieu de travail. Il est un interlocuteur de référence, en particulier pour les TPE, souvent dépourvues face à ces questions. Il est une ressource en matière de prévention des risques liés aux pratiques addictives et d’apport de connaissances pour corriger les fausses croyances.

Dans le cadre de la concertation entre les acteurs de l’entreprise, les risques liés aux pratiques addictives doivent être évalués et inscrits dans le document unique d’évaluation des risques. La démarche de prévention consiste, en premier lieu, à agir sur les facteurs de risques dont on a identifié qu’ils peuvent être impliqués dans les consommations de substances psychoactives : risques psychosociaux, certaines organisations du travail, contraintes physiques, etc. L’entreprise doit également encadrer la consommation d’alcool. Conformément à l’article R.4228-20 du Code du travail, aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail. Dans le règlement intérieur peuvent figurer des mesures d’interdiction totale ou partielle de l’alcool, si l’employeur évalue qu’il y a des risques pour la santé physique ou mentale et la sécurité des travailleurs. Le règlement intérieur peut apporter des précisions sur l’encadrement des pots d’entreprise, la liste des postes de sûreté et de sécurité pour lesquels un dépistage de consommation d’alcool ou de drogues peut être pratiqué, les modalités de réalisation des tests de dépistage, le rappel du Code de la route ou encore l’interdiction de pénétrer dans les locaux de travail sous l’emprise de stupéfiants. Concernant le tabac, il peut être rappelé l’interdiction de fumer dans tous les lieux fermés et couverts accueillant du public et constituant des lieux de travail.

Par ailleurs, la conduite à tenir face à un trouble du comportement doit être connue des salariés et en particulier de l’encadrement de proximité : alerte de l’employeur et des secours, retrait du salarié de toute activité dangereuse, prise d’un avis médical urgent. La prise en charge se poursuit lors du retour du salarié dans l’entreprise avec notamment un examen du travailleur par le médecin du travail à la demande de l’employeur. Enfin, des moyens de formation et d’information appropriés sur les risques doivent être donnés à tous. Un travailleur en difficulté avec sa consommation de substances psychoactives peut solliciter une visite auprès du médecin du travail. En dehors de l’entreprise, le médecin traitant, les consultations spécialisées les plus proches, des sites internet et numéros verts (Addict’aide, Alcool info service, Drogues info service, Tabac info service…) peuvent constituer une aide, et fournir un environnement garantissant confidentialité et absence de jugement.

Effets sur la santé

L’alcool peut entraîner une perte de vigilance et augmenter le risque d’accident. Sa consommation chronique peut s’accompagner de dépression, dépendance, pathologies cardiovasculaires, cirrhose, cancers... Il est à l’origine de 41 000 morts par an dans la population générale.

Le tabagisme, impliqué dans la survenue de nombreuses pathologies et notamment de cancers (poumon, sphère ORL, vessie…), fait chaque année 75 000 morts dans la population générale. En outre, la nicotine, contenue dans le tabac et certains e-liquides, peut créer une forte dépendance.

Le cannabis, la cocaïne, ou encore l’héroïne comportent également des effets secondaires pouvant altérer la vigilance et les capacités de raisonnement. Suivant la substance et son mode d’administration, des dépressions, des pathologies cardio-pulmonaires, des pathologies infectieuses ou encore des cancers peuvent survenir.

Enfin, des addictions sans substance psychoactive (workaholisme, technodépendance) existent. Le workaholisme ou dépendance au travail peut être à l’origine de stress, d’épuisement professionnel pour le travailleur et générer une pression professionnelle sur les collaborateurs.

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