L'analyse de l'expert
Cette analyse propose une reconstitution d’un presqu’accident survenu à proximité d’un convoyeur, impliquant un cariste et un responsable de maintenance (éventuellement prestataire). À partir d’un arbre des causes, nous identifions les enchaînements de faits, les facteurs humains (notamment les biais cognitifs) et les défaillances organisationnelles qui ont conduit à la situation dangereuse.
1. Contexte général de la situation
La scène se déroule dans une zone logistique où un convoyeur est en production et où circulent des chariots de manutention. Une équipe de maintenance est présente pour observer une défaillance présumée du convoyeur, en coactivité avec les équipes logistiques.
Le presqu’accident résulte d’une rencontre dangereuse entre :
- Un cariste qui évolue avec un chariot, convoyeur en fonctionnement, sans visibilité suffisante devant lui.
- Une victime, probablement responsable de maintenance et peut-être prestataire, se trouvant dans une zone non matérialisée et hors du chemin piéton.
2. Branche « victime » de l’arbre des causes
2.1. Faits présumés concernant la victime
- La victime est probablement un responsable de maintenance, possiblement un prestataire.
- Elle est présente pour observer une défaillance sur le convoyeur.
- Elle termine une conversation avec un collaborateur avant de se concentrer sur l’installation.
- Elle observe de plus près, probablement pour une analyse plus poussée du convoyeur.
- Elle se situe entre le convoyeur et la palette, hors du chemin piéton dédié.
- Elle se trouve dans l’angle mort du cariste et n’entend pas le chariot bouger.
2.2. Facteurs humains : biais cognitifs
La victime semble très préoccupée par le convoyeur, ce qui peut mobiliser fortement ses ressources attentionnelles et entraîner une baisse de vigilance vis-à-vis de son environnement immédiat (circulation des engins, signaux sonores, limites de zones, etc.).
État de la victime : très concentrée sur l’analyse de la défaillance du convoyeur, au détriment de la perception du risque lié au chariot.
Cause directe : mise en évidence de biais cognitifs en action (biais de focalisation, tunnelisation de l’attention, sous-estimation du risque lié à la coactivité engins/piétons).
Préconisation associée : mettre en place des actions de sensibilisation aux biais cognitifs et à leurs effets sur la prise de décision et la vigilance. Par exemple, faire intervenir Mme Boisseau pour réaliser des ateliers "Prévention des risques et neurosciences appliquée" afin de limiter les effets des biais cognitifs sur le terrain ;).
2.3. Facteurs organisationnels : présence non matérialisée de l’équipe maintenance
La présence de l’équipe maintenance, et éventuellement de prestataires, n’est pas clairement matérialisée sur la zone.
Constats :
- La victime se trouve hors du chemin piéton dédié.
- Elle est située dans un angle mort du cariste.
- Elle n’entend pas le chariot bouger, ce qui renforce le risque de collision.
Cause directe : l’absence de protocole formalisé et de matérialisation claire de la présence de l’équipe de maintenance en zone de production (signalisation, balisage, consignation ou modes dégradés, etc.).
Préconisation : mettre en place un protocole d’observation de défaillance lorsque le convoyeur est en production avec l’équipe Maintenance (en incluant explicitement les prestataires). Ce protocole doit préciser :
- Les zones autorisées et interdites pour l’observation.
- La matérialisation au sol et/ou par balisage de la présence de l’équipe.
- Les moyens de communication entre maintenance, production et caristes.
- Les conditions de mise en sécurité ou de mode dégradé du convoyeur pendant l’observation.
3. Branche « cariste » de l’arbre des causes
3.1. Faits présumés concernant le cariste
- Un collaborateur communique avec le cariste, puis s’en va.
- Le convoyeur fonctionne normalement, le cariste poursuit donc son travail.
- Le cariste n’a aucune visibilité devant lui (charge haute, configuration du lieu, palette, convoyeur).
- Il ne klaxonne probablement pas lors de ses déplacements.
- Le cariste stoppe en voyant la victime sortir de derrière la palette.
3.2. Facteurs humains : distraction et biais cognitifs
La conversation avec un collaborateur peut fournir de nouvelles informations ou générer une préoccupation supplémentaire, susceptible de perturber la disponibilité mentale du cariste.
État du cariste : potentiellement préoccupé par de nouvelles informations communiquées juste avant la manœuvre.
Cause directe : là encore, des biais cognitifs sont en action (distraction, surcharge cognitive, routine liée à la répétition de tâches).
Préconisation associée : déployer des actions de sensibilisation aux biais cognitifs pour les caristes, centrés sur :
- La gestion de la charge mentale.
- La vigilance en situation de routine.
- Les bonnes pratiques de communication en zone de circulation d’engins.
3.3. Facteurs techniques et organisationnels : circulation et chariot
Plusieurs éléments matériels et organisationnels contribuent au risque :
- Le cariste circule avec une marche avant sans visibilité.
- Il n’y a probablement pas de signaux sonores et visuels systématiques lors du déplacement du chariot.
- La hauteur de stockage sur palette limite visiblement le champ de vision.
- L’implantation des flux piétons et mécaniques n’est pas adaptée à la coactivité et à la configuration des lieux.
Cause directe : la marche avant sans visibilité, sans signaux sonores et visuels, qui doit être proscrite.
Préconisations techniques et organisationnelles :
- Repenser les flux mécaniques et piétons afin de limiter les croisements dangereux et les angles morts.
- Revoir la hauteur du stockage sur palette ; à défaut, munir le chariot de dispositifs de détection (détecteurs d’obstacles, capteurs de présence, etc.).
- Adapter le sens de circulation et la catégorie du chariot à la tâche et à la configuration des lieux.
- Mettre en place des signaux sonores et visuels obligatoires lors des déplacements du chariot, quel que soit le sens de circulation.
- Installer des miroirs de circulation dans les zones de croisement et de mauvaise visibilité.
4. Lecture synthétique de l’arbre des causes
L’arbre des causes met en évidence une combinaison de facteurs :
- Facteurs humains et cognitifs : focalisation de la victime sur le convoyeur, distraction/charge mentale du cariste, biais de routine.
- Facteurs organisationnels : absence de protocole formalisé pour l’observation de défaillance en phase de production, coactivité non maîtrisée, présence maintenance non matérialisée.
- Facteurs techniques : marche avant sans visibilité, absence ou insuffisance de signaux sonores/visuels, hauteur de stockage gênant la vision, absence de miroirs et de dispositifs de détection.
L’enchaînement de ces causes aboutit à une situation où la victime et le cariste se retrouvent dans la même zone, séparés par une palette et un convoyeur, sans visibilité réciproque, jusqu’au moment où la victime émerge de derrière la palette et que le cariste stoppe in extremis.
5. Résultat : un presqu’accident révélateur
Résultat de toutes ces actions : survenue d’un presqu’accident. Aucun dommage corporel n’est rapporté, mais la situation est clairement reproductible si aucune action corrective et préventive n’est engagée.
Ce presqu’accident doit être considéré comme un signal fort :
- Il révèle des failles dans l’organisation de la coactivité entre maintenance et logistique.
- Il met en lumière des risques liés aux biais cognitifs des opérateurs (cariste et maintenance).
- Il pointe des insuffisances en matière de conception des circulations et de moyens techniques de prévention.
6. Conclusion : transformer l’événement en opportunité de progrès
L’analyse à partir de l’arbre des causes montre que ce presqu’accident n’est pas le fruit d’une erreur isolée, mais d’un ensemble de décisions, d’habitudes et d’organisations peu favorables à la sécurité.
Les pistes d’action identifiées (protocole d’observation en production, repenser les flux, adapter le chariot et les signaux, matérialiser la présence de la maintenance, former les équipes aux biais cognitifs, etc.) doivent être intégrées dans un plan d’action structuré, suivi et évalué.
En capitalisant sur cet événement, l’entreprise peut renforcer sa culture de prévention, réduire les expositions aux risques de coactivité engins/piétons et éviter que ce presqu’accident ne se transforme un jour en accident grave.
Auteur : Alicia BOISSEAU, Ingénierie HSE/RSE + développement personnel = Je réduis les RPS et j’ancre des réflexes sûrs par la neuroplasticité appliquée -> SOLUTION HSE _ Prévention & Conciliationavec Inforisque.
Le concept #balancetonrisque
Le concept #balancetonrisque est un partage à visée pédagogique créé par Inforisque. Tous les jeudis, retrouvez dans la lettre du risque une vidéo commentée et analysée par un expert HSE.