Les sociétés coopératives, laboratoires du développement durable

Classé dans la catégorie : Risques pour l'environnement

Les sociétés coopératives d’intérêt collectif incarnent un modèle d’entreprise qui renouvelle l’approche de l’activité économique au service d’un projet social et souvent environnemental. Exemple dans le département de l’Orne.

La crise financière et son impact sur l’économie réelle active la prise de conscience qu’un développement durable passe par une remise au centre du rôle de l’entreprise comme acteur de production de richesse, de création d’emploi et de cohésion social.

Depuis 2001, quelque 138 entreprises d’un genre nouveau se sont créées sur la base d’un statut qui en fait autant de laboratoires pour une entreprise durable. Ce sont des sociétés coopératives d’intérêts collectifs (Scic). Le mouvement, initié dans l’économie solidaire, reste embryonnaire à l’aune des quelque cinq millions d’entreprises en France. Mais les Scic occupent aujourd’hui des secteurs variés comme la recherche industrielle, la santé, la culture, les nouvelles technologies ou encore les énergies renouvelables, alors qu’on les prédisposait à occuper en grande majorité le secteur social.

Environnement et économie

L’environnement prend une part de plus en plus importante dans les nouvelles Scic à l’image de Bois bocage énergie. Cette Scic normande, installée dans la commune de Chanu dans l’Orne, gère une plateforme logistique de bois déchiqueté utilisé dans les chaudières à bois. Jusque là, rien de bien révolutionnaire. La spécificité de cette entreprise est d’avoir conçu son modèle économique en réponse à un diagnostic collectif opéré par l’ensemble des parties prenantes du territoire : élus, agriculteurs, associations écologistes et utilisateurs de chaudière à bois. « L’objectif principal est la revalorisation du bocage pour assurer sa pérennité. La première préoccupation de la Scic est donc environnementale », explique Thierry Aubin, maire de Chanu et sociétaire de la scic.

De cette préoccupation environnementale et paysagère (en 12 ans, le département de l’Orne est passé de 40000 à 32000 Kms de haies bocagères) est née l’idée de valoriser économiquement la ressource par la production de bois énergie. Les agriculteurs, responsables de l’entretien des haies sur leurs terrains n’y voyaient jusque-là qu’une charge supplémentaire imposée par des lois venues d’en haut. Les utilisateurs de chaudière à bois se sont déclarés intéressés par une filière d’approvisionnement local, à commencer par la maison de retraite de Chanu, principal employeur de la commune.

Le multi sociétariat

Depuis février 2006, Bois bocage énergie achète, sèche et distribue le bois déchiqueté issu de la taille d’entretien des haies par les agriculteurs. Cette élaboration collective de l’activité se retrouve dans l’association de tous les intervenants de la filière au capital de l’entreprise. Le statut de Scic institue en effet le concept d’un multi sociétariat organisé en collège. Dans le cas de Bois bocage énergie cinq collèges de sociétaires regroupent les agriculteurs, les salariés, les clients, les collectivités locales et enfin les personnes ayant un intérêt commun avec l’entreprise.

Un tel dispositif cherche à éviter que l’exploitation des haies ne se fasse un jour au détriment de la ressource, tout en prenant en compte les impératifs de viabilité économique de l’activité (fixation du prix du bois énergie, planification des coupes et de la demande...). Un associé peut être exclu dès lors qu’il ne respecte pas le cahier des charges.

Croissance financière et territoriale

En trois ans Bois bocage énergie s’est agrandi pour prendre une dimension départementale. Pour maintenir l’ancrage local de la filière, des antennes se sont créées, notamment à l’initiative du Parc naturel régional du Perche situé au sud du département. De 21 sociétaires à sa création, la Scic dépasse aujourd’hui le nombre de 100 dont près de la moitié d’agriculteurs. Chaque antenne assure la gestion opérationnelle de la filière, la création de plateformes de séchage, tandis que la Scic mutualise les tâches de gestion et anime le partage des expériences de chacun. Le chiffre d’affaires 2008 s’élève à 150 000 euros.

L’entreprise n’a pour le moment pérennisé qu’un emploi direct. Le développement de l’activité laisse espérer d’autres créations, mais surtout ce sont les agriculteurs du département qui trouvent là une source de revenu complémentaire tout en préservant le patrimoine bocager. L’implication de l’ensemble des parties-prenante a favoriser un dialogue plus apaisé entre écologistes et agriculteurs, certaines associations de défense de l’environnement ont d’ailleurs pris des parts sociales dans l’entreprise.

Les Scic en France

138 Scic , employant en moyenne 10 salariés, ont vu le jour depuis la création du statut en 2001. Selon l’Observatoire des Scic, 30 % de ces entreprises en 2007 appartiennent au secteur environnemental à l’image d’Enercoop (distributeur d’électricité verte). Il faudrait y ajouter les entreprises d’insertion regroupées dans le secteur social (52 %) qui ont une implication environnementale. Le commerce équitable, l’habitat, les transports avec l’auto-partage, les nouvelles technologies, la restauration, la recherche industrielle, la culture, les services aux personnes sont autant de secteur où les Scic sont présentes.

Auteur : Philippe Chibani-Jacquot, Novethic

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