Avec l’essor de l’intelligence artificielle (IA), une promesse récurrente revient dans les discours sur le monde professionnel : celle de soulager les salariés des tâches répétitives et monotones. L’automatisation serait ainsi une solution pour combattre l’ennui au travail, voire le redouté bore-out, qui mine la motivation de nombreux employés. Mais derrière cette promesse séduisante, se dessine une nouvelle problématique : celle d’une déqualification insidieuse et d’une perte de sens, qui pourraient nuire au bien-être professionnel à long terme.
En automatisant les tâches fastidieuses, l’IA libère du temps pour des missions plus créatives et engageantes. C’est ainsi que dans l’administration, l’agent virtuel « Albert » prend en charge le traitement de dossiers répétitifs, permettant aux fonctionnaires de se consacrer à des interactions humaines plus valorisantes. Une enquête indique d’ailleurs que 63 % des salariés français perçoivent positivement cette automatisation, qui allège leur charge mentale.
Mais l’envers de cette médaille technologique mérite attention. Car si l’IA accomplit pour nous ce qui nous ennuie, elle nous prive aussi des occasions d’apprentissage par la pratique. Ce phénomène, connu sous le nom de syndrome de déqualification, survient lorsque les salariés deviennent dépendants de l’IA au point de ne plus savoir réaliser certaines tâches par eux-mêmes. Des comptables peinent à produire des rapports fiscaux sans assistance, des médecins s’inquiètent de perdre leur acuité diagnostique... L’effet à long terme ? Une perte d’autonomie professionnelle, et un sentiment croissant d’inutilité.
Ce glissement progressif vers un rôle de simple superviseur passif – validant les décisions de l’IA sans réelle implication intellectuelle – fait naître une forme de frustration inédite. Ce que certains chercheurs appellent déjà le « travail zombie », où l’humain devient un appendice de la machine, sans espace pour exercer son jugement ou sa créativité. À l’image des « bullshit jobs » dénoncés par David Graeber, ces « emplois assistés par IA » peuvent vite devenir dénués de sens pour ceux qui les occupent.
Comment alors éviter que l’outil ne se transforme en piège ? La réponse réside dans une approche plus humaine de l’automatisation. Il ne s’agit pas seulement d’adopter l’IA, mais de l’intégrer comme un levier d’augmentation des compétences, et non de substitution. Pour cela, les entreprises doivent encourager la formation continue, développer l’esprit critique des collaborateurs face aux outils technologiques, et surtout, redonner de la valeur aux savoir-faire humains.
L’IA peut être un véritable allié du bien-être au travail — à condition de ne pas renoncer à ce qui fait la richesse de nos métiers : l’intelligence humaine, la créativité, et la capacité à penser par soi-même. Ce n’est qu’en restant acteurs face à la machine que nous pourrons transformer l’ennui en opportunité de développement, plutôt qu’en déclassement silencieux.
Auteur : Inforisque.Source : L’IA au travail : un gain de confort qui pourrait vous coûter cher.